12 Septembre 2013
J’ai eu le grand plaisir de rencontrer Karine Giebel aux Printemps meurtriers de Knowlton du mois de mai dernier. Après avoir lu «Juste une ombre», "Meurtres pour rédemption", «Les morsures de l’ombre» et «Jusqu’à ce que la mort nous unisse», quelle surprise de rencontrer une femme douce et réservée ... tout le contraire de ses romans. Et bien, je vous le dis maintenant, après avoir lu «Purgatoire des innocents» je suis convaincu que Karine Giebel est victime d’une double personnalité. Karine, la personne est tout ce qu’il y a de plus gentille et de plus agréable à côtoyer; Karine Giebel, l’écrivaine, est sardonique.Elle imagine des choses terribles à faire trembler ses lecteurs et elle est même capable, de nous «scotcher» à son récit ... même à 6 000 kilomètres de distance. Son pouvoir est terrible !
Attention ! En plus, elle vous fait aimer ce qu’elle écrit. Et en plus, on en redemande ! Comme on le dit chez nous, le plaisir croit avec l’usage.
«Purgatoire des innocents» est un de ces romans qui sont très difficiles à résumer. Preuve du caractère diabolique de son auteur, le lecteur se sent investi (pour ne pas dire possédé) par une histoire, qui dès les premières pages, vous plonge dans les arcanes de l’horreur. Alors, n’écoutant que mon courage ou ma naïveté, je vais tenter l’exercice , sans trop vous révéler les éléments qu’il vous serait préférable de découvrir vous-mêmes.
Le roman commence par le vol d’une bijouterie, Place Vendôme, à Paris. Tout se passe normalement ( pour un braquage, bien sûr ...) jusqu’au moment où, à la sortie du commerce, la police intervient. Une fusillade éclate. Les quatre voleurs réussissent à s’en tirer sauf un. William, le petit frère de Raphaël, le leader du groupe, est gravement blessé et doit voir un médecin le plus tôt possible. La décision est prise: on retarde la vente des 30 millions d’euros de bijoux, on trouve quelqu’un pour soigner le jeune et on repart dès que celui-ci sera sauvé.
Dans un petit village, à quelques centaines de kilomètres de Paris, le groupe kidnappe Sandra, une vétérinaire, et s’installe dans sa maison. Le mari est absent ! Pour l’instant ! Et là, ça ne fait que commencer ! Deux jours après le vol, le mari revient ... et l’horreur se continue ! Non, la véritable horreur commence !
Très vite, la planque, ce «Purgatoire des innocents» devient l’enfer des coupables. Et dans un crescendo insoutenable, les événements vont se succéder à une vitesse diabolique et comme lecteur, vous serez pris dans ce tourbillon infernal, incapable de lâcher le roman, pris parfois par la nausée mais drôlement accroché au récit.
À vous de découvrir ce qui se passe dans cette maison de campagne et dans les dépendances qui l’entourent.
Mais je ne peux passer sous silence le talent extraordinaire de Karine Giebel pour créer une ambiance pleine d’angoisse et de suspense. Dans un style concis, direct et parfois très brutal, elle ne nous épargne rien et ses descriptions de l’horreur nous donnent froid dans le dos.
Mais, en même temps, elle nous chavire les émotions dans des moments émouvants, presque dramatiques, où l’amour fraternel transcende toute l’horreur de la situation. L’auteure fait même le pari de nous rendre sympathique et de nous faire aimer, quelqu’un qui, au départ, n’a rien pour attirer notre compassion. Et elle réussit. Tout le long du roman, on s’attache de plus en plus aux personnages des frères braqueur; on oublie presque ce qu’ils ont fait, ce qu’ils pourraient faire.
Enfin, personnellement, ce que j’adore chez Karine Giebel, c’est cette facilité qu’elle possède de nous introduire dans le cerveau de ses personnages, de nous guider dans les coins les plus sombres de leur âme et de nous décrire leurs motivations les plus noires, les plus profondes. De plus, ses intrusions dans le passé, ces retours en arrière, à l’adolescence de Raphaël et à l’enfance de William, ajoutent à la puissance et à la complexité de ses personnages.
Un dernier mot sur l’énigmatique personnage de Sandra: quelle réussite ! Ambivalente, torturée mentalement, agressée physiquement, soumise et grugée par un tout petit commencement de rébellion, l’auteure a réussi à nous présenter un personnage qui provoque en nous plein de questionnements. Toujours en équilibre précaire sur la clôture du bien et du mal, elle laisse le lecteur baigner dans cette même ambigüité. J’adore ces personnages qui, au milieu de la tourmente, s’interrogent, se questionnent mais laissent le lecteur sans réponse.
Bienvenue dans le «Purgatoire des innocents» ! Si vous n’avez pas peur de la chaleur ... aux portes de l’enfer.
Quelques extraits:
«Les taules qui se succèdent.
Pas de pitié pour les braqueurs. Ça tombe bien, ils n’en demandent pas.
C’est le jeu, après tout.
Un jeu à la con, parfois. Souvent.»
«L’aube se fait attendre; l’heure où la nuit s’attarde, en mauvaise perdante.»
«Ils fixent leurs assiettes, sans pouvoir avaler autre chose que des bouffées d’oxygène saturé d’angoisse.»
Et une nouveauté, je vous cite un extrait silencieux, un petit bijou que l’on doit lire directement dans le livre, pas sur l’article d’un blogue, car il serait dénaturé. Je vous signale donc, deux pages tout à fait géniales sur LA HAINE. Donc, quand vous lirez «Purgatoire des innocents», attardez-vous quelque peu aux pages 324 et 325. Ça commence par: « Raphaël a envie de pleurer ...»
Bonne lecture !
Purgatoire des innocents
Karine Giebel
Fleuve noir
2013
594 pages
Karine présente son roman
Karine Giebel, elle-même, nous présente son roman.
Le site officiel de Karine GIEBEL
Karine Giébel est née en 1971 dans le Var, ou elle vit toujours. Son premier roman, Terminus Elicius (Editions la Vie du rail, 2004) reçoit le Prix Marseillais du Polar en 2005. Suivront Meurtre...
http://www.karinegiebel.fr/site/site_de_karine_giebel&3000&23013.html
Le site de Karine