2 Novembre 2014
Avec « Les fleurs carnivores », j’ai fait une découverte !
Après avoir lu chaque mot, apprécié chacune des phrases et suivi avec plaisir une intrigue finement tricotée, je reste ébahi par la qualité de ce roman de Marie-Chantale Gariépy.
« Les fleurs carnivores » nous plonge dans un monde étrange qui semble n’exister que par la magie de la littérature. L’auteure le décrit magnifiquement par la voix de trois personnages, trois regards portés sur ce qui se trame dans ce manoir étrange aux contours flous mais au jardin ensoleillé.
Adèle se réveille dans une chambre qui lui est inconnue. Trois personnes entourent le lit dans lequel elle semble paralysée. Elle ne les reconnaît pas ; des visages étrangers qui s’estompent dans les nuages de ses yeux. Adèle fouille sa mémoire et ne trouve aucun événement à quoi se raccrocher : pas d’accident, pas de maladie qui expliquerait sa présence dans ce lit et dans cette chambre. Et il y a la route, pas très loin, symbole de la fuite possible mais aussi, lieu d’angoisses. Tout de suite, elle se méfie de l’homme habillé de façon vieillotte qui lui murmure des paroles, pourtant rassurantes. Toute son attitude, son regard, ses gestes la troublent et lui font peur. Sur la table, il y a un bouquet de fleurs, envoyé par une entreprise de pompes funèbres ; la carte qui l’accompagne mentionne qu’elle est la femme de Jasmin Muguet.
Jasmin Muguet ! Quel personnage ! Toujours habillé comme si on était dimanche, manucuré, maquillé, maniéré, malgré ses paroles rassurantes, Adèle s’en méfie. Sa bibliothèque est tout aussi étrange. Alignés comme des livres, des centaines de pots contiennent des herbes de toutes sortes, provenant de multiples contrées. Il vit avec sa mère qui semble avoir beaucoup d’ascendant sur ce drôle de fils. À tous les jours, de façon toujours très cérémonieuse, l’herboriste amateur lui sert le thé préparé avec minutie.
Nicolas. Troisième personnage ! Intriguant !
« Je ne voulais aimer personne et j’ai réussi. »
Nicolas fait un métier étrange : il ramasse les cadavres d’animaux sur les routes de son comté. Victime d’un père violent qui l’a enfermé toute son enfance dans une cage trop petite, il tente une impossible évasion. Son père l’enferme alors, dans le coffre de voiture et l’abandonne, sur une bretelle d’autoroute. Il est recueilli par une Russe, Ivana Bittova qui en prendra soin et sera, pour lui, un oasis où « Nikolaï » s’abreuvera de sa philosophie.
Puis, un beau jour, Adèle s’échappe ; elle est recueillie par Nicolas. Il s’occupe d’elle et elle se laisse faire, elle s’abandonne pour une première fois. Et commence alors, la recherche de ce qu’elle est et de ce qui lui est arrivé, bien entouré d’amitié et aussi d’un véritable amour. Pour une première fois !
Je vous recommande grandement la lecture de ce dernier roman de Marie-Chantale Gariépy, « Les fleurs carnivores ». Pour plusieurs raisons !
Premièrement, pour découvrir cette jeune auteure qui a quand même publié quelques romans et qui semble avoir atteint une maturité dans son écriture et qui mérite grandement que l’on s’y intéresse.
Deuxièmement, celle qui publiait avant sous le pseudonyme de Emcie Gee, propose dans ce petit roman un style assez particulier où la qualité d’écriture se marie parfaitement avec l’atmosphère étrange de son récit.
Troisièmement, ce roman choral nous fait connaître des personnages totalement crédibles, auxquels on s’attache sans conditions, même si leurs actes, parfois, les poussent vers le pire. Et dans une recherche de ce qu’ils sont, dans un monde où leurs questionnements, leur recherche d’eux-mêmes et leurs motivations profondes nous touchent et brassent nos émotions, leurs gestes, leurs actions nous fascinent.
Et enfin, pendant les heures que durera votre lecture, vous serez immergés dans un imaginaire fascinant : un manoir glauque et étrange, une forêt au mille mystères, un restaurant (truck stop) familial où on se sent bien et une cabane où vit Nicolas. Tous ces lieux seront des tableaux exposés entre les pages du roman où vous aimerez vous réfugier pour découvrir les secrets de ces personnages et de leur destin.
Voici quelques extraits servis en apéro, en attendant la lecture de ce roman de Marie-Chantale Gariepy.
« Mon nom dans sa voix s’est roulé en boule comme un chat, avec juste ce qu’il faut de ronron et de griffe, avec le « e » qui s’évapore sur la finale comme une queue qui disparaîtrait derrière un buffet. »
« Contre le désir, je n’ai pas de protection, aucun moyen de me raisonner, de me dire non. Je deviens un cœur battant, une pulsation dans mon ventre, dessous un tout petit point de mon sexe. Je n’ai plus de bornes, de contours. Je suis quelque chose de grandiose. »
« L’écho de sa beauté fredonne encore des airs d’autrefois. »
Bonne lecture !
Les fleurs carnivores
Marie-Chantale Gariepy
Éditions Tête Première
2014
155 pages