28 Février 2010
J’avais intitulé ma critique du premier livre de R. J. Ellory, Seul le silence, « Le prix à payer pour respirer … »; phrase choc du personnage principal de ce roman.
Quelques mois plus tard, je lis Vendetta, son deuxième roman et j’accroche sur la phrase suivante : « L’astuce, c’est de continuer à respirer ». Assez intriguant
quand même mais tout autant révélateur du souffle de cet auteur qui a le don de nous le couper à tout moment. J’ai beaucoup aimé Seul le silence, Vendetta ne m’a pas du tout déçu,
au contraire. Pour une deuxième fois, Ellory m’a captivé, il m’a surpris tout en me racontant une histoire passionnante dans un contexte historique pas si loin de nous.
Le roman débute par l’enlèvement de la fille du gouverneur
de la Louisiane et le meurtre de son garde du corps. Compte tenu de la portée politique, l’enquête est confiée au FBI.
Coup de théâtre ! Le kidnappeur désire se livrer à la condition de pouvoir raconter son histoire à un fonctionnaire de la police new-yorkaise, Ray Hartmann, illustre inconnu, sans envergure,
alcoolique et ayant de nombreux problèmes familiaux . Et c’est à cette seule condition qu’il révélera l’endroit où il séquestre Catherine Ducane.
S’amorce alors une course effrénée contre la montre où le Shéhérazade du meurtre sur commande, raconte sa propre vie à travers l’histoire de la Mafia italienne aux États-Unis. Le voyage nous
transporte de la Nouvelle-Orléans à Cuba, de New-York à Chicago en passant par Las Vegas et la Floride. On y rencontre des personnages connus et des événements qui ont marqué l’histoire
américaine : le meurtre de Kennedy, la révolution cubaine avec Castro, l’assassinat de Jimmy Hoffa.
Graduellement, époque par époque, ville par ville et surtout meurtre par meurtre, le kidnappeur, Ernesto Perez, tisse sa toile, sème des indices qui rendent toutes les actions des agents du FBI,
complètement inutiles. Perez a et garde le contrôle sur la situation.
Le lecteur est happé par les révélations et les histoires racontées. Certains pourraient trouver quelques longueurs dans la présentation de la Mafia, de ses coutumes et de son mode de
fonctionnement; moi, j’ai trouvé ces éléments absolument passionnants. Le rythme de toutes ces histoires, la construction de l’intrigue comme le démaillage progressif d’une toile d’araignée qui
vous colle aux doigts, la vraisemblance des personnages, leurs croyances et leurs convictions, tout cela vous transporte vers une finale surprenante, merveilleusement bien amenée et totalement
jouissive.
Le style d’Ellory est tout à fait efficace, sans fioriture, cru, direct comme le coup de poing d’un boxeur; le lecteur doit accepter de se faire bousculer par des personnages auxquels il s’attache,
malgré le coté excessivement violent de leur vie. On arrive même à aimer ce personnage violent, ce tueur à gage, ce personnage qui tue sans remords, en tout inhumanité. Parce que l’auteur a
l’indécence de nous montrer du même souffle, le coté humain, familial, les principes et les convictions qui font de ce monstre, un père aimant, mais un homme qui a toujours fait les mauvais choix.
Malgré toute l’horreur de sa vie, on peut facilement sympathiser avec ce tueur dans toutes ses dualités, dans ses incohérences. On s’y laisse prendre, tout comme le policier qui écoute son
histoire.
On se prend à détester l’homme qui se définit comme : « … un homme capable de tuer d’autres hommes, un homme dangereux. Quelqu’un d’exceptionnel » et on a pitié de l’enfant qui
dit : « J’étais un enfant non désiré, ma mère comme mon père estimant jusqu’au tout dernier instant qu’un avortement aurait été préférable … » Voilà toute la force d’Ellory, placer
son lecteur sur la corde raide, ne rien lui donner facilement, le mettre en face des deux cotés de la médaille et le laisser avec ses problèmes de conscience !!!
Quelques phrases choc, témoins du style d’Ellory:
« Si tu cherches la vengeance, creuse deux tombes … une pour ta victime, une pour toi. »
« Tuer son père est une véritable expérience spirituelle »
« Cet homme était le pape de Lucifer »
On sort de cette lecture, un peu chamboulé; on a apprécié notre lecture, on s ‘est pris à aimer (ou ne pas détester) un personnage affreux, on a suivi les horreurs de la Mafia italienne et la
complicité de certains hommes politiques … Mais comme dirait un des chefs de la Mafia :
« Chi se ne frega » … si on a passé un très bon moment de lecture !!!
Vendetta
Sonatine Éditions
2009