19 Juillet 2010
Voici un premier roman qui ne vous laissera pas indifférent !
J’ai entendu parler de Gipsy Paladini, pour la première fois, sur Facebook; charmante personne, ses lecteurs et «amis Facebook» étaient dithyrambiques à son égard. Une demande d’amitié et
quelques «recherches googlesques» plus tard, je me rends compte que cette auteure a lancé son livre au Salon du Livre de Montréal, édité par une maison québécoise mais qu’elle habite à Paris.
Quelques échanges de courriels et tout gentiment, quelque temps plus tard, je reçois son livre par courrier postal.
Je l’avoue, même si certains pourraient penser que cela influencerait mon jugement, ma critique ou mon objectivité: Gipsy Paladini est une personne extrêmement gentille et une écrivaine tout à
fait diabolique ! Parler de la vie de Gipsy, la gitane, c’est partir pour tout un cours de géographie: grande voyageuse, ouverte sur le monde, citoyenne de l’Univers, on comprend vite d’où
viennent les sources de sa créativité. Je vous invite donc à lire sa propre prose biographique sur son site personnel. !
«Sang pour sang» est un formidable thriller, un roman policier très bien construit, une intrigue très bien ficelée et surtout, une histoire alimentée par une
extraordinaire imagination qui vous surprendra tout au long de votre lecture. Ce premier roman de Gipsy Paladini est plein de promesses; j’ai adoré son style d’écriture, crue, avec une
construction romanesque en spirale qui vous transporte de page en page dans un tourbillon de plus en plus rapide vers une finale imaginative, surprenante et pleine de rebondissements.
Comme tout bon polar, le début du roman assemble tous les ingrédients avant l’achèvement du plat final: un personnage absolument fascinant (j’y reviens tantôt ...), des personnages secondaires
vrais et complexes, des meurtres crapuleux et une galerie de coupables tout à fait crédibles. Durant toute la première partie, l’auteure agence tous ces ingrédients d’une façon tout à fait
diabolique. Un fait ici, une phrase là, un indice laissé au hasard de notre lecture, une information qui explose sous nos yeux mais jamais avant le milieu du livre, le lecteur ne se doutera
de la direction que prendra l’enquête. Alors, à un certain moment, l’enquête prend une tournure imprévisible et là, le doigt du lecteur doit s’ajuster à la vitesse de l’oeil pour tourner les
pages aussi vite qu’il le peut. Attention, ne commencez pas la seconde partie du roman au lit ... car, la nuit blanche sera le salaire que vous devrez payer pour votre plaisir de lecture.
Et cette enquête est menée par un des policiers le plus immonde du monde littéraire: alcoolique, amateur de putes, mauvais mari et affreux père, ami infidèle: «C’est toi qui vit comme un
cliché de flic, mal habillé, mal rasé, alcoolique, névrotique, qui pue la sueur et la pute dès le matin.» Aimable, n’est-ce pas ? Et une autre, pour ajouter au charmant portrait de ce
policier quand même très attachant: «Sur les photos, à côté des suspects ou des inculpés, c’était toujours lui qui paraissait coupable.» Oui, Alan Seriani est un être abject, un
sans-coeur évident, un écorché de la vie capable de s’arracher la pelure lui-même mais, par pitié peut-être ou par compassion, il devient parfois attachant dans son malheur, dans son mal de vivre
et dans ses bourdes à répétition.
L’histoire, riche et complexe, commence par la découverte, dans une chambre d’hôtel, du corps d’un inconnu, affreusement mutilé; aucune identité, une histoire de réservation annuelle par un
client discret et peu bavard. L’inspecteur Al Seriani se voir confier l’enquête avec l’aide d’un jeune policier, David Goldberg, un personnage sympathique et central dans le développement de
l’intrigue. Quelque temps plus tard, découverte d’un deuxième cadavre avec des mutilations assez semblables ... et des gestes médicaux ... pas toujours thérapeutiques ! Ces deux policiers
mèneront l’enquête de façon bien particulière jusqu’à ce qu’un événement majeur vienne perturber le cours de l’enquête et nous amène, alors, vers des chemins inconnus et forcément tortueux.
Ce revirement de situation est tout à fait inattendu, surprenant mais tout de même dramatique et crédible. L’auteure nous trace un décor sombre, une histoire intrigante, parsemée de suspects, de
mobiles et d’indices habilement agencés pour déconcerter le lecteur. Pendant les derniers chapitres, l’auteure lance son lecteur dans la découverte de l’assassin comme une boule dans un jeu de
«flipper» (billard électronique); et on passe, à vitesse grand «V», d’un suspect à l’autre, tout en se demandant, au fil des pages si celui-ci sera le bon, si notre intuition n’a pas encore fait
défaut.
Voilà, je ne peux en dire plus car je pourrais révéler des éléments qui pourraient gâcher votre lecture.
Voici quelques extraits pour vous mettre en appétit:
«Il avait beau vouloir se voiler la face, il savait que c’était de la jalousie. Al était jaloux des amants de Sheila. Il était jaloux des clients d’une pute ! Pathétique. Il ne put
s’empêcher de rire de lui-même, rire qui s’enraya aussitôt dans sa gorge.»
«Lorsqu’il sentit le canon glacé du revolver sur son front, il ne dit pas un mot.
Il ferma les yeux et pria pour que ce fût rapide.»
«Tu vois l’ironie du sort, Al. Si je ne t’avais pas rencontré ce soir-là, je serais devenue un pute, et du coup, j’aurais peut-être passé plus de temps avec toi.»
«La vie paraissait autrement plus triste sans alcool. La seule différence, c’est qu’apparemment les gens vous appréciaient davantage. À bien y réfléchir, on y perdait au change.»
«On te donnerait de l’or, tu en ferais de la merde.»
En conclusion, je me permets de vous recommander cette excellente lecture pour passer de
très bons moments. Amateurs de polars et de romans noirs, procurez-vous "Sang pour sang", ce premier roman de Gipsy Paladini; vous assisterez aux premiers pas d’une écrivaine de
talent, dans une première production qui a ses défauts mais qui se révèle passionnant et surtout très distrayant. L’auteure a un style accrocheur (certains disent «américain»), moi je dis qu’elle
a tout simplement le talent et l’imagination pour nous raconter de très bonnes histoires et que j’attends son prochain livre avec beaucoup d’impatience.
Bonnes lectures !
Sang pour sang
Gipsy Paladini
Transit
2010
332 pages