10 Août 2010
La plupart des romans racontent des histoires. Certains, en plus, possèdent leur propre histoire. «Le Livre sans nom» est un roman noir qui raconte une histoire terrifiante et drôle. Ce livre est né d’une bien étrange façon, ce qui fait en sorte qu’il y a une histoire à raconter sur sa publication et ses origines.
Laissons d’abord l’éditeur nous présenter ce phénomène:
«Diffusé anonymement sur Internet en 2007, cet ouvrage aussi original que réjouissant est vite devenu culte. Il a ensuite été publié, d’abord en Angleterre puis aux États-Unis, où il
connaît un succès fulgurant.
L’identité de l’auteur demeure inconnue à ce jour ...
Beaucoup d’hypothèses circulent sur le Web, suggérant le Prince Charles, David Bowie et même, Quentin Tarantino ...
Une suite au roman a été publiée en 2009, par le même auteur, qui ne veut toujours pas divulguer son nom ... Le mystère demeure. Pourquoi refuse-t-il toujours, 3 ans après, et malgré son
succès, de dévoiler son nom ?»
Étonnant, n’est-ce-pas ! Et bien laissez-moi vous dire que ce roman n’est pas banal, loin de là. Si sa propre genèse est abracadabrante, ses histoires sont quant à elles, tout à fait
extravagantes.
Essayons donc de raconter l’histoire, sans trop dévoiler l’intrigue et le dénouement. Santa Mondega est une ville de l’Amérique du Sud, une ville oubliée, une ville où il se passe d’étranges
phénomènes. Dans quelques jours, il y aura une éclipse et la lune n’aura pas seulement de l’effet sur le soleil ... Une série d’événements malheureux, des personnages refont apparition, des
crimes et de meurtres sont commis.
Comme il y a cinq ans ! «Première leçon: à Santa Mondega, quand quelqu’un tient des propos un peu délirants, il y a fort à parier que c’est vrai.»
Tout le monde est à la recherche de la fameuse pierre magique, l’Oeil de la lune !
Tout d’abord, les moines de l’Île d’Hubal, à qui elle appartenait. Le père supérieur Taos délègue donc les pères Kyle et Peto, spécialistes des arts martiaux, pour retrouver cet objet si
important pour leur communauté et pour le reste du monde.
Se retrouve sur leur chemin, le terrible «Bourbon Kid», disparu depuis cinq ans sans avoir laissé plus de trois cents cadavres, sur sa route ... après avoir bu un verre de bourbon,
évidemment.
Et ces deux «Karaté Kid» rencontreront Sanchez, le très accueillant propriétaire du bar Tapioca, lieu de toutes les intrigues, de tous les échanges, où, à certains moments, le sang coule plus que
l’alcool. Avis aux buveurs de passage, méfiez-vous des liquides ambrés ! Ils auront également la «chance» de faire connaissance avec les sympathiques clients de ce bar ... Jefe,
Marcus la Fouine et autres charmants personnages ... «C’était une raclure corpulente, huileuse et mal rasée, comme à peu près tous les autres déchets qui fréquentaient le
bar.»
Au milieu des multiples bagarres à coup de fusils, s’activent deux intrépides inspecteurs, Mile Jensen, spécialiste des enquêtes surnaturelles et Archibald Somers, policier mis à la retraite
parce qu’il était un emmerdeur notoire ... tellement qu’on ne l’a pas invité à son propre «party de retraite».
Au milieu de ces hommes un peu, beaucoup hargneux, se réveille, un bon matin, Jessica, la seule survivante de la tuerie (32 balles dans le corps mais toujours vivante !) d’il y a cinq ans ...
amnésique et belle à faire damner ... un vampire.
Et pour agrémenter le tout, quelques personnages venant embellir le paysage idyllique de Santa Mondega:
Et des meurtres crapuleux! Des cadavres, «les yeux énucléés et la langue arrachée...» ! Une Cadillac jaune ! Et un Livre sans nom d’un auteur anonyme !
Comme vous pouvez le constater, on ne s’ennuie pas à la lecture de ce roman foisonnant et plein d’actions. Les personnages sont tellement «gros», taillés à la hache qu’on se surprend à les aimer,
à les trouver sympathiques, presque drôles ... même les plus canailles.
