11 Juin 2023
Loin de tes ennemis
Une chronique de Christophe Rodriguez
Voici une drôle de coïncidence. En cette semaine du débarquement allié (6 juin 1944), ce roman historique explore les dessous de ce qu’il fut convenu d’appeler l’Occupation.
Quand le maréchal Pétain signa à Montoire l’accord qui scella le sort de la France comme occupé, avec des paiements de guerre rédhibitoires, la fine fleur du grand banditisme s’engouffra dans cette veine «juteuse». Pas qu’eux, hélas.
De sinistres personnages comme le tandem Bonny/Laffont, allié à la Kommandatur, pourchassèrent les Juifs, les communistes ainsi que les résistants en échange de passe-droits inoxydables qui leur assurait pour un temps, fortune et impunité. Dans ce marigot si bien décrit dans Requiem pour une république de Thomas Cantaloube (Série noire) ainsi que la trilogie Sadorski de Romain Slocombe, la résistance si minime au début joua un rôle considérable.
Ennemi ou ami?
Pour troubler les pistes, le romancier ouvre sa fiction avec la disparition du principal intéressé, soit Oscar Wagner. Dans un club huppé de Parsi en 1942, fréquenté par les gens du milieu ainsi que les hauts gradés de l’Occupant nazi, Mo les yeux bleus, truand notoire et proxénète à ses heures, règle difficilement le compte du sieur Wagner. Nous apprendrons bien plus tard que cet assassinat relève de modalités beaucoup plus importantes en ce temps de guerre tourmentée. Cartographie d’un Paris en proie à tous les trafics avec de vraies figures d’époques (Auguste Ricord, Joanovici qui régnait en maître sur les entrepôts de Saint-Ouen, le commandant Nosek qui dirigea l’antenne SD, appareil de la Gestapo tout comme les frères Guerini, futurs seigneurs de la pègre marseillaise), nous nageons en plein roman d’espionnage dans un esprit tout à fait de Peter Cheney avec bien des surprises à la clé. Le Wagner en question dont tout le monde recherche la compagnie travaille pour l’occupant, mais vendait à prix forts des renseignements au contre-espionnage allié dont un plan d’Hitler qui annonçait les opérations militaires à venir.
Dans cette course poursuite qui va de la zone occupée à la zone dite libre pour encore quelques mois, le jeu de dupe est de mise. Mo les yeux bleus joue sur plusieurs tableaux en sous main, quitte à y laisser sa vie, surtout quand l’amour est au rendez-vous.
Voilà une belle réussite pour les férus d’histoire et d’espionnage!
Bonne lecture !
Oscar Wagner a disparu
Jean-Christophe Portes
Hugo& Thriller
375 pages