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19 Juin 2011
J’adore me plonger dans le monde étrange de Chabouté !
«Les princesses aussi vont au petit coin» est fascinant parce qu’il est un véritable Chabouté. Une histoire saugrenue, un
climat lourd, une atmosphère qui se décline dans toutes les nuances du gris, du blanc au noir, et un lecteur qui assiste, impuissant mais ravi, à ces scènes angoissantes et parfois tout en
douceur.
L’histoire est simple et tellement complexe, à la fois. Un homme s’évade d’un hôpital psychiatrique; il «kidnappe» un couple de décrocheurs bohèmes
qui recherchent l’aventure. Inutile de dire qu’il l’a trouve avec l’énergumène qui leur pointe une arme pour se faire obéir. Ce personnage, énigmatique, étrange, se croit suivi par des
comploteurs mondiaux, industries, gouvernements et ... cigarettiers qui chercheraient à le descendre parce qu’il en sait trop !
Tout au long de ce «road trip» lancinant, l’auteur nous surprendra par des scènes puisées à même l’imaginaire de son personnage mais aussi avec des
flashs de la vie quotidienne ... de l’auteur lui-même. du moins, c’est ce que j’imagine.
Et alors, où sont les princesses, me direz-vous ? Et bien, comme moi, vous les retrouverez à la fin, venant justifier de façon concrète le choix de
ce titre après avoir rayé les deux autres titres qui apparaissent sur la page couverture» «Folie douce» et «Le secret du polichinelle».
Vous aurez compris que lire un album de Christophe Chibouté, c’est accepter l’étrange, c’est se faire bousculer et surtout, ne pas s’attendre à de
l’attendu. Tourner une page de l’album, c’est une aventure à venir ... c’est une surprise qui peut passer d’un dramatique intense à un rire libérateur.
Et surtout, comme je suis un nouveau lecteur de bandes dessinées, un néophyte de la bulle, je commence à apprécier de me plonger, les yeux grand
ouverts, au coeur même de l’image, de l’illustration. Chabouté est selon ma maigre expérience, un maître du noir et blanc. Il réussit à transposer une gamme d’émotions grâce à ce coup de crayon
franc, direct et rempli de sensations.
Laissez-vous porter par une succession d’illustrations sans texte; juste une infime partie de l’image qui évolue, un oeil qui va de gauche à droite,
une inscription sur un chandail qui s’éloigne un peu, une auto qui approche. Un détail qui accroche l’oeil et qui nous transporte ailleurs, là où l’auteur veut bien nous amener, parfois même,
juste un peu plus loin.
Et quand l’image cède la place au texte, Chabouté nous sert des dialogues déroutants, souvent teintés d’un humour assez noir mais toujours
intelligents, pertinents.
Un dernier mot sur le sujet même de cette histoire ! Quelle imagination fertile peut construire cette mise en abyme extraordinaire ? Je l’avoue,
j’ai compris toutes les ficelles de l’histoire lors d’une deuxième lecture. (Au fait, je pense que c’est très prétentieux de penser que j’aurais compris toutes les subtilités de cette histoire ?
) Sans dévoiler les découvertes que j’ai faites tout au long de mes deux lectures, je dois vous dire que j’ai été estomaqué par une série d’illustrations complètement
surréalistes, inattendues ... et par l’explication si claire ... qui m’a échappée à la première lecture.
Cette alternance entre le réel de l’auteur et son imaginaire, se nourrissant de ses activités quotidiennes et alimentant cette agréable confusion du
lecteur ... et bien à elle seule, elle vaut le détour d’une lecture de cet extraordinaire album.
Christophe Chabouté nous offre à chacune de ses productions une explosion de noir et de blanc qui se transforme en de multiples émotions
multicolores. À lire et surtout, à relire !
Bonne re-lecture à vous tous !
Les princesses aussi vont au petit coin
Texte et illustrations: Chabouté
Vent d’Ouest
2011
106 pages
Pour en savoir un peu plus sur l'auteur: