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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

Les masques éphémères

Une chronique de Richard

Quel plaisir de retrouver le commissaire Guido Brunetti et tout son entourage. Comme un membre de la famille, comme des retrouvailles après quelques mois d’absence, on ouvre le dernier Donna Leon et on se retrouve comme si on ne s’était pas quitté du tout ! La fébrilité de Venise, les touristes qui affluent, les cafés avec leurs croissants chauds, les petites ruelles sombres et le Grand Canal ; voici tout ce que l’on retrouve avec chaque roman de la plus vénitienne des Américaines.

Les masques éphémères est la trentième enquête du commissaire Brunetti. Ici pas de meurtre, un peu de sang sur des blessures superficielles, juste la curiosité du commissaire pour un incident en apparence anodin mais qui cache quelque chose de plus gros, une organisation criminelle bien huilée.

Un soir d’été, deux jeunes Américaines se laissent séduire par deux beaux Vénitiens. Bien évidemment, cette soirée se termine par une balade nocturne en bateau sur les canaux de la Sérénissime. Mais un accident se produit, les deux filles et un des garçons sont blessés. On laisse les deux jeunes Américaines sur le trottoir à l’entrée de l’hôpital.

Mis au courant de l’affaire, Brunetti est intrigué par l’attitude des deux jeunes garçons et il amorce certaines recherches. Il pose des questions. Il s’interroge tout en avançant graduellement dans son enquête. Brunetti découvre un réseau de criminels important.

Plus l’enquête progresse, plus on se rapproche de ce réseau de bateliers corrompus qui s’activent en pleine nuit pour réaliser leur commerce ignoble.

Nous retrouvons avec plaisir sa nouvelle collègue Claudia Griffoni, originaire de Naples (ce nouveau personnage est présent depuis quelques romans) et leur relation professionnelle s’accompagne de quelques discussions entre elle et Brunetti sur les différences entre Naples et Venise ...et nous donne l’occasion au commissaire de réfléchir sur ses propres préjugés sur le racisme italien.

Quand on lit du Donna Leon, il faut s’attendre à ce genre de réflexion de la part de son personnage principal. Brunetti est un policier réflexif, posé, cultivé et hédoniste. C’est ce qui fait son charme et qui provoque la fidélité des lecteurs. L’enquête avance tranquillement, au fil des doutes et des intuitions du commissaire. Amateur de ce personnage, on s’en délecte.

Bien sûr, on y retrouve également sa femme Paola et ses repas à faire rêver les gastronomes en nous, ses enfants, grands adolescents avec leur propre vie et les pensées qui amènent quelques conflits de générations. Et aussi, l’équipe de la questure avec l’ineffable vice-questeur Patta  et l’âme de ce poste, la signorina Elettra, que malheureusement nous voyons moins souvent dans cette enquête.

Lire Donna Leon, c’est une expérience bien particulière, comme une visite touristique dans une ville aux accents bouleversants, belle de jour et parfois lugubre la nuit. On suit l’enquête comme on visite cette ville, les yeux remplis des beautés de son architecture, mais frappé par la noirceur qui peut l’habiter. Toujours en opposition entre, par exemple, un diner en famille chez le commissaire suivi par l’avidité corrompue de certains criminels. Les lecteurs s’en régalent, car l’auteure possède le don de mettre tout cela dans un bel équilibre.

Et ce qui ne gâche rien pour le lecteur nouveau ou celui qui a été un peu infidèle, c’est que toutes les enquêtes du commissaire Brunetti peuvent se lire dans l’ordre que l’on désire. Je n’ai pas lu les 30 romans et ce n’est pas nécessaire. Nouveau lecteur, tu peux commencer où tu veux, par le premier, le quinzième ou ce dernier ... le plaisir de lire sera toujours présent.

Lire du Donna Leon, c’est se retrouver devant un polar classique, un policier réflexif, peu ou pas du tout de violence, un regard acéré sur la société, une écriture fluide et une facilité de lecture indéniable. Mais c’est surtout, retrouver deux personnages charismatiques : un commissaire Brunetti attachant et une ville attractive, la Venise de Donna Leon.

Extraits

« Tandis qu’il gravissait les marches, Brunetti s’identifia à cet édifice avec ses quelques raideurs par-ci, ses pannes occasionnelles par-là, mais il fut bientôt à court de comparaisons, et sa première constatation l’incita à enlever les mains de la rampe et à continuer à monter en redressant le dos. »

Et si on parlait de la signorina Elettra ...

« De fait de sa longue expérience, Brunetti savait que la signorina Elettra portait sur toute information le même regard qu’un requin apercevant une jambe de surfeur. »

Bonne lecture !

 

Les masques éphémères

Donna Leon

Éditions Calmann Levy Noir

2022

337 pages

 

 

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