24 Janvier 2012
On rencontre parfois des personnes qui ont tout dans la vie: beauté, intelligence, richesse, bonté, etc. Ces personnes font envie. Parfois même, elles créent autour d’eux un sentiment négatif: certains ne les aiment pas parce qu’elles sont trop parfaites ... donc suspectes.
On rencontre ce genre de phénomène aussi chez les auteurs. Selon moi, Fred Vargas a toutes les qualités d’une excellente écrivaine. À chaque roman, à chaque nouvelle parution, je l’attend savec impatience, je trépigne de plaisir en le tenant dans mes mains et je le lis avec un plaisir toujours renouvelé. Et je suis rarement, très rarement déçu ! Quand Fred Vargas sort un nouveau livre, je sais que je ne m’ennuierai pas. Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde, trop de succès cache quelque chose. Oui oui !!! C’est vrai ! Trop de succès cache souvent le talent !
Auriez-vous compris que j’aime Fred Vargas ? Oui, vous avez raison ! J’adore cette auteure. Et j’espère vous convaincre de partager mon amour ...
Premièrement, pour ceux qui ne le savent pas, Fred Vargas est une femme. J’ai rencontré beaucoup de gens qui pensaient que Fred était un homme. Il est vrai, qu’ici au Québec, les apparitions publiques de Fred Vargas sont très très rares, malgré sa popularité. Et il semblerait que ce serait la même chose en France.
Deuxième élément, Fred Vargas a étudié l’histoire et l’anthropologie à la Sorbonne et y a obtenu son doctorat. Aspect important de sa vie qui va teinter grandement son écriture: très souvent ses personnages sont historiens et ses intrigues tournent autour de la grande et petite histoire. «L’armée furieuse» son dernier roman n’y fait pas exception.
Troisièmement (oh ça fait très sérieux cette énumération, très universitaire ...!), son personnage de commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est très attachant. Et surtout, au fil des lectures de cette série, vous y rencontrerez une galerie de personnages secondaires qui entourent bien ce commissaire taciturne et rêveur, aux méthodes d’enquête pleine de zénitude et de contemplation. Comment ne pas aimer l’immense et tellement efficace Violette Retancourt et l’encyclopédie vivante, son adjoint Adrien Danglard, père de cinq enfants et grand grand amateur de vin blanc.
Finalement, vous serez conquis par la finesse de l’écriture de Vargas, la qualité de ses intrigues, son humour et son style efficace, charmeur et poétique par moment. Elle réussira toujours à vous surprendre, à trouver le fait ou l’image qui vous laissera pantois devant cette imagination fertile et créatrice. Assis dans votre siège préféré, admiratif, jouissant du moment présent et en demandant encore. Un exemple ? Auriez-vous pensé, un jour, commencer la lecture d’un roman policier où il aurait un meurtre commis avec une boulette de pain ? Nous sommes loin, très loin de l’instrument contondant, du poison ou du revolver à six coups !!! Et voilà, la miette de pain, une nouvelle arme blanche ?
Lire Fred Vargas, pour moi, c’est assurément un grand plaisir de lecture, un excellent moment à suivre ses personnages, à les découvrir et à les redécouvrir. Avec «L’armée furieuse», le charme a encore fonctionné !
Jean-Baptiste Adamsberg est appelé pour constater le décès suspect d’une vieille dame, étouffée par des miettes de pain. Après avoir interrogé le mari, pris connaissance de son amitié particulière pour un mammifère rongeur et découvert le mobile de ce dernier repas mortel, il fait une autre rencontre un peu bizarre. Une petite dame, venant d’un village de la Normandie, veut lui parler d’événements étranges, de meurtres, de disparition, de terreur et d’un phénomène particulier à sa région, l’armée furieuse.
Lina, la fille de cette vieille dame, digne descendante d’une lignée de clairvoyants funestes, raconte qu’elle a aperçu «l’ armée furieuse», une chevauchée de fantômes, accompagnant quatre personnes qui ont des choses à se reprocher. Cette vision annonce la mort de ces quatre personnes. Lina en a reconnu trois; la quatrième demeure un mystère. Et comme par hasard, une de ces éventuelles victimes vient de disparaitre ... C’est bien assez pour exciter la curiosité tranquille de notre commissaire rêveur. Il ajoutera à ses promenades réflexives sur les berges de la Seine, le peu fréquenté chemin de Bonneval, hanté par la Mesnie Hellequin.
Quel plaisir de découvrir cette légende et surtout, de voir avec quel talent Fred Vargas réussit à construire une histoire crédible et passionnante autour d’un mythe qui remonte au XIe siècle.
Ah oui, j’oubliais, vous allez aussi rencontrer, dans ces premières pages, un pigeon. Un pigeon aux pattes attachées, un pigeon qui accompagnera toute la brigade sur l’enquête. Du pur Vargas !
Participant aux deux enquêtes, Adamsberg y implique même son «nouveau fils» (apparût dans «Un lieu incertain» le dernier roman de Vargas) dans la recherche des criminels. En ce qui me concerne, j’aimerais bien revoir ce fils qui donne une nouvelle dimension au personnage d’Adamsberg.
Et comme si ce n’était pas assez, le lecteur pourra suivre une autre enquête sur la mort d’un riche industriel, brulé vif dans son auto ... Y aurait-il un lien avec toutes ces histoires ? Que fait le principal suspect du meurtre de l’industriel dans l’enquête sur l’armée furieuse ? L’armée furieuse existe-t-elle vraiment ? Voici donc beaucoup de questions qui trouveront réponses dans une fin habile et surprenante, une finale qui nous fait dire qu’on a très hâte au prochain roman de l’auteure.
Car en effet, qui pourrait nous charmer, nous envoûter, nous passionner avec des indices comme le fil qui attache les pattes d’un pigeon, des miettes de pain, des sachets de sucre ou encore plus dangereux, des lacets de souliers ? Ou encore avec un petit génie qui a la capacité de parler à l’envers et une famille complètement folle ... incluant Lina, la fille au corsage qui chamboule le commissaire.
Si vous ne connaissez pas Fred Vargas, je vous conseille immédiatement de vous lancer à la recherche de ses romans. J’aime beaucoup Adamsberg et sa bande ... mais je ne boude pas mon plaisir à retrouver les trois Évangélistes historiens et leur compère, le vieux Vandoosler ( je vous conseille une petite visite chez Viviane Hamy).
Pour ceux qui la connaissent et l’apprécient, vous avez déjà sûrement lu ce dernier roman. Alors, ils nous restent qu’à attendre son prochain rompol. ( autre invention de Fred pour parler de ses romans policiers).
Voici quelques extraits ... pour me faire plaisir:
Une première citation pour mes collègues en éducation: «L’enseignement est une vertu qui aigrit. Le flicage est un vice qui enorgueillit.»
Je laisse maintenant Adamsberg vous présenter son équipe: « Il y a trois règles à retenir, Zerk, et avec cela tu es sauvé: quand on ne peut pas aller au bout de quelque chose, il faut demander à Veyrenc. Quand on ne parvient pas à faire quelque chose, il faut demander à Retancourt. Et quand on ne connaît pas quelque chose, il faut demander à Danglard. Assimile bien cette trilogie.:
Et pour ceux et celles qui ont des origines normandes ...:
« - On dit que les Normands n’aiment pas beaucoup parler, hasarda Adamsberg qui se mit à marcher dans le sillage de la femme, qui exhalait une légère odeur de feu de bois.
Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas parler, c’est qu’ils n’aiment pas répondre. Ce n’est pas la même chose.»
«Parmi mes hommes, capitaine, il y a un hypersomniaque qui s’écroule sans crier gare, un zoologue spécialiste des poissons, de rivière surtout, une boulimique qui disparaît pour faire ses provisions, un vieux héron versé dans les contes et légendes, un monstre de savoir collé au vin blanc, et le tout à l’avenant. Ils ne peuvent pas se permettre d’être très formalistes.»
«En soi, perdre du temps ne gênait pas Adamsberg. Insensible à la brûlure de l’impatience, il n’était pas prompt à suivre le rythme souvent convulsif de ses adjoints ... c’étaient dans les interstices presqu’immobiles d’une enquête que se logeaient parfois les perles les plus rares.
! erutcel ennoB
L’armée furieuse
Fred Vargas
Chemins nocturnes
Éditions Viviane Hamy
2011
428 pages
Une magnifique entrevue de Fred Vargas: à lire ici !