29 Juillet 2012
«Roule ta pierre, Sysiphe ...»
Quelle agréable surprise !
Je l’avoue, j’ai commencé ma lecture de «L’Inaveu» avec quelques appréhensions. Qui était cet auteur que je ne connaissais pas, que m’apporterait-il de nouveau ? Malgré ce questionnement, j’avais quand même un préjugé favorable pour la maison d’édition Alire qui généralement, publie de très bons romans. Et j’ai été agréablement surpris. «L’Inaveu» est un très bon roman et je vous recommande grandement cette découverte !
Tout d’abord l’auteur: Richard Ste-Marie a enseigné pendant 30 ans à l’École des Arts Visuels de l’Université Laval. Retraité de l’enseignement depuis l’année 2000, il a été animateur de radio où il s’est fait une spécialité d’interviewer des créateurs. Lui-même est un artiste reconnu, un très bon musicien et en 2008, il publiait son premier roman, «Un ménage rouge». «L’Inaveu» est son deuxième roman.
Je n’ai malheureusement pas lu le premier récit de Richard Ste-Marie mais ce deuxième roman m’a tout simplement charmé. Et si le sergent-détective Francis Pagliaro de la Sûreté du Québec devient un personnage récurrent et bien, je me ferai un plaisir de le suivre dans ses enquêtes. À 47 ans, reconnu comme un excellent enquêteur, amoureux de sa femme depuis plus de 25 ans, il commence des études en philosophie à l’Université de Montréal. Cette particularité m’a plu immédiatement; quelle fraîcheur de se faire citer par un policier, Nietzsche, Camus et Sartre ... Lui-même se comparant au mythique personnage condamné à rouler une pierre sur une montagne de Tartare; un petit bonheur que de rencontrer et de suivre les réflexions du «Sergent-détective Sisyphe, Sureté du Québec». Je vous le dis, ce personnage, vous allez l’adorer. Richard Ste-Marie lui a dépeint un caractère attachant et des réflexions qui lui donnent une profondeur pouvant se permettre quelques enquêtes futures. Du moins, je le souhaite!
«Un jour viendrait, et peut-être ce jour était-il arrivé, où il devrait choisir entre continuer à travailler et prendre sa retraite. Entre être flic et devenir philosophe.»
Alors, allons-y avec l’histoire !
Vendredi 18 juillet 2008 ( Tiens tiens !! Le dernier roman de Chrystine Brouillet était basé sur cette question: «Que s’est-il passé ce fameux 18 juillet ? Coïncidence ? Présage ? Conspiration ? La fin du monde serait-elle un 18 juillet ?).
Il est 17 heures 31. Le sergent-détective Pagliaro est (ou devrait être ...) en vacances depuis 31 minutes. Perdu dans ses réflexions, l’enquêteur est surpris par quelqu’un qui entre dans son bureau. Un clochard ? Pagliaro éteint sa lampe de bureau et s’apprête à éconduire l’intrus. Mais, poussé par sa curiosité et surtout par son humanisme, il écoute quand même ce qu’il a à dire. Ce visiteur qui a passé outre aux contrôles de sécurité lui raconte une drôle d’histoire.
Régis Duchesne a retrouvé dans les affaires de son père, mort depuis quelques temps, un album photos rempli de coupures de journaux relatant différents crimes commis sur une période de 30 ans. Accompagnant cet album, un étrange cahier noir relate des rencontres avec un certain CS et des montants d’argent échangés à chacune de ses visites. Régis Duchesne demande au sergent Pagliaro d’enquêter sur ce qui se cache derrière ces documents, inquiet de ce passé trouble, possiblement occulté par son père.
À la veille de ses vacances, Francis Pagliaro n’a pas le temps, ni le désir d’enquêter sur une présomption ... sans crime et sans victime. Mais il promet à cet homme qu’il trouve sympathique de jeter un coup d’oeil à ces documents.
Sans beaucoup d’indices et avec peu d’enthousiasme, Pagliaro commence l’enquête. Une découverte fascinante, un lien évident avec une ancienne affaire d’enlèvement, donne du souffle et de la motivation à notre philosophe-enquêteur. Et commence alors, une chasse à l’homme à travers de vieux journaux, des «ledgers» de comptabilité, des armoires oubliées dans un garage et des témoins, certains morts, d’autres qui auraient bien voulu oublier.
L’intrigue de Richard Ste-Marie est très bien ficelée. Pièce par pièce, ce casse-tête d’une ligne de temps s’échelonnant sur 30 ans se place tout doucement. Le lecteur découvre en même temps que l’enquêteur les méandres de cette histoire assez sordide.
Qui se cache derrière les initiales CS ? Quelle était l’implication du père de Régis Duchesne ? Quels sont les liens tissés autour de ces sommes d’argent et les crimes commis pendant ces trente dernières années ? Quelle sorte de relations s’étaient établies entre le père de Duchesne et ce fameux CS ?
Et voilà ! La table est mise pour un excellent plaisir de lecture, dans un roman passionnant, sans effusion de sang mais plein de réflexions intelligentes. On lit ce roman et puis on se rend compte qu’on est rendu à la fin ... avec un petit goût de «revenez-y» !!
Le style de l’auteur sied parfaitement à ce genre de roman; le contenu, le sujet, l’histoire sont importants. L’écriture est au service du développement du récit. Agréable à lire, sans fioritures inutiles, le lecteur se laissera porter par l’histoire et s’attachera aux personnages du roman.
Et voilà un auteur dont j’attendrai avec impatience la sortie du prochain roman. La littérature polardienne québécoise se porte bien; la qualité de ce deuxième roman de Ste-Marie en est une belle preuve.
Quelques extraits:
«Une chose était certaine, ni Baruch Spinoza, ni Friedrich Nietzsche, ni Jean-Paul Sartre, ni Emmanuel Kant n’avaient jamais porté l’uniforme de la Sûreté du Québec.»
«J’ai souvent pensé que CS avait été pour moi le miroir permanent de la médiocrité de mon existence.»
«Le policier donnait raison à Confucius qui estimait que la réalité était faite autant de vérité que d’illusion.»
« - ... La plume est plus forte que l’épée.
Tu prêches à un converti, Guy, j’ai plus de tendinites à cause du Bic qu’à cause du Glock !»
Un dernier mot aux éditeurs d’Alire, la couverture de ce roman est particulièrement réussie. Mystérieuse au premier coup d’oeil mais tellement parlante après notre lecture !
«L’Inaveu» est donc une réussite totale.
Bonne lecture !
L’Inaveu
Richard Ste-Marie
Alire
2012
242 pages
Le site de la maison d’édition: Alire
Le site de l’auteur: Richard Ste-Marie
La chronique de mon ami Norbert Spehner : Chronique de Norbert
Et un lien très amusant, provenant du site officiel des Archives de Montréal: Archives de Montréal