Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.
15 Juillet 2013
Juste après ma lecture de «Saccages», il était évident, pour moi, que je devais commencer par cette citation. Un paragraphe touchant, puissant. La thématique du roman, les phrases qui nous dessinent, cruellement, le destin des personnes qui ont subi ce genre d’assaut, les victimes qui ne veulent pas l’être.
«Une puissante guerrière résiliente. Voilà ce qu’elle devait être. Utiliser les souvenirs de son adolescence ruinée pour ses chansons tout en restant juste à la bonne distance de sa douleur. Elle ne la quitterait jamais, Rebecca avait fait le deuil de nuits sans cauchemar. Elle n’oublierait rien. Mais cette ombre qui pesait sur son âme, elle pouvait l’utiliser. Comme du compost pour sa musique, pour ses textes. Compost, composer. Le compost était le résultat de la pourriture. Ses chansons seraient bien nourries, elles ne manqueraient jamais de rien.»
Rebecca est une jeune fille qui se prépare à une carrière de chanteuse. Tout juste sortie d’une adolescence douloureuse, elle apprend la mort de celui qui a abusé d’elle. Celui chez qui, à 13 ans, elle a mis le feu pour se venger ... ou pour effacer toutes traces de ces affreux moments.
Maud Graham entre de plein fouet dans cette enquête. Nous sommes en novembre, un mois de déprime et par-dessus, il y a cette cinquantaine qui laisse des traces, dans le coeur de la mère et de l’amoureuse. Maud voit cette enquête comme un soulagement, un espace où enfin, elle peut relever un défi à sa mesure.
Jean-Louis Carmichaël a été retrouvé par son fils Jérôme. Il a été poignardé. Et pourtant, tout le monde l’aimait. Il s’occupait de ses bonnes oeuvres et s’impliquait dans son quartier. Un homme tranquille, doux ... Tout le monde l’aimait ?? Tout le monde ??
«Saccages» est le roman de l’opacité, de l’opacité qui soulage partiellement les victimes mais qui cache aussi, la culpabilité des agresseurs. Le silence efface dans la tête des victimes l’horreur de ce qu’elles ont vécu mais en même temps, il couvre la culpabilité de l’agresseur. Chacun y gagne ... ou y perd !
Chrystine Brouillet aborde ici un sujet très délicat et elle le fait d’une façon très prégnante. Elle place le lecteur aux premières loges de la réflexion sur les conséquences et les impacts de ces agressions encore trop nombreuses. Parler ou se taire ? L’agressée y songe, la famille de l’agresseur aussi. Chacun vit les impacts de ces gestes, chacun frôle le malheur des autres, absorbé par le sien et aveuglé par la peine, la haine, le désir de vengeance ou simplement, la simple intention d’oublier. Oublier ou cacher ces moments dans un coin de son esprit ?
L’accusé, le criminel est mort ! Il n’aura pas payé pour ses crimes mais toutes ses victimes paieront de leur innocence et de leur tranquillité perdues.
Maud Graham reste égale à elle-même dans cette enquête. Mère, amante, hédoniste tout en étant une enquêtrice organisée et en plein contrôle, on la retrouve avec plaisir. L’enquête est très bien menée. Graduellement et avec beaucoup d’émotions, l’auteure nous guide dans les profondeurs de l’âme humaine, de l’âme blessée. Tous se protègent et chacun veut protéger l’autre, mais jusqu’où pouvons-nous aller ? Et à quel prix ?
Chrystine Brouillet réussit encore à nous faire réfléchir, à nous poser les questions qui demandent des réponses tellement personnelles, qui peuvent parfois blesser. Et en plus, grâce à son talent de conteuse et à la personnalité de Maud, elle nous offre des moments de détente et de plaisir ... malgré la situation tendue. Parce qu’il le faut bien. Parce que ces moments, les personnages tout au tant que les lecteurs en ont besoin.
Personnellement, j’ai beaucoup aimé cette 13e enquête de Maud Graham. Passionnante et informative sans être didactique, elle nous amène vers une réflexion, un questionnement. Et, quoiqu’on en dise, le petit monde de Maud Graham nous ressemble beaucoup. Et c’est sûrement pour cela qu’on attend toujours la prochaine aventure de notre enquêtrice la plus populaire.
Je veux rappeler avant de terminer que Chrystine Brouillet a remporté en mai dernier, le Prix Tenebris du roman policier s’étant le plus vendu en 2012 pour "La Chasse est ouverte".
Bonne lecture !
Saccages
Chrystine Brouillet
La courte échelle
2013
320 pages
Chrystine Brouillet a récemment remporté le prix Tenebris du polar québécois s'étant le plus vendu en 2012 pour La chasse est ouverte. Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse La popularité d...
http://www.lapresse.ca/arts/livres/entrevues/201306/14/01-4661418-chrystine-brouillet-au-sommet.php
La vie éternelle de Maud Graham
Avec l'arrivée de l'été vient une nouvelle aventure de Maud Graham, la 10e à paraître aux éditions de la courte échelle. Dans Double disparition, Chrystine Brouillet s'attaque à des sujets ...
http://www.lapresse.ca/arts/livres/201106/17/01-4410038-la-vie-eternelle-de-maud-graham.php
Pour le plaisir de la photo !