24 Juillet 2013
Ami lecteur, n’as-tu jamais entendu le lancinant et funeste chant du « Crapaud du Ressac » ?
Cette mélopée nocturne qui s’insinue en toi, aux heures torturées du sommeil qui ne vient pas ?
N’as-tu jamais senti se serrer autour de ta gorge la peau visqueuse de ce batracien tapi en embuscade dans la nuit qui s’approche ?
Le « crapaud du ressac » c’est le pommeau d’un levier de vitesse qu’on ne remplace pas, c’est un conducteur fou qui ne s’arrête pas au passage d’une moto, c’est un homme armé qui a peur.
Le "crapaud du ressac" c’est la mort qui rôde et qui convoite ceux que l’on aime.
Le « crapaud du ressac » c’est cette angoisse qui gagne tes sens parce que tu sais que « le pire est toujours certain ».
Garp a grandi avec le Crapaud du Ressac comme animal de compagnie.
Cette angoisse fondamentale qui le fait vivre dans la peur : la peur de grandir, la peur de tomber, la peur d’écrire, la peur de ne pas être aimé, la peur de perdre ses enfants, la peur …
Garp est un écrivain qui vit avec une angoisse permanente chevillée au corps.
Sa vie est un roman, c’est aussi une lutte permanente contre la tentation de la concupiscence.
Et Garp connaît ses classiques et sait que « le meilleur moyen de résister à la tentation c’est d’y succomber ».
De Steering à Vienne en passant par New York, il succombera et, entre deux angoisses, il nous entraîne dans la longue loufoquerie que constitue sa vie.
En commençant ce roman, j’ai ri devant tant de fantaisie, de situations rocambolesque mais jamais légères.
Et puis, petit à petit, l’atmosphère s’est épaissie, la violence a teinté de noir la fraîcheur des pages.
Le propos est devenu plus sombre, plus profond, plus dense.
La douleur inextinguible est apparue sur la scène accompagnant le cercueil d’un enfant jamais visible.
La rage, puis le cynisme …
Et enfin, peut être, dans une dernière danse autour du tapis de lutte, le vide de la délivrance.
Le Crapaud s’est enfin tu.
Il y a un monde après Garp.
Le monde selon Garp
John Irving
Points
1999
« L'angoisse est la disposition fondamentale qui nous place face au néant. »
Martin Heidegger