7 Décembre 2011
La lecture de «Thure» a été comme une récréation. Une récréation où j’ai laissé de côté romans policiers et polars, pour m’imprégner d’une poésie bien particulière, d’une histoire toute en nuances et en subtilité et d’une écriture envoutante.
«Thure» n’est pas un roman comme les autres. Il vous surprendra par sa sensibilité, par des événement hors de l’ordinaire mais si ancrés dans leur quotidienneté. Vous serez transportés, chères lectrices et chers lecteurs, dans un monde aux couleurs de l’impressionnisme. Vous découvrirez la vie de Thure, de ses parents, Arthur et Mijeanne et aussi de ses grands-parents, par petites taches, savamment placées sur cette toile où transparaîent, en filigrane, les difficultés de l’enfance et de la transplantation d’un humain dans un autre territoire.
«Thure» est un roman d’émotions et chacun des personnages saura vous toucher par son histoire et sa façon de voir la vie. Les événements, passés et présents, qui marqueront la naissance de Thure ne peuvent que nous toucher, nous émouvoir et parfois, nous faire pleurer. Il suffit de parler de sa naissance pour comprendre.
Juste à côté du lit où sa mère le mettra au monde, il y a un autre lit. Sur ce lit, immobile, branché à un respirateur, un homme. Cet homme est le père de Thure qui va naitre dans quelques instants; il est dans le coma depuis un peu moins de neuf mois. Un accident l’a privé de cette excellente nouvelle; jamais il ne saura qu’il sera père.
Dès la naissance de Thure, Mijeanne, sa mère, le dépose sur le corps inanimé de son père où il passe une partie de la journée. Pour elle, le contact entre le père et le fils est important; elle sait, elle a l’intuition qu’il se passe quelque chose d’important! Avant la fin de la journée, un geste mûrement réfléchi, un geste qu’elle a retardé jusqu’à la naissance de son enfant, elle interrompt le coma irréversible de son mari, du père de son unique enfant.
Voici donc le début assez étonnant de ce roman qui vous surprendra à plusieurs titres. Thure, l’enfant né lors de cette journée découvrira, après la mort de sa mère, un carnet de dessins de son grand-père ; à l’aide de ces images, il fera parler, son père et son grand-père qui nous raconteront les événements, l’histoire familiale de ses origines.
Et je peux vous l’assurer, certaines pages de ce roman, certains événements vous toucheront. En plus, très souvent, vous serez émus par l’écriture de Thierry Leuzy, un style poétique et sensible, rempli d’émotions à partager. L’histoire, les événements que vous découvrirez, les personnages que vous apprendrez à connaître, vous transporteront dans un atmosphère de nuances et d’émotions. Les aventures rocambolesques du grand-père, Papi Youri, les amours naissantes de Mijeanne et d’Arthur et surtout les moments où Thure décrit les réflexions de son père, au contact de la peau de ce petit enfant naissant, malgré ce coma profond qui le retient prisonnier.
Voilà ! Inutile de vous dire que j’ai aimé cet intermède dans mes lectures «polardiennes». Ce premier roman est franchement très réussi, autant par l’écriture que par son originalité. J’ai hâte de voir ce que Thierry Leuzy nous réserve comme deuxième oeuvre. La barre est haute mais le talent est sûrement là.
Voici quelques extraits pour vous mettre l’eau à la bouche ...
«Ton fils. Il arrive et tu pars. Vous vous croisez sur le palier de l’éternité.»
« ... Papi Youri s’est avéré un grand pédagogue. Maestro Michoustine était une sorte de génie du chaos qui avait le don de voir clair dans le désordre des autres.»
« J’ai voulu savoir pourquoi un Africain comme lui vivait si loin de la lumière.
J’ai vécu beaucoup de noirceur au soleil, j’en suis venu à trouver plus de clarté dans la pénombre.»
« ... elle est devenue toute petite et j’ai vu à ce moment précis que même la perfection peut plisser du menton, rougir des oreilles, trembler des lèvres et former des nids de pluie sous les yeux.»
«Parce qu’il lui était resté fidèle, la jeunesse ne l’avait jamais quitté. Et parce qu’il se souciait encore d’elle, elle s’était ennoblie; un arbre ancien, solitaire, enraciné au sommet d’un cap venteux, dont le tronc et les branches blanchies par l’air salin n’avaient rien perdu de leur ressort.»
Et le dernier, qui porte à la réflexion: «Le mal des imbéciles vient du fait qu’ils s’agrippent au volume et à la légèreté de leurs certitudes, convaincus de remédier aux vertiges de leur ignorance.»
Pour terminer cette chronique, je me rappelle un article où l’auteur parlait de sa propre difficulté à entrer en contact avec les autres. Mais par la magie de la littérature, il a donné la parole à ceux qui ne parlent pas: un nouveau-né et un mourant. Juste pour cette image ...
... je vous souhaite une très bonne lecture.
Thure
Thierry Leuzy
Les Éditions de la Bagnole
Collection Parking
2011
165 pages