4 Mars 2013
C'était un premier contact avec l’écriture de Marie Neuser. Pour une deuxième fois, je lisais un roman de cette petite maison d’édition française L’Écailler (voir la chronique sur «Pauvre Richard»), et je suis agréablement surpris. Je peux donc vous assurer qu’il y aura une troisième fois. Et une quatrième !
Et bonne nouvelle, cette petite maison d’édition est distribuée au Québec !! Alors, ce serait le temps de commander ce roman sur «Rue des libraires», de découvrir cette auteure, d'expérimenter l'excellent servive des librairies indépendantes et ainsi contribuer à l’oeuvre du docteur Julien ...
Que des avantages ! Ne me remerciez pas, je le fais de bon coeur ! Et je passe aux choses sérieuses ...
Voici donc ce roman !
Anna revient dans cette maison de campagne qu’elle a tant haïe. Symbole de son adolescence souffrante, elle y retourne pour se réconcilier avec les fantômes qui l’habitent. Au fond d’une penderie, « ... il était là, mité, rouillé, grippé. Le petit canard mécanique au duvet tout râpé.»
Alors commence un intense retour en arrière, une descente aux enfers, chargée d’émotions, de peurs, de tensions extrêmes, passage obligé vers un dénouement que le lecteur attend depuis les premières pages de ce roman.
Comme à chaque année, Anna doit accompagner ses parents à Acquargento, pour les vacances d’été. Adolescente de 16 ans, elle ne supporte plus ce petit coin de paradis qui se transforme sous ses yeux en « ... dépotoir de toutes les envies évanouies ...». Ce drame d’adolescente prendra une allure bien différente quand sa soeur, Hélène, se pointera avec sa petite fille, Léa.
Victime de son imagination fertile ou tout simplement perspicace dans sa vision des choses, Anna imagine les pires scénarios en regardant le comportement bizarre de sa grande soeur vis-à-vis sa fille. Elle en parle à ses parents qui repoussent l’idée du revers de la main; elle est donc seule avec cette terrible révélation ! Sa soeur veut faire du mal à sa fille. Pour se valoriser ! Pour montrer qu’elle est une mère aimante et protectrice.
Le lecteur est alors invité par l’adolescente à suivre cette hallucinante tragédie qui se déroule dans ce petit chalet de la Corse. Oui, le lecteur est invité car Anna (et l’auteure, évidemment) s’adresse à nous avec un récit écrit au «vous». Dès les premières phrases nous sommes donc plongés dans cette atmosphère lancinante qui nous projette au coeur des événements. Anna a-t-elle raison ? Son obsession est-elle fondée ?
Ce roman se lit tout d’une traite. Emprisonné dans ce huis clos, le lecteur se sent partie prenante des cauchemars éveillés d’Anna. Me faire apostropher par cette adolescente, me faire impliquer directement dans le cours des événements, être plus qu’un témoin mais un acteur qui possède un rôle de juré dans ce procès d’intention, a été un bouleversant moment de lecture. Marie Neuser m’a conquis ! Ce roman à dominante psychologique est une de mes bonnes lectures des derniers mois.
Alors, je vous conseille " Un petit jouet mécanique" avec plaisir. Régalez-vous dans cette histoire prenante et haletante, laissez-vous envoûter par cette écriture et ce style saisissant et assoyez-vous aux premières loges de ce récit passionnant. Laissez-vous emprisonner dans ce huis clos angoissant, ouvert quand même sur la nature et l’extérieur. En ce qui me concerne, Marie Neuser m’a parfaitement convaincu; j’attendrai avec plaisir ses prochains romans.
Quelques extraits pour vous convaincre ... encore plus :
« ... tout le monde avait raison en dépit de moi, moi aveugle parce que j’avais seize ans et qu’à seize ans on ne voit pas les paradis, moi haineuse parce que les désirs d’ailleurs embrumaient les beautés d’ici, moi enragée parce qu’ici j’étais seule et presque vide, aussi vide que la maison l’est aujourd’hui, avec sa gueule de vieille peau.»
« Vous êtes Anne Brontë ce matin, témoin d’un apothéose languide de couleurs douces et brillantes, comme ripolinées de frais. Il y a de gros nuages au-dessus de la mer, faisant écran entre vous et le soleil; et crevés par endroits, ils laissent filtrer de longues lances de feu qui, régulières comme les rayons du drapeau nippon, vont frapper la surface de l’eau en y déposant deux flaques incendiées d’argent.»
«Et vous revoici à Acquargento, toujours engluée dans vos seize ans qui, vous le comprenez ce soir, sont une sacrée merde.»
« ... et vous vous demandez si vous aussi un jour vous auriez le courage d’avoir dix-sept ans.
C’était tout.»
Bonne lecture!
Achetez ce livre en ligne sur
Un petit jouet mécanique
Marie Neuser
L’Écailler
2012
158 pages
Un questionnaire pour mieux connaître Marie Neuser: voir ici
Le site de la maison d'édition: L'Écaillier