18 Septembre 2013
«Fin de la scène. Le tout a duré quelques secondes à peine. Personne n’y a prêté attention. Rien à signaler. Le soleil brille. On dirait que rien ne s’est passé dans cette rue. La vie reprend son cours. Pas de quoi écrire un roman.»
Peut-être ! Mais, tout pour écrire un recueil de nouvelles. Et de très bonnes nouvelles !
J’ai lu avec beaucoup de plaisir le recueil de nouvelles de Martine Latulippe, «Les faits divers n’existent pas». Ces nouvelles noires, parfois très très noires, se dégustent avec gourmandise, les unes après les autres ou mieux encore, en véritable gourmet, comme un cocktail dinatoire, laissant notre esprit de lecteur savourer chacune d’elles avec délectation.
La nouvelle est malheureusement un genre qui est peu lu. Pourtant, quel plaisir peut-on y retrouver en s’immergeant dans chacune d’elles et se laisser bercer par l’histoire mais surtout par l’atmosphère créée par l’auteure. Martine Latulippe, une véritable décoratrice d’intérieur de l’âme, en quelques phrases, nous compose des ambiances, y place des humains presque ordinaires et nous entraine dans un tourbillon d’émotions et de sensations.
Et à chaque récit, tout juste sorti de la tempête émotive de la précédente nouvelle, en deux ou trois phrases, me voilà au centre d’une autre histoire bouleversante, en attente d’une finale renversante ou d’une explosion de sentiments fébriles.
Dans la tête de la victime, traquée ou surprise; dans l’âme du criminel aux motivations diverses ou même comme spectateur impuissant, l’auteure nous décrit avec justesse et économie de mots, ces faits divers qui existent sûrement dans une autre réalité.
Et ces faits sont vraiment divers, dans une diversité qui nous surprend mais d’une unité centrée sur l’être humain qui les vit, les subit ou même les provoque.
Je vous en présente quelques-unes parmi celles qui m’ont le plus ému !
La première, celle qui a donné son titre au recueil, «Les faits divers n’existent pas», une entrée fracassante dans le recueil, celle qui donne le ton et qui tout de suite vous annonce le plaisir que vous aurez à découvrir ceux qui suivent. Quel sort réserve-t-on à cette «Mère Theresa», toujours prête à aider, à sauver le monde ? Bouleversant !
«La maison blonde», une nouvelle pleine de tendresse, une des plus noires du recueil, dans cette maison où une peluche trouvera le coeur de ce jeune voleur. Émotions garanties !
La plus belle finale du recueil (selon mon humble avis), vous la retrouverez dans «Le réveil». On sourit, puis tout à coup, la tristesse nous envahit. Surprenant !
Vos cauchemars commencent souvent avec une certaine scène de douche? Alors prenez un bain! Trempez-vous dans l’eau chaude, réconfortante et écoutez le souffle régulier de celui qui dort, dans la chambre à côté. Puis écoutez les bruits derrière la porte ... «Le dormeur», un sommeil angoissant !
Et finalement, ma préférée, une nouvelle chorale à « Quatre voix pour une séquence», une scène vue par trois personnages et une auteure. Un plaisir d’imagination, une structure étonnante et un petit bonheur de lecture !
J’espère que je vous ai donné le goût de lire ce recueil, de vous y perdre et d’apprécier ces morceaux de lectures toutes noires, comme un chocolat qui nous fait du bien tout en nous laissant un petit goût amer, subtil dans son enveloppe sucrée. Conquis par les récits, charmé par le style incisif mais tout en nuances de Martine Latulippe, moi, j’en redemande !
Avant de terminer, j'aimerais souligner la très belle couverture de ce livre. Le choix de la photo de Julie Beauchemin est tout à fait pertinent et reflète avec justesse le ton du recueil. En plus le design est fort esthétique. Un excellent recueil de nouvelles mais aussi, un bel objet !
Et comme seul extrait, je ne peux faire autrement que de vous laisser avec la dernière phrase du recueil, cette dernière phrase qui m’habite encore, trois jours après la fin de ma lecture:
«Je suis veuve de tous ces corps mutilés qui ne pourront plus aimer et qui remplissent les pages de nos faits divers, corps d’hommes morts trop jeunes, corps de femmes mortes trop belles.»
Comment des mots si sombres peuvent-ils devenir une si belle phrase? Voilà tout le secret du talent de Martine Latulippe.
Bonne lecture !
Les faits divers n’existent pas
Martine Latulippe
Éditions Druide
Collection Écarts
2013
138 pages
MARTINE LATULIPPE - Les faits divers n'existent pas - Nouvelles - Éditions Druide - Éditions Druide
Voici un " recueil de nouvelles " présentant tous ces petits drames du quotidien qui font bousculer une existence : déceptions, trahisons, attentes trompées.
http://editionsdruide.com/livres/nouveautes/faits-divers-n-existent-pas/
Sur le site des Éditions Druide
Site officiel de Martine Latulippe
Tout ce qu'il faut savoir sur Martine Latulippe, auteure prolifique ayant publié de nombreux romans pour la jeunesse.
Le site officiel de Martine Latulippe
Martine Latulippe : de la littérature jeunesse aux nouvelles noires
Surtout connue comme auteure jeunesse, Martine Latulippe a fait ses premiers pas en littérature adulte par la nouvelle. En 2012, elle est finaliste du Prix de la nouvelle Radio-Canada pour son texte
Notice biographique (1er août 1971 -) Auteure de littérature pour la jeunesse, Martine Latulippe détient une maîtrise en littérature comparée. Après avoir longtemps travaillé auprès des en...
http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/latulippe-martine-1160/
Sa bibliographie complète sur le site de L'Île
" ... c'est un honneur d'être celui qui les surprendra, d'une poussée douce mais ferme de mes mains gantées, au hasard d'une phrase défaitiste, morose, désarmée."