4 Avril 2013
... une circonstance plus une coïncidence plus une «menterie» plus deux imprécisions plus trois hésitations, ça fait un maudit bon suspect.
Mon premier contact avec l’écriture de Richard Ste-Marie est très récent. Au début de l’année 2012, il publiait son deuxième roman, «L’inaveu», roman où nous suivions l’enquête d’un policier atypique, féru de philosophie, citant Camus ou Sartre tout en pouvant discourir sur Nietzsche. J’avais adoré ce roman et je le considère encore comme un des très bons romans québécois parus l’année dernière.
Cette année, les éditions Alire publient «Un ménage rouge», une réédition remaniée par l’auteur de ce roman qui a été publié une première fois en 2008 aux éditions Stanké. Vous me permettrez une petite vacherie sans méchanceté, mais à voir la couverture de l’édition originale, on remercie Alire d’avoir remanié également la jaquette du livre. J’avoue que l’image n’était pas tellement vendeuse ...
Alors, revenons au roman.
Vincent Morin est un courtier en valeurs mobilières. Professionnel reconnu, homme tranquille, paisible, mélomane, personnage sans histoire; bref, il mène une vie tout à fait ordinaire ...
Il revient donc, un jour à l’avance, d’une formation importante à New-York. Il entre dans sa maison cossue de Rosemère, en banlieue nord de Montréal. La musique joue à tue-tête, cette musique que souvent il écoute en faisant l’amour avec sa femme. Excité par la perspective d’un accueil très spécial, il se demande comment elle a su qu’il arriverait une journée à l’avance. Il monte jusque dans sa chambre et y découvre sa femme dans une torride partie de jambes en l’air avec deux inconnus. Fou de rage, il frappe violemment les trois membres de la partouze et les tue dans une orgie de sang et de chair, à coup de lampe en métal qu’il rapportait de son séjour dans la grosse pomme.
Et en l’espace d’une seconde, l’homme honnête, le citoyen presque ennuyant, le mec sans histoire, devient un meurtrier. Sa vie bascule ! Paniqué, il se retrouve dans une situation pour laquelle personne n’est préparé. Que fera-t-il ? Se livrer à la police ? Non, il n’en est pas question ! Il transformera donc cet accès de colère meurtrière en un crime parfait. Tout, mais absolument tout doit être nettoyé, tous les indices doivent disparaître, plus rien ne doit subsister de ce lundi soir maudit. L’homme lambda deviendra calculateur, cynique, en plein contrôle de la situation. Son imagination, ses énergies seront concentrées sur un seul objectif, faire disparaitre toutes les preuves de ces trois meurtres.
Vincent Morin passera chacune des minutes de sa vie à traquer le petit indice, le détail qui pourrait permettre à la police de l’accuser pour ces meurtres. Au fil du temps, il passera de l’angoisse à l’espoir, de la dépression à l’optimisme, tout en s’isolant, tout en érigeant un mur de protection autour de sa culpabilité. Va-t-on assister à la réussite de ce maquillage qui occulterait le crime parfait ?
La trame romanesque tourne principalement autour de cette mascarade, de cette mise en scène orchestrée par le meurtrier. L’enquête de Francis Pagliaro de la Sûreté du Québec (voir «L’Inaveu») porte surtout sur un optométriste américain, disparu lors d’un congrès à Montréal. Qu’est-ce qui relie ces deux histoires ?
Richard Ste-Marie nous présente un récit avec une construction solide, une trame romanesque menée avec doigté où jamais, il ne perd le lecteur. On assiste avec plaisir à cette montée graduelle de la tension, on ressent, à travers la pensée du meurtrier, toutes les angoisses et la détresse de cet homme ordinaire transformé en criminel. Jamais je n’ai ressenti de lassitude par rapport au récit. Le style de Richard Ste-Marie possède toute la fluidité et la souplesse pour rendre la lecture agréable. Et finalement, le lecteur profite grandement des qualités de conteur de l’auteur. L’histoire est très bonne, bien racontée et la finale est à la hauteur du reste du roman.
Lire ce roman m’a procuré un très bon moment de lecture. Et j’avoue que j’ai particulièrement aimé retrouver l’enquêteur Francis Pagliaro ... dans cette premièreaventure. Je l’avais beaucoup aimé dans «L’Inaveu» et le fait de lire ce premier roman après le deuxième n’a aucunement été dérangeant. Alors que vous les lisiez en ordre ou pas, vous aurez sûrement beaucoup de plaisir à les lire, tous les deux.
Je vous souhaite une bonne lecture !
Quelques extraits:
«J’ai assassiné la femme que j’aime, je viens de voir ce corps que j’ai tant désiré et que j’ai abimé comme un animal et tout ce à quoi je pense, c’est de m’arranger pour en sortir indemne.»
«Il savait qu’il avait ricané à plusieurs reprises depuis la veille; il s’était carrément esclaffé alors que son angoisse se transformait parfois en une sorte d’excitation hallucinée. Il eut peur.
Je suis rendu complètement maboul ! C’est ce qui est en train de m’arriver. Et ce n’est que le commencement ...»
« ... comme dans un Musée de l’Infamie où le conservateur découvre à sa grande stupeur qu’il fait lui-même partie de la collection, à l’intérieur de la Maison de repos d’Outremont Vincent Morin découvrit avec effroi sa triste contribution à la condition humaine, car depuis le début, ici comme dans sa vie professionnelle, il participait lui-même à la sinistre comédie.»
Alire
2013
242 pages
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Le site de l’auteur: Richard Ste-Marie