4 Avril 2012
Pour souligner la sortie en livre de poche de "Les anonymes" de R. J. Ellory, je vous remets la chronique que j'ai publiée il y a plus d'un an. Et très bientôt, je vous parlerai du tout nouveau, "Les anges de New-York" qui vient de faire son apparition sur ma table de chevet.
De plus, je vous rappelle que R. J. Ellory sera un des invités d'honneur des "Printemps meurtriers de Knowlton", du 18 au 20 mai.
Une ligne jaune à ne pas franchir !
Qu’arrive-t-il quand des personnes traversent cette ligne jaune qu’il ne faut pas franchir? Cette ligne jaune qui, une fois dépassée, vous bascule de l’autre côté de la morale, directement au coeur de l’inhumain et de l’inacceptable. Là où on ne veut «pas voir le monstre que l’on avait créé.».
Amateurs et amateures de polars, vous qui aimez les pavés, exercez vos biceps et commencez la lecture du dernier roman de J. R. Ellory, «Les Anonymes». Encore une fois, après «Seul le silence» et «Vendetta», Ellory a su nous surprendre et nous passionner avec ce récit de la recherche d’un meurtrier, dans le cadre désolant d’un sombre moment de l’histoire des États-Unis.
Washington, centre de décision de l’état américain « ... où la classe sociale, la culture et la couleur de la peau comptaient plus que ...», quatre meurtres semblent avoir été perpétrés par un tueur en série. L’inspecteur Robert Miller est chargé de cette enquête, malgré le fait qu’il soit fragilisé par une sordide histoire. Il aurait été impliqué dans un incident qui s’est mal terminé, entre une prostituée et son souteneur: une large couverture médiatique laisse planer des doutes sur son intégrité.
Malgré tout, il se lance à fond dans cette enquête et commence à déterrer, à coups de petite cuillère, certains faits qui pourraient impliquer la CIA et quelques personnalités politiques et judiciaires. «Ces gens-là, c’est l’espionnage, les opérations clandestines, les exécutions clandestines, les nettoyages, les assassinats, les coups d’État et la destruction ...». À un certain moment, très révélateur historiquement, le formateur explique au futur agent de la CIA, la différence entre la morale et l’éthique. On comprend, un peu mieux, à la lueur de cette «formation», quelques gestes et interventions des anciens élèves de cette école bien particulière.
Parallèlement, un personnage mystérieux nous raconte son cheminement personnel, chemin tortueux qui l’a amené à jouer un rôle crapuleux dans la recherche de