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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

Em

Une chronique de France Lapierre

Est-il nécessaire de présenter Kim Thuy? Au moment où vous aurez ces lignes entre les mains, peut-être que vous aurez déjà lu Em (signifie « petit frère » ou « petite sœur »). Sinon, empruntez-le ou achetez-le. Et laissez-vous émouvoir. Em est une œuvre de maturité. Kim Thuy est reconnue pour ciseler ses mots. Encore une fois, elle est à la hauteur. Son écriture est acérée comme un scalpel. En une phrase, une image, elle nous bouscule avec l’horreur ou la beauté d’une scène.

L’auteure porte un regard lucide sur la guerre du Vietnam à partir de lectures qu’elle a faites. Et elle nous introduit dans le quotidien de ceux qui l’ont vécue. Chacun est présenté à un moment charnière de sa vie et nous fait saisir de façon crue l’impact de ce conflit.

Les histoires d’Alexandre, de Mai ou de Louis sont vraies. Totalement ou en partie? L’auteure nous prévient dès le début :

« Je vais vous raconter la vérité, ou du moins des histoires vraies, mais seulement partiellement, incomplètement, à peu de chose près. » p.9

Kim Thuy pose le contexte, explique le travail des coolies, l’usage des défoliants par les Américains, puis elle retourne dans l’intimité de ses personnages qui sont reliés par le mince fil rouge de l’amour.

Alexandre, Mai et Tâm coulent des jours heureux, puis survient l’hécatombe. Tâm est prise en charge par sa nourrice qui la sauve de la mort. Des années plus tard, la vie de Tâm sera de nouveau épargnée, par un pilote américain, lors du tristement célèbre massacre de My Lai. (Vous souvenez-vous de cette photo où l’on voit une fillette nue qui crie et s’enfuit en compagnie d’autres enfants encadrés par des soldats? Jamais je n’oublierai cette photo.)

Louis, un métis noir, est abandonné à la naissance. Il vit dans la rue et se débrouille pour survivre.

« À sept ans, il est possible de se présenter à une terrasse bondée de militaires pour nettoyer les bottes encore tachées de sang ou pour y déclencher une grenade, suivant l’ordre des adultes. » p.66

À son tour, il recueille un bébé abandonné, Em Hóng. Cette dernière sera recueillie à l’orphelinat fondé par Naomi, puis adopté par un couple de Savannah. Et l’histoire par un curieux hasard réunira Louis et Em Hong devenue Sarah-Jade. Ils tomberont amoureux.

Puis, Kim Thuy nous fait part de statistiques affolantes sur la quantité de défoliant utilisé au Vietnam pour détruire la forêt tropicale et affamer la population. Cinquante ans plus tard, ces 80 millions de litres de produits chimiques déversés du haut du ciel ont provoqué de multiples malformations congénitales. Le coût social de cette guerre doit également tenir compte du nombre d’orphelins et de veuves.

« Elle oublie {la mémoire} que tous les Vietnamiens, peu importe où ils vivent, sont des descendants d’une histoire d’amour entre une femme de la race immortelle des fées et un homme du sang des dragons. (…) Cette guerre a cassé les liens ancestraux. p.140

 

Amour et haine, couple indissoluble?

 

Bonne lecture !

 

Em

Kim Thuy

Éditions Libre Expression

2020

149 pages

 

P.S. Cette chronique a d'abord été écrite pour L'Odyssée, bulletin de l'Association des retraités de l'enseignement (AREQ), section Laurentides.

 

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