14 Mai 2023
Un grand seigneur du prétoire
Une chronique de Christophe Rodriguez
Voilà une biographie non conformiste, à l’image du personnage que j’attendais depuis longtemps. Dans un autre siècle, jeune étudiant, j’ai eu l’occasion d’assister à une conférence de René-Léo Maranda, redoutable criminaliste et grand seigneur des assises. Plus qu’un cours sur l’art de la plaidoirie ainsi que de la défense, ce monsieur qui en imposait avec un timbre très particulier nous raconta aussi ce que furent en partie ses grands procès.
Comme l’écrit si bien en préface, le journaliste André Cédilot, l’un des piliers de la presse judiciaire : « SI j'avais pu écrire une seule biographie d’un personnage public, j’aurais souhaité faire celle de l’avocat Léo-René Maranda. Avec ses airs d’aristocrate, de voix caverneuse et sa fougue maîtrisée, il ne laissait personne indifférent où qu’il fût. L’ayant vu plaider à maintes reprises dans les procès liés au crime organisé, j’étais impressionné par sa prestance, son verbe facile et sa connaissance du droit. Comme bien des personnes qui fascinent, Me Maranda était un être complexe, plein de contradictions, doté d’une morale élastique qui n’avait rien à envier à ses clients du monde interlope».
Pendant presque quarante ans, il a exercé sa profession d’abord comme civiliste puis criminaliste. Il faut dire que ses clients furent de grosses pointures. Alain Charron, homme de main de la famille Dubois, Roland Primeau, Richard Erb, Gérald Fontaine, Donald Côté sans oublier le procès à fort déploiement des motards. En bref, le bottin du grand banditisme.
Comment est-il devenu cet avocat flamboyant? C’est ce que vous allez découvrir sous la plume du journaliste/écrivain Christian Tétreault. Plutôt que de choisir la voie classique, il retrace le parcours de cet étonnant juriste à travers ses fréquentations, et, avouons, son sens peu orthodoxe de négocier avec ses clients. Jamais coupable jusqu’à preuve du contraire, il est un féroce batailleur, travaillant sans relâche, confondant les preuves. Il faut absolument lire le chapitre sur Gérard "Fonfon" Fontaine pour analyser quelle amitié peut lier un homme de droit à un sans scolarité, un « Street smart» qui avait gravi les échelons du monde interlope.
Un homme de contradictions dont la vie amoureuse fut aussi très mouvementée, surtout avec sa deuxième compagne Andrée Marquis, embrigadé dans certaines histoires assez louches. Au fil des chapitres, Christian Tétreault vous fera revivre de grands procès par une plume alerte, sans concessions qui décrivent très bien « la personnalité vindicative de René-Léo Marnada. : Il ne fait pas dans la dentelle. Il ne connaît ni la pitié ni l’empathie. Le velours de son gant est peut-être doux et chatoyant, mais le fer de son poing peut faire de lourds dommages ». Il détestait les délateurs toujours dans sa ligne de mire et il en faisait un principe en les « cuisinant des heures ». Tout comme la GRC, qui voulant le faire tomber, perquisitionna son appartement. Il se rendit jusqu’en Cour Suprême et gagna sa cause.
En conclusion, laissons la parole au journaliste Yves Boisvert : « Il a sans doute flirté avec la frontière tenue qui sépare le criminel de son porte-parole. Mais son apport à la profession est indéniable ». Une vie riche et complexe et quelle biographie!
Bonne lecture !
L’univers Maranda
Même le diable a droit à un avocat
Christian Tétreault
en collaboration avec Louis Raymond Maranda
Préface d’André Cédilot
Éditions de l'homme
320 pages
Christian Tétreault se définit d'abord comme un mari et un père, ce qui ne l'a pas empêché de mener plusieurs carrières de front. Conférencier, chroniqueur, éditorialiste de sport, concepte...
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