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31 Juillet 2013
« ... le passé est tenace.
Il veut pas changer.»
George Amberson
Avant même de découvrir ma passion pour le polar, un peu après mes études en littérature française, je me permettais un «plaisir coupable», un penchant inavoué pour les romans de Stephen King. Dès leur sortie, «Carrie», «Shinning» et autres «Christine» n’avaient pas le temps de moisir sur ma table de chevet. Puis, est arrivé «Ça» ! Selon moi, un chef d’oeuvre de roman psychologique, qui mettait la barre très haute.
Peut-être trop haute !
J’ai rapidement délaissé mon auteur fétiche; peut-être un peu lassé par ces atmosphères d’épouvante et d’horreur. J’avais sûrement besoin d’un peu "de luxe, de calme et de volupté".
Puis, il y a quelques semaines, ce pavé au titre évocateur, "22/11/63", écrit par mon ancien idole, m’a carrément sauté dans les bras. Si la page couverture m’avait appâté, la 4e de couverture a tout simplement harponné ma boulimie livresque. Trop tard, j’étais pris, Stephen King m’avait raccroché à sa ligne.
Heureusement !
Quel roman ! Près de 940 pages de pur plaisir, lus en 3 jours (grâce à la panne électrique...) Du grand Stephen King, sans violence (ou si peu !), sans horreur et sans épouvante. Un roman qui vous prend à «rebrousse-temps», qui nous fait vivre une uchronie bien particulière, préparée minutieusement par le personnage principal du roman. J’avais aimé «La part de l’autre» d’Éric-Emmanuel Schmitt qui racontait ce qui se serait passé si Hitler avait été accepté aux Beaux-Arts. Quels impacts ce choix aurait générés sur le monde entier et son histoire. «22/11/63» pose le même problème. Que se serait-il passé si ... ?
Jake Epping est un enseignant d’anglais dans la petite ville de Lisbon Falls. Il corrige ses dernières copies avant les vacances; travail harassant comme tous les profs de littérature vous le diront. Une copie lui tire les larmes. Un texte naïf, plein de fautes mais qui raconte un drame qu’un enfant ne devrait pas vivre. Un drame qui, nécessairement, va transformer l’enfant qui n’en sera plus un après cette journée maléfique. Cette copie, truffée de fautes d’orthographe et à la syntaxe boiteuse, viendra jouer un rôle important dans les événements qui vont suivre.
Jake Epping se verra confier une tâche, une mission qui pourra changer la face du monde. Le propriétaire de son «fast food» préféré a découvert une porte secrète, un passage vers le passé. Cet escalier invisible transporte Jake le mardi 9 septembre 1958. Et cet homme lui demande d’empêcher Lee Harvey Oswald d’assassiner JFK. Commence alors, une formidable course contre la montre où Jack devra se débrouiller pour empêcher ce meurtre et ainsi rendre, possiblement, le monde meilleur.
Sur cette longue route vers son objectif, Jake Epping voudra redresser quelques torts mais aussi, il fera la rencontre de l’amour de sa vie. Oui, car «22/12/63» est aussi un superbe roman d’amour où la passion de Jake et de Sadie, la jolie bibliothécaire, donne au roman une touche émotive qui n’est pas à dédaigner. Le lecteur appréciera de mettre en perspective la Grande Histoire avec cette petite histoire d’amour, touchante et un peu irréelle. Il ne faut pas oublier que dans la réalité du roman (et non pas la réalité d’aujourd’hui), Jake n’est pas encore né quand il rencontre Sadie.
Grâce à ce roman, King vient encore de prouver qu’il est un grand écrivain. J’ai été happé par l’histoire dès les premières pages. Et par la suite, pas une minute, pas une page ne m’a ennuyé. L’intérêt est soutenu; le magnifique conteur qu’est Stephen King nous relate cette histoire et la parsème d’événements qui font en sorte qu’on ne veut plus lâcher le roman. Attention aux nuits blanches !! Le style percutant de l’auteur, son imagination extraordinaire, son souffle soutenu, tout cela vous porte et facilite votre lecture.
Stephen King a réussi à nous démontrer tout l’impact que peux avoir ce battement d’ailes du papillon qui peut changer la face du monde comme le nez de Cléopatre l’aurait fait. En route vers une finale angoissante mais toute en tendresse, il nous conduit dans cette Amérique du début des années soixante, nous fait écouter sa musique, nous parle de sa littérature et nous montre combien elle était différente quand elle ne connaissait pas le 11/09/01. Ce voyage dans le temps est passionnant quand on accepte, quand on croit à l’existence de ce tunnel fascinant.
Stephen King a réussi un autre tour de force avec ce roman: créer des personnages plus vrais que nature, des personnages auxquels on s’attache, des personnages que l’on finit par aimer. On vit avec ces humains, on espère pour eux. On espère même pour nous.
En plus de Jake et Sadie, vous adorerez Al, le cuisinier qui fait les hamburgers les moins chers du Maine. Vous aimerez Deke Simmons, le directeur d’école (oui, oui, on peut aimer un directeur d’école ...!), vous serez touché par Mimi Corcoran, transporté par Ellen Dockerty, la nouvelle proviseure et tous les habitants de la ville de Jodie, au Texas. Sans vous dévoiler la fin, je vous révèle que j’ai été très touché par cette finale, et par le destin surprenant de ces personnages.
Dans ses premiers romans, Stephen King m’avait conquis par sa maîtrise de la description de l’épouvante et de l’horreur. Aujourd’hui, grâce à «22/11/63», je retrouve un auteur capable de me toucher par les émotions de ses personnages.
À lire absolument pour le simple plaisir de se laisser emporter sur le dos de ce papillon, celui dont le battement d’ailes ... !
Quelques extraits:
« ... l’opinion, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a une.»
Un clin d’oeil de l’auteur : «Avant d’aller au lit, j’enduisais délicatement sa cicatrice de pommade et lorsque nous étions couchées... et bien, c’était bon. Contentez-vous de ça.»
«Le diable a la voix douce.»
Bonne lecture !
22/12/63
Stephen King
Albin Michel
2013
937 pages
Une vidéo fort intéressante ! Stephen King parle de "22-11-63"
22/11/63 de Stephen King : fouillé et fascinant ****
Les voyages dans le temps sont un thème casse-gueule en fiction. Eh bien, avec 22/11/63, ce diable de Stephen King relève le défi avec brio. La date fait référence au jour de l'assassinat de J...
La chronique de Sonia Safarti dans La Presse