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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

Fuites, Izabel Watson

Quand le 9e art fréquente le 3e !

Une chronique de Richard

Intrigué par le nom de Stanley Péan et de son intrusion en bande dessinée, j’ai été sidéré par la beauté des illustrations de Jean-Michel Girard.

Un peu d’histoire personnelle 

Très peu amateur de bandes dessinées, plutôt attiré par les romans et surtout les pavés qui nous accompagnent pendant des jours, j’étais un très mauvais lecteur, j’oserais même dire, je ne savais pas lire cette forme particulière de littérature. Accroché aux mots, à l’histoire, j’avalais les 48 pages à la vitesse d’une étoile filante, aussitôt lues, aussitôt terminées. Expérience frustrante !

Puis un jour, un ami m’a appris à lire ! À lire une bande dessinée ! Cette littérature qui contient deux éléments bien importants : les mots et les images. Et depuis ce temps, j’ai amélioré mes compétences de lecteur en lisant, selon les règles de l’art (le 9e), les mots et l’illustration de chaque case, en toute complémentarité.

Jusqu’à hier !

Où je suis retombé dans ma vieille habitude. En ouvrant « Fuites. Izabel Watson », je n’ai pu m’empêcher de ne « lire » que les illustrations, complètement charmé par la beauté de chacune des cases. Pendant quelques minutes, j’avais l’impression d’assister au vernissage d’une exposition dans une galerie d’art.

Bon !

Avant d’attaquer sans vergogne l’humilité de Jean-Michel Girard, je me dois de vous parler de cet excellent album, sous tous les plans, littéraire et esthétique.

Izabel Watson

L’avenir d’Izabel Watson est compromis quand la boutique de son père est détruite par une bombe artisanale. La jeune apprentie horlogère absente lors de l’explosion, apprend que son père, souffrant d’une maladie mentale, a lui-même fabriqué cette bombe qui l’a tué. Craignant l’application aveugle de la Justice, elle décide donc de tenter la grande aventure et de partir vers l’Amérique.

Izabel débarque à La Nouvelle-Orléans dans une Louisiane qui sort à peine de la guerre de Sécession; l’abolition de l’esclavage n’a évidemment pas solutionné tous les problèmes raciaux. Dès son arrivée, la jeune Anglaise en prend vite conscience; elle intervient dans une altercation entre des blancs et un jeune musicien noir. On ne craque pas une allumette dans une poudrière raciale sans déclencher une explosion de vengeance et de règlement de comptes. La possibilité pour le jeune noir d’être lynché est au maximum et l’implication d’Izabel ne peut que lui apporter des problèmes pouvant aller jusqu’à la déportation.

Alors, nous assistons au départ d’Izabel et de l’homme supposément libre, Frederick Lamarre vers l’Ouest américain, avec, évidemment, tout ce que cela comporte de rencontres plus ou moins agréables, d’un pays qui se reconstruit après sa guerre civile et du choc des valeurs qui s’ensuit.

Voici donc le premier album de « Fuites » qui devrait être suivi par au moins cinq autres. Et la première impression, à la lecture du premier tome d’une série, c’est la frustration ! Frustration de devoir attendre les autres tomes avant de continuer notre lecture ! Mais c’est le lot de toute bonne histoire, de toute bonne série !

Et l’histoire, elle est bonne ! Pleine de promesses ! Très rapidement, on s’attache au personnage d’Izabel, femme de courage, qui accepte de quitter Londres pour l’inconnu, ne sachant même pas la destination du bateau dans lequel elle embarque. La traversée ne se passe pas sans heurts surtout qu’elle navigue sur un bateau de marchandises. Le choc de l’inconnu se poursuivra à son arrivée à La Nouvelle-Orléans où elle prendra conscience des séquelles de la guerre de Sécession et de l’évident problème de racisme qui perdure malgré l’abolition de l’esclavage.

Ce que l’on pressent à la lecture de ce premier album, c’est le choc culturel et racial que vivront ces deux personnes; l’amitié entre une jeune blanche et un musicien noir provoquera sûrement son lot de problèmes dans cette complicité toute récente.

La sensibilité de Stanley Péan pour l’histoire des Noirs et son amour de la musique alimente cette excellente histoire. On reconnait le style de l’auteur de « Zombi blues » et de « Bizango » pour insuffler une touche de suspense à l’histoire. L’accroche est immédiate, l’intérêt est soutenu et le désir d’en savoir plus s’installe (cf. la frustration de l’attente !!!)

Jean-Michel Girard Crédit Photo: Patrick Bourque

Les illustrations

Bien sûr, et j’y reviens, le graphisme et l’esthétisme de cette bande dessinée contribueront de façon importante dans le plaisir de découvrir cette histoire.

Esthétiquement, l’album frôle la perfection ! Le dessin est réaliste, les couleurs sont magnifiques, les personnages et surtout les figures sont d’un réalisme frappant. Chaque case contient sa dose d’informations et de détails demandant notre attention. Il n’y a pas que les mots qui attirent notre attention ...

Historiquement, l’expérience de Jean-Michel Girard comme spécialiste de l’illustration historique procure à cet album un air de réalisme qui m’apparait essentiel dans ce genre d’œuvre. Les rues de Londres et de La Nouvelle-Orléans fourmillent de détails essentiels, le bateau ainsi que les paysages portuaires sont magnifiques, les costumes civils et militaires sont à l’image de l’époque; tout est minutieusement choisi pour refléter la vie et l’atmosphère de cette époque.

Du point de vue strictement graphique, certaines planches arrivent à nous surprendre par des choix d’angles de vues différents, quelques cases monochromes (assez énigmatiques) et quelques prises de vue panoramiques assez spectaculaires (voir la première page de l’album)! À cela, il faut ajouter les magnifiques portraits des personnages qui illustrent chaque début de chapitre. Celui d’Izabel à la page 15 et celui de Frederick à la page 33 sont particulièrement réussis.

Vous dire que j’ai aimé cet album et que je le recommande fortement est complètement inutile ! Mais je vous le dis quand même ! « Fuites » nous annonce une collection d’une qualité aussi grande que les meilleurs albums européens. À se procurer sans faute et à relire quand le tome 2 sortira !

Bonne lecture ... des mots et des images !

Stanley Péan. Crédit Photo: Patrick Bourque

 

Fuites, Izabel Watson

Tome 1

Stanley Péan, scénariste

Jean-Michel Girard, co-scénariste et dessinateur

Les éditions Mains Libres

2022

70 pages

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