28 Avril 2013
« ... lentement, une silhouette terrifiante surgissait du brouillard.»
Michel Maotti a fait un pari étonnant ! Revisiter et ré-écrire l’histoire du célèbre Jack l’Éventreur, en délier les moindres ficelles et nous faire découvrir une hypothèse plausible de résolution de l’enquête.
Le pari était risqué ! Et l’auteur a fait encore plus en structurant ce roman (est-ce vraiment un roman?) d’une façon tout à fait originale, construction qui fait tout l’intérêt de ce livre.
Voici donc un voyage à travers le Londres de la fin du XlXe siècle. Suivez l’auteur dans ses ruelles glauques et puantes, dans ses pubs enfumés, ses rues mal éclairées et dangereuses. Rencontrez les filles de joie qui peuplaient l’East End et qui, sans avenir, sans espoir, assistaient sans les voir, aux carnages de ce tueur en série.
Rencontrez donc Amelia Pritlowe. Vous ne la connaissez pas ? Amelia est la fille de Mary Jeanette Kelly, la dernière (?) victime de ce bourreau des filles perdues. Infirmière, elle travaille présentement dans un hôpital militaire. Oui ! Nous sommes en guerre, à l’automne 1941. Elle vient d’apprendre par son père le terrible destin de sa mère et surtout qui elle était ! Un choc !
Amelia décide donc de tout connaître sur la vie de sa mère et commence donc des recherches à la «Filebox Society», une société savante regroupant des «ripperologues» qui ont comme intérêt commun de rassembler tous les indices entourant le personnage de Jack l’Éventreur (Jack The Ripper ) et peut-être même de résoudre l’affaire. Ah oui, en passant, la «ripperologie» est « ... la science de l’Éventreur.»
Au fil des pages, vous aurez accès aux articles de journaux, aux rapports de police et d’autopsie, aux interrogatoires qui ont alimenté cette légende. Guidé par Amelia, vous suivrez les policiers dans leurs recherches et les méandres sinueux de leur enquête. Pas toujours efficace, parfois même un peu bâclé, le travail des policiers est scruté à la loupe; l’auteur se sert donc de ces quelques erreurs pour échafauder une théorie qui, ma foi, se tient parfaitement.
«Retour à Whitechapel» est un roman fascinant. Le lecteur est plongé dans cette enquête et ne rate aucun moment de cette lugubre histoire. L’auteur a réussi son pari ! On entre de plein pied dans ce monde étrange, dans cette époque trouble, on y croit et on participe avec nos yeux de lecteur, à la recherche de cette vérité qui se cache si bien. Ou que l’on veut peut-être bien cacher ?
L’histoire est passionnante même si on la connait pour l’avoir suivie à travers nos lectures passées. Michel Maotti a réussi à donner un angle différent à son enquête, à captiver son lecteur avec une structure casse-cou et en plus, il a su adapter la langue de chacun des intervenants pour rendre chacun des chapitres crédibles. Et la grande réussite de ce roman réside dans la façon dont l’auteur a traité une somme importante d’informations, de données, de recherches, sans que cela soit trop didactique, sans qu’on ressente la désagréable impression de lire des articles de vieux journaux jaunis.
J’ai eu, à certains moments, l’impression de redites; certaines pages m’ont donné une impression de longueurs, d’inutiles retours sur certains aspects. Mais très vite, en changeant de chapitre, je me suis retrouvé au coeur de l’enquête et je reprenais avec enthousiasme, la suite du récit. Une défaut bien mineur pour cette somme d’informations ...
Mais parfois, au détour d’un chapitre, à la suite d’une horreur ou d’un témoignage percutant, Michel Maotti nous charme avec une phrase, une figure de style, un bout de ciel bleu dans les nuages gris du ciel londonien.
«Une fois le trouble passé, lorsque le jour maussade de Londres éclaire les rues aux trottoirs ouverts et aux façades déchirées, que la vie ordinaire coule dans les rues, avec son escorte de bruits mécaniques et de cris, je me sens comme l’héroïne ridicule d’une pitoyable histoire de fantômes.»
Si vous achetez ce roman, vous aurez droit à un petit supplément: «Le carnet d’enquête de Michel Maotti» ! Sans dire que ce petit document est indispensable à la compréhension du roman, j’ai trouvé cet ajout assez sympathique. Une bonne idée qui complétait bien ma lecture de ce roman.
Amateurs de polars et de romans policiers, «Retour à Whitechapel» pourrait sûrement vous passionner. Je vous le recommande, malgré ma petite réserve, surtout pour souligner un travail d’écrivain extraordinaire; la structure vous plaira et l’histoire mettra à l’épreuve votre sens de la justice.
Bonne lecture !
Retour à Whitechapel
Michel Maotti
Éditions Hervé Chopin
2013
352 pages
Suivi de
Le carnet d’enquête de Michel Maotti
Extraits
Michel Maotti
Éditions Hervé Chopin
2013
« Monstre ... Pourriture. J’irai gratter au fond de ta tombe avec mes ongles ... Je vais te trouver où que tu sois sous la terre ... Je vais te trouver et te brûler les yeux. Je vais casser ce qui reste de tes os ... Je descendrai dans ta fosse avec un maillet de bois et je frapperai jusqu’à faire éclater ton crâne ...»