8 Juillet 2011
Quelques heures de lecture, un ou deux sourires, des petits moments d’émerveillement et la déception que ça soit déjà terminé ! Voici en quelques mots, tout ce que je pense de ce petit,
trop petit roman de Jérémie Guez.
«Paris la nuit» est son premier roman et ce jeune auteur (au début de la vingtaine) est certainement promis à une
brillante carrière d’auteur de polars. J’adore faire ce genre de découverte ( Voir la chronique sur Guillaume Lapierre-Desnoyers ) et j’espère toujours que
le souffle de ces premiers romans soient le présage d’une belle et longue carrière, parsemée d’excellents livres.
Bon, je n’y reviendrai pas mais j’ai trouvé ce récit un peu court. Le sujet était passionnant, il y avait sûrement matière à développements, surtout
en ce qui concerne la fin qui m’est apparue un peu bâclée.
Ce récit d’analyse d’un jeune Parisien qui, en pleine connaissance de cause, trouve toujours le moyen de prendre les mauvaises décisions, de choisir
le chemin tortueux et dangereux de la criminalité et de se lancer dans des crimes à tendance suicidaire, nous trace un portrait tragique de cette jeunesse sans espoir.
Pourquoi prendre un chemin qui nous demanderait des efforts, quand «... je suis assez malin pour me lever à l’heure que je veux chaque
matin.»
La trame romanesque est menée de façon à nous accrocher par l’histoire, les émotions, la vie et la pensée des personnages. L’auteur ne nous laisse
aucun répit: ça démarre en trombe, ça roule à 200 à l’heure, pas de pause, de l’émotion à chaque page !
Le lecteur, tout comme les personnages du roman, passe par une multitude d’émotions, superbement décrites par l’auteur. On sent, à travers ses
descriptions, une sensibilité extraordinaire et une capacité fascinante à traduire la pensée dans des phrases pleines d’émotivité. Jérémie Guez a le don de mettre son lecteur au coeur même de la
pensée de ses personnages et de nous rendre participant à cette déchéance annoncée. On glisse avec Abraham, dans une course folle vers l’abîme irrémédiable de sa perte. «Je me suis forgé
ma propre succube, elle vient chaque nuit me dévorer l’âme et je reste là, à la regarder faire.»
De plus, l’auteur nous décline à sa façon dans une multitude de couleurs, les multiples nuances d’un récit noir. La pauvreté nous entoure, nous
enveloppe ! La recherche du bonheur grâce à l’argent facile de la criminalité devient un objectif angoissant qui amène inexorablement ces jeunes vers leur perte. Même si nous cherchons, quelque
part dans ces cités grises de la banlieue, jamais on n’y trouve des éléments de solutions, des bouées de sauvetage honnêtes ou des anges protecteurs. Il n’y a que la fin, cette fin probablement
violente qui attend ces jeunes. L’espoir ? Connais pas !!
Finalement, j’ai poussé quelques soupirs de plaisir à la lecture de certaines phrases qui décrivaient cette souffrance, qui rendaient palpable cet
état de mal-être permanent dont le seul remède était l’illusion ponctuelle des drogues chimiques.
«Un dragon flotte dans l’air, au dessus de nos têtes. La chaleur envahit mes entrailles, devient irradiante. J’ai le poids de mon corps en
moins, le poids de mon monde, toute cette merde qui me dévore chaque matin, qui me serre de ses doigts flasques sans que je n’ose bouger. De la lave en fusion coule dans mon ventre, relie tous
mes organes entre eux, unifie mon corps et berce ma conscience.»
«J’ai entrepris de me détruire, je sais que tout a bousculé, que je ne ferai pas machine arrière. Je suis une personne, parmi des millions,
qui se laisse dévorer par les flammes de son propre enfer.»
Et une dernière, une des plus belles phrases de ce très beau roman: « Je m’invite un bourreau qui me tourmente pour ne pas penser à cet
échafaud que j’ai construit de mes propres mains.»
Je profite donc de cette occasion pour vous exhorter à donner la chance à de nouveaux auteurs de faire leur preuve. On sait tous qu’il est facile
d’acheter un Fred Vargas ou un Dennis Lehane !! Mais, prendre quelques dollars ou euros pour se procurer un premier roman, ça demande un certain courage ... qui est parfois récompensé. Allez,
faisons un petit effort et misons sur la nouveauté et la diversité culturelle et littéraire.
Pour notre plus grand plaisir.
Et pourquoi pas, dans vos commentaires, parlez-nous donc d’un premier roman que vous avez aimé ...
Bonne lecture !
Paris la nuit
Jérémie Guez
La Tengo Éditions
2011
108 pages