Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.
4 Mai 2010
Depuis très longtemps, j’avais délaissé la lecture de nouvelles.
Pourquoi?
Je ne la sais pas. Aucune explication logique, encore moins littéraire. Et pourtant, quel genre époustouflant que la nouvelle. Plus jeune, j’avais dévoré Marcel Aymé, passé au travers de cette
muraille de petits textes qui nous charment, nous font pleurer, souvent rire et toujours étonner. Presque toujours, l’auteur nous surprend; nous voilà donc déculotté, bouche bée et tellement
ravi, que l’on passe tout de suite à l’autre ...
Adieu le sommeil !!!! À nous l’insomnie !!!!
Depuis quelques temps, grâce à la revue Alibis ( http://www.revue-alibis.com/ ), je m’y suis remis ... pour mon plus grand plaisir.
De plus, la semaine dernière, une amie libraire ( merci encore, Manon !!!), m’a parlé de son auteure préférée, Suzanne Myre. Tout de suite, je me suis procuré son dernier recueil de nouvelles
«Mises à mort» !!!
Et je n’ai qu’un mot: WOW !!!!
Vous m’en permettez un deuxième ??? EXCELLENT !!!
Je n’abuserai pas mais j’en dirais bien un troisième: GÉNIAL !!!
Tout d’abord, parlons de l’auteure. Montréalaise de souche, après des études techniques, elle se crée des racines dans le milieu hospitalier et suit des cours d’écriture à l’Université. Ses
premières productions connaissent immédiatement du succès: lauréate du Grand Prix littéraire Radio-Canada, Prix Adrienne-Choquette, finaliste au Prix des Libraires et au Prix
France-Québec. Bref, on la reconnaît comme une auteure de talent et une nouvelliste hors pair. Dernièrement, elle a publié son premier roman «Dans sa bulle», après cinq recueils de
nouvelles.
Parlons donc de Mises à mort !!!
Les nouvelles de Suzanne Myre sont des noix d’acajou !!!! On en mange une, puis une autre, on se dit que l’on va arrêter et puis, sans que l’on s’en rende compte, on voit le fond du plat et on
cherche s’il n’y en pas pas encore quelque part !!! Chacune de ses nouvelles se déguste avec plaisir, les histoires sont souvent drôles et parfois dramatiques mais toujours bien racontées; les
situations sont généralement crédibles mais pas toujours, les personnages sont toujours attachants, dans leur candeur, leur drame, leur vie étriquée, leurs petits bonheurs et leurs grands
malheurs.
Qu’allez-vous y rencontrer ???
Un chien saucisse qui s’appelle Hygrade, allergique aux pâtisseries et qui se fait écraser par un homme qui a du chien;
Un face à face en vélo et des cellulaires «sur la terre comme au ciel.»
Un Cirque du Sommeil pour insomniaques avertis;
Une recherche du point G sous des petites culottes rouges avec des oursons blancs;
Et bien d’autres choses encore !!!!
Je vous le dis tout de suite, j’ai adopté une nouvelle et j'aimerais en être le parrain !!!!: «La mort d’un dogue».
J’ai trouvé cette nouvelle tout à fait géniale !!! Mais quel talent, quelle imagination !!! J'en suis encore "tout souriant" !!!
Le nom des enfants, la langue sur la glace, leur rencontre dans le parc, le petit (dans sa poussette) qui reluque les courbes sous le chandail de la petite (dans l’autre poussette), le chien qui
avait appris à miauler et qui voulait écouter le canal Université pour préparer son avenir professionnel, le succès d'une chanson qu'on entend dans les ascenseurs et les lignes d'attente
téléphonique ... et enfin, le même chien qui sert les biscuits, aux animaux et aux maîtres (sans faire nécessairement de distinction entre les biscuits !!!!) ... Et j'en passe !!!
À la lecture de ses nouvelles, on découvre une auteure à l’imagination débordante, une créativité complètement déjantée, un cynisme quand même agréable et une folie littéraire qui ne peut que
charmer le lecteur. De plus, du même souffle, Suzanne Myre nous touche par une humanité débordante, parfois triste mais toujours bienfaisante.
Ses personnages sont criants de sensibilité, toujours près de leurs sentiments, à fleur de peau et si touchant. Même ses personnages d’animaux font preuve d’une humanité tellement peu animale.
Malgré le caractère souvent dramatique, émouvant de ses nouvelles, l’humour de l’écrivaine dédramatise les récits, allège une atmosphère noire ou cruelle et permet au lecteur de souffler un peu.
Et on en ressort avec un besoin de voguer sur cette erre d’aller, de se laisser bercer par une fin presque toujours ouverte et qui laisse place à l’imagination du lecteur. Et puis, on est scotché
à son siège, le livre sur nos cuisses, les personnages continuant à vivre (ou à mourir) dans notre tête, l’esprit vagabond et bien souvent, le coeur heureux !!!!
Et le style explosif de cette écrivaine, la facilité avec laquelle ses mots et ses phrases nous enveloppent dans une couverture terrifiante tout en nous rassurant avec un humour bien particulier,
un humour analgésique, médicamenté, une crème apaisante. Ce mélange de douleur et de soulagement ajoute au plaisir de notre lecture, On se laisse donc porter par les petites joies que l’auteure
sème tout au long de son parcours pour que l’on puisse se sortir de cette forêt en suivant les petites roches d’humour qu’elle disperse jusqu’à la finale de ses nouvelles, surprenantes et
jouissives.
Voici quelques phrases qui ont accroché mon regard ... et ma propre folie:
«Je me suis serrée sans ménagement et j’ai fini par m’endormir dans le creux de mes bras.» Il faut imaginer cette phrase dite par une fillette de 11 ans, toute la détresse qui se cache derrière
ce simple geste !!!!
« ... en sirotant un café infect fait au percolateur par une main criminelle.»
Tanné de se faire tapoter la tête par tout le monde: « Tes cheveux sont une mappemonde d’empreintes de doigts.»
« ... un doberman vicieux qui lui jappait des trucs obscènes par la tête toute la journée.»
« Son père a une maîtresse, comme nous à l’école, mais dans un autre genre.»
Et une dernière, qui parle des Suzanne: « ... une sainte Suzanne. Toutes les Suzanne que je connais n’ont vraiment rien qui s’approche de la béatitude, au contraire: des névrosées
hypocondriaques, pour la plupart.» Un peu d’auto-dérision ??? Peut-être !!!!
Alors, je me permets, chère auteure, de vous adresser les quelques paragraphes suivants:
Madame Myre, vous êtes une auteure extraordinaire, votre écriture est inspirée d'une créativité déjantée, votre imagination est jubilatoire, bref, je n'oserais pas vous dire que vous êtes folle
... mais votre douce folie est génératrice d'une littérature qui fait du bien, qui fait sourire et qui rend heureux !!!
Voilà, je suis d'abord un amateur de romans noirs, de polars .. et bien madame Myre, vous serez celle qui viendra éteindre les feux provoqués par ces auteurs qui nous font trembler !!! Et j'en
ferai une posologie pour tous les lecteurs qui viendront lire mes scribouillages de supposé chroniqueur littéraire du dimanche .... En alternance, lisez un bon polar, puis, ensuite, une nouvelle
de Suzanne Myre, un roman noir, une autre nouvelle de Suzanne, etc.
Et comme moi, il me reste encore 4 autres recueils à découvrir ... vous aurez, chère auteure, le temps d'en écrire d'autres pour assouvir mes prochaines envies !!!
À vous, mes amis, voici par année de parution, les recueils de nouvelles de Suzanne Myre:
J’ai de mauvaises nouvelles pour vous (2001)
Nouvelles d’autres mères (2003)
Humains aigres-doux (2004)
Le peignoir (2005)
Contrairement à ce que pourrait laisser penser le premier titre de sa bibliographie, madame Suzanne Myre est une bonne nouvelle pour nous ... Répandez-la !!!!!
Mises à mort
Suzanne Myre
Marchand de feuilles
2007
179 pages