10 Juillet 2013
«Nowhere Man» est la deuxième enquête de Chloé Perreaut, héroïne des romans de François Gravel. «À deux pas de chez elle» était « ... sa première incursion dans l’univers du roman policier ...». À la fin de cette première chronique, je concluais mon article en disant que j’avais très hâte de lire le prochain roman. Et bien voilà ! Il est arrivé ! Et je l’ai lu.
Et j’ai aimé !
Toute l’histoire commence dans une Lexus anthracite, dans le quartier gay de Montréal. Anthony reconnait le client. Un habitué ! Sûrement un bon père de famille en quête de sensations ... inavouables. «Les vêtements de luxe dénotent son appartenance à un monde où règnent les apparences.» Anthony monte dans l’auto. André, le client, démarre immédiatement vers un endroit plus tranquille. Retiré!
Après le «travail», le client semble tétanisé. Il ne bouge plus, un sourire béat sur la figure. Ce sera son dernier ! Le client est mort! Le prostitué n’a qu’une idée, déguerpir ! Apercevant une mallette sur le siège arrière, il l’ouvre et y découvre un grand nombre de liasses de billets de cent. Un cadeau du ciel ... comme dans ses rêves les plus fous !
Sa prochaine décision: disparaitre dans la nature ... le plus tôt possible !
Le lendemain matin, on annonce dans le journal la mort d’André Léveillé, un important organisateur politique avec une spécialité essentielle, la collecte de fonds.
Une dizaine d’années plus tard, dans la petite localité de Milton, on découvre le cadavre d’un homme sous un pylône d’une ligne de transport d’électricité. L’endroit est reconnu pour les rencontres occultes entre bons citoyens ... de même sexe.
Chloé Perreault et Normand Beaudin devront travailler ensemble pour résoudre ce meurtre qui pourrait bien être la conséquence d’un «gay bashing», un meurtre teinté d’homophobie.
Commence alors une enquête qui mènera nos deux policiers à «collaborer» dans un climat de suspicion et de compétition. La ténacité et la perspicacité de Chloé Perreault lui permettront de retrouver sur sa route, cette mort suspecte datant d’une dizaine d’années à Montréal. Et les liens commenceront à se tisser; les indices à se recouper. Et ...
Et je vous laisse découvrir, en anticipant votre plaisir, les tenants et aboutissants de cette enquête, aussi prenante que bien construite. Bien sûr, les relations entre Beaudin et Chloé apportent un élément intéressant au climat de l’enquête: la petite jeune de Montréal, bardée de diplômes, venant faire la leçon au « gars de la place » qui en a vu d’autres ... Autant Chloé veut se particulariser face à Beaudin, autant inconsciemment, elle recherche presque son approbation.
Bien sûr, les doutes et les remises en question de Chloé influenceront ses pensées. De plus en plus, le lecteur s’attachera à ce personnage, à son vécu à l’intérieur et à l’extérieur de son travail au poste, l’auteur lui ayant donné une profondeur et une complexité très intéressantes.
Cette enquête, très bien construite par François Gravel, place le lecteur sur le fil de fer de l’équilibriste, oscillant littérairement entre le bien et le mal. La question de l’homophobie y joue également un rôle important.
Dans cette histoire bien racontée, les personnages font graduellement leur niche dans nos imaginaires. François Gravel continue à nous offrir une écriture riche et agréable, des phrases teintées parfois d’un humour toujours fin et intelligent. La relation entre Beaudin et Chloé fournit à l’auteur un terreau fertile et propice aux salves littéraires percutantes.
En voici une ou deux qui sauront vous faire sourire et surtout, je l’espère, vous inciteront à suivre cette série et à accompagner Chloé Perreault dans sa quête et ses enquêtes.
Quelques extraits (pas toujours entre Beaudin et Chloé, quand même ...):
« ... si le mot manipulateur a été inventé, c’est en prévision de son arrivée sur terre ?»
« Il sort un cure-dent de sa poche, le mâchouille nerveusement, puis le jette par terre et l’écrase du talon.
-Tu as raison de l’éteindre, ne peut s’empêcher de remarquer Chloé. Ça aurait pu allumer un feu de brousse, on ne sait jamais ...»
« ... il porte maintenant une fine moustache et une barbe de trois jours qu’il laisse pousser depuis plus de deux mois.»
« Elle ne peut s’empêcher de penser à ce professeur qu’elle avait bien aimé, au CEGEP. Il enseignait la littérature, celui-là, pas les techniques d’enquêtes. Il affirmait souvent que ce qui était mystérieux, dans les romans policiers, ce n’était pas les criminels ni les victimes, mais les enquêteurs.»
Bonne lecture !
Nowhere Man
François Gravel
Québec Amérique
2013
256 pages
« Ne cours pas, ne regarde personne dans les yeux. Regarde devant toi, mais pas trop loin. Juste ce qu’il faut pour ne pas marcher dans la merde.»
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Un organisateur politique est trouvé mort dans une automobile, tout près du village gay. L'argent qu'il transportait disparaît en fumée. Des années plus tard, un cadavre est découvert sous un...