Les situations sont tellement peu crédibles qu’on se plaît à y croire. Si on accepte de se laisser porter par l’histoire, si on accepte des situations absurdes comme étant possibles, si on
accepte ces personnages venus d’un monde imaginaire, et bien on se paye un voyage complètement délirant dans le monde allégorique de cet auteur inconnu. Franchement très
divertissant.
De plus, les nombreuses références culturelles , autant au niveau de la télé que du cinéma, viennent illustrer agréablement l’histoire déjantée de ce monde. Un plaisir pour les amateurs ! Alors,
on rencontre Elvis Presley, Terminator, Buffy le vampire et Freddy ... Tout cela dans le même roman qui commençait dans l’atmosphère feutrée d’un monastère.
En ce qui concerne le style de l’auteur, il faut vous attendre à des moments de pure folie descriptive, une capacité rare à décrire le laid et à presque nous le rendre «acceptable»:
«Mais ce n’était pas ces deux types qui posaient problème. Eux n’étaient que les couilles : c’était la bite au milieu, avec son oeil bizarre, qui représentait le seul problème. Marcus la
Fouine était un voleur-agresseur-violeur à la petite semaine.»
«En dépit d’une conception profondément misanthropique du monde en général, une nette tendance à ne jamais s’intéresser aux problèmes d’autrui et une fâcheuse propension à servir aux
inconnus des verres de pisse en guise de rafraîchissements, Sanchez n’était pas dépourvu de qualités.»
Et pour décrire des situations où ses personnages vivent des moments pénibles, l’auteur a le don de nous rendre ces moments de torture ... un peu plus ... agréables à lire ....: « ... et,
durant les sept minutes qui suivirent, (Marcus) pria de tout son coeur que sa mort survienne.
À la huitième minute, le voeu de Marcus la Fouine fut exaucé ...»
«Elle était assise à sa table comme à son habitude, mais elle avait beaucoup, beaucoup changé. Principalement parce qu’elle n’avait plus de tête.»
«Soit dit en passant, pas franchement digne de confiance: seule la moitié de ce qu’il raconte est à moitié vrai.»
À vous de faire les calculs !
De plus, on se laisse facilement accrocher par la structure de feuilleton de ce roman et par son découpage qui nous transporte d’un chapitre à l’autre, d’un personnage à l’autre, dans un rythme
parfaitement soutenu. Le lecteur n’est jamais perdu. De chapitre en chapitre, il se reconnait, il retrouve chacun des personnages avec plaisir; et l’intrigue coule, soutenue et captivante. Cette
maitrise du style et de la structure romanesque me porte à croire que cet auteur inconnu n’est pas à ses premières armes dans l’écriture !
À la relecture de mon texte, je me rends compte que j’ai inséré un nombre assez important d’extraits: je crois que cela s’explique par la qualité de ce texte.
Si on accepte l’invraisemblable, si on prend avec un grain de sel les dizaines de meurtres (un BANG en plein front !), si on joue le jeu d’un roman sanglant, noir et ... drôle, et bien chaque
lecteur se paiera un moment jouissif de lecture, pour son plus grand bonheur. Et on en redemandera ! D’ailleurs, une suite est déjà disponible en anglais !
En conclusion, je vous laisse avec une introduction: celle qui met en garde le lecteur du «Livre sans nom»:
«Cher lecteur,
Seuls les coeurs purs sont dignes de contempler les pages de ce livre.
Chaque page que vous tournerez, chaque chapitre que vous lirez vous rapprochera un peu plus de la fin.
Tous n’y arriveront pas. Les nombreuses histoires et les nombreux styles sont susceptibles d’éblouir et de confondre.
Et, tandis que vous rechercherez la vérité, elle ne cessera jamais d’être sous vos yeux.
Les ténèbres viendront et, avec elle, un mal indicible.
Et ceux qui auront lu le livre pourraient ne jamais revoir la lumière..»
Toujours envie de le lire ? Ce livre dont personne ne sort vivant ... ou presque.
J’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à découvrir la véritable histoire de ce Livre sans nom car on rencontre peu d’histoire aussi folle et jubilatoire créée
par un auteur qui ose encore se cacher malgré ce succès fulgurant !
Bonnes lectures !
Le Livre sans nom
Anonyme
Sonatine
2010
461 pages
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