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25 Août 2013
Je viens d'apprendre la sortie prochaine du nouveau roman de Jaume Cabre, "Confiteor". Comme j'avais adoré "Les voix du Pamano" et que cette chronique a disparu de mon blogue, je la republie, aujourd'hui. Et ce, tout en mentionnant que "Les voix du Pamano" est maintenant disponible en livre de poche.
Voici donc ma chronique, écrite en 2009.
Vous arrive-t-il souvent de sortir de la lecture d’un roman, bouleversé, un peu chamboulé, avec plein de questions et surtout, en pensant que l’on en aurait lu quelques centaines de pages de plus ??? La lecture de Les voix du Pamano vous transporte vers un petit bonheur littéraire: 743 pages de purs délices !!!
L’histoire tourne autour d’un événement, un certain soir de l’été 1946; et se déroule, alors, une véritable saga familiale, sur une période de plus de 70 ans, enchevêtrée de haine, d’amour et de violence.
À l’orée des Pyrénées, un petit village catalan vit dans toute son horreur, les affres de la Guerre civile, de la Seconde Guerre mondiale, la montée du communisme, l’émergence du facisme: tous ces éléments, mélangés avec la haine, l’amour, la violence et la peur de l’humain qui essaie de se libérer.
Dans ce petit village, un instituteur (José Oriol Fontenelles Grau) est envahi par des problèmes qui le dépassent: problèmes maritaux et politiques. Pour l’accompagner dans ce drame, une femme fascinante (Elisenda Vilabru) , imbue de pouvoir, riche et tellement belle, une femme qui attise les passions. Un troisième personnage important, le violent maire de ce village, homme de main de la dame et ardent défenseur faciste. Et une nuit d’horreur !!!
Plus tard, à une autre époque, le même village, une institutrice trouve une lettre de l’instituteur à son épouse et qui explique ce qui s’est passé … Quand tout le monde voudrait bien oublier. Enfin, presque tout le monde.
Tout au long de sa lecture, indice par indice, fait par fait, nous découvrirons l’horrible vérité. Une enquête tout à fait particulière, sur des événements passés !!! Absolument passionnant!!!
Un plaisir de lecteur, apprécier le personnage d’Élisenda Vilabru, personnage central qui transcende le roman, femme omnipotente, capable de tout pour arriver à ses fins, mère imcompétente, manipulatrice habile, amoureuse passionnée, bigote calculatrice et despote intransigeante. Un plaisir à aimer et à détester !
Juste pour ce personnage, le roman vaut la peine d’être lu.
Jaume Cabré est un auteur catalan qui possède une écriture tout à fait singulière, un style qui demande toute l’attention du lecteur. Dans le même paragraphe, il nous amène d’une époque à l’autre, le narrateur change ou encore, le personnage s’imagine ou se rappelle des événements … et nous devons suivre attentivement ces digressions. Au début, j’avoue avoir trouvé l’exercice difficile; après la lecture des cent premières pages, je m’en suis délecté. Le lecteur est sur le qui vive, autant par le style que par l’histoire.
Les voix du Pamano est un roman puissant, brutal, exigeant, qui ne laissera personne indifférent. À travers le développement de l’histoire, l’intrigue nous apporte son lot “d’humanité”. Les mondes se croisent et s’entre-déchirent: facisme et résistance, pardon et vengeance, religion et bigoterie, amour et haine, politique et violence, poésie et violence.
Un roman à lire absolument … en étant patient lors des 100 premières pages. Les 600 pages suivantes valent largement les efforts pour lire les premières. Une lecture pas pour tout le monde mais pour ceux qui aiment se faire ébranler … Un roman puissant, dans la même veine que La puissance des vaincus de Wally Lamb. Un seul défaut, le livre coûte très cher … Les éditions Bourgois n’y vont pas avec le dos de la cuiller.
Voici quelques phrases qui m’ont marquées:
“Les flocons lui parurent autant d’étoiles qui tombaient, lasses de se maintenir inutilement dans le ciel, déçues de penser que leur lumière mettait des siècles à parvenir à la prunelle des yeux des personnes aimées.”
“…contemplant une revue danoise ou suédoise de femmes sur le point de s’enrhumer.”
“Tenir le manche de la poêle”
“…pourquoi une triste institutrice, avec des problèmes de poitrine, des problèmes de fils et des problèmes de poids, se transforme en un détective qui suit à la trace un héros imprécis, ou peut-être un scélérat, et qui ça peut bien être la femme qui a pris mon bonheur.”
Après une gifle ; “C’était sa façon décadente d’avoir le dernier mot.”
Les sculpteurs de cathédrale (Bien oui, nous sommes au pays de Gaudi et de la Sagrada Familia): “Ils sculptent, des gargouilles, des balustrades, des ornements géométriques, des fleurons et des rosaces que, une fois placés en hauteur, personne ne verra jamais.- L’air sérieux, il regarda Tina: À l’exception des pigeons qui, en plus, leur chient dessus.”
“C’est que moi, la jeunesse m’est tombée dessus quand j’étais trop jeune.”
Les voix du Pamano
Jaume Cabré
Christian Bourgois, éditeur
2009
743 pages
La page d'Actes Sud présentant ce nouveau roman.