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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

Les Foley

Pour souligner la tenue du Salon du livre de Montréal, Polar, noir et blanc vous présente trois romans québécois.

Les Foley d'Annie-Claude Thériault

 

 

Une chronique de France Lapierre

 

Invitez Les Foley chez vous et vous déplorerez que le roman d’Annie-Claude Thériault ne compte que 290 pages! L’auteure nous gorge de couleurs et d’odeurs : les yeux vert pastel, les violettes, les bas de laine jaunes, le pourpre des tourbières, le bleu de la mer, la luminosité du jaune et de l’orange dans le couvent de Caraquet; les odeurs de caramel (crème, beurre, cassonade) qui embaument la cuisine de Nelly, l’albinos, tout comme l’odeur de tourbe brûlée dans le poêle à bois.

 

Et elle fait défiler devant nous des générations de femmes fortes, en butte à la violence des hommes de leur entourage et de leur famille : Eveline, Nora, Ellen, Blanche, Eveline et Laura.

 

Prologue :

La narratrice, Eveline, nous offre un prologue métaphorique sur la sarracenia purpurea, cette plante carnivore impitoyablement seule. Une survivante, à l’image des femmes Foley qu’Annie-Claude Thériault nous présente :

Chaque épisode narratif est précédé par la citation d’un écrivain phare.

 

I La guigne.

Irlande1847

Citation de James Joyce : « Derevaun Seraun,» signifie “At the end of the pleasure, there is pain.”

C’est ainsi que s’amorce la saga des femmes Foley. En 1847, Eveline Foley découvre un coléoptère dans son champ de pommes de terre. C’est la guigne, s’écrie cette grand-mère qui prendra une décision radicale pour sauver sa famille de la terrible famine qui sévit en Irlande. La nature est omniprésente, avec ses couleurs et ses odeurs. Ses champs sont stériles et l’herbe de la forêt est triste « d’un vert infiniment triste »

La langue est importante pour les Foley, elles qui parlent irlandais.

« Elle parlait une langue échouée, larguée en plein milieu de l’océan. »

 

II Le refuge

Pokeshaw, NB 1880

Exergue : Longfellow, Évangéline. Personnage phare des Acadiens.

Au couvent de Caraquet, où Nora, (l’arrière-petite-fille d’Éveline) doit vivre, elle écrit une lettre à son père. Elle revisite le récit du jour où il est venu la conduire au couvent. Dans ce havre féminin, elle découvre les livres et la musique de la langue française. Elle baigne dans le bien-être procuré par la présence enveloppante des femmes, par rapport à celle des hommes, rude et dangereuse. Elle sera sauvée par  "une terre de bras qui bercent."  « Un monde de femmes et de phrases qui pansent. »

 

III L’esseulement   

Black Rock NB 1910

Exergue : Thoreau, La vie dans les bois.

Ellen Folley mène une vie précaire dans les bois avec sa mère, en marge de la société des hommes. Ellen ne connait pas l’histoire maternelle. Tout au plus sait-elle que sa mère parle français, bien que l’anglais soit sa langue maternelle.

Un jour, elle, trouve un homme blessé. Elle prend soin de lui, sans en parler à sa mère. Elle lui fait croire qu’elle a trouvé un chevreuil.  Puis, l’homme disparait et Ellen sent que sa mère n’est pas étrangère à cette disparition. « Nous sommes bien toutes les deux, n’est-ce pas? » Peu à peu, le lecteur comprend qui est la mère d’Ellen.

 

IV L’effondrement  

Inkerman NB 1940

Exergue : Acadie Road, Gabriel Robichaud

 

Nelly est une vieille femme, cousine de Nora, qui vit avec son frère handicapé. Elle a honte d’appartenir à cette lignée d’hommes, « des animaux ». Elle ne veut pas connaître les autres Foley ni parler anglais.

On sent encore la menace de l’homme. « Un sommeil de sœur, de tante, de ménagère, de cuisinière, de fermière. De femme. Un sommeil de femme. Un sommeil de bout des yeux. »

La violence ira en crescendo entre le frère et la sœur albinos.

 

V L’effacement

Caraquet, NB, 1963

Exergue : Joseph Yvon Thériault. Évangéline : contes d’Amérique.

C’est Clara qui raconte l’histoire et celle d’Eveline Foley, son amie. C’est le dernier été qu’elles passent ensemble, car Clara doit déménager à la fin de l’été.

Eveline Foley ne parle pas anglais. Elle sait toutefois que sa famille provient d’Irlande.  Son père fait des gâteaux dont l’odeur de caramel et de vanille imprègne sa fille. Comme un atavisme inscrit au fond de ses gènes, Eveline crache par terre devant la maison des Anglais, tout comme son aïeule Ann l’avait fait en 1847. Les deux adolescentes décident d’aller au camp de l’aïeule Foley. Eveline fera une découverte étonnante et remettra à Clara un talisman. Lui apportera-t-il la chance ou la guigne?

 

 

Épilogue : Non intitulé

Miscou, NB, 2019

Nuala O’Faolain, Chimère.

 

Laura, la narratrice, 43 ans et orpheline, reprend le prologue et « donne l’heure juste ». Elle est bien sur l’île pour étudier la sarracenia purpurea, mais elle y a été contrainte, car elle doit reprendre l’échantillonnage qu’elle avait détruit au laboratoire de Philadelphie.

Laura sait que sa mère était née au NB (Caraquet) et elle lui avait toujours parlé français. Au retour au pays acadien, elle renouera avec ses racines. Des racines fortes et non pas des rhizomes de sarracenia purpurea.

 

Annie-Claude Thériault raconte l’histoire des Foley, à partir de femmes choisies sur un arbre généalogique virtuel et qui composent, chacune à leur façon, une ode à la sororité et à la force des femmes. Ce roman est aussi un vibrant témoignage sur l’importance de la langue maternelle et de sa transmission.

 

Bonne lecture !

 

Annie-Claude Thériault. 

Les Foley. 

Marchand de feuilles,

2019.

290 pages 

 

 

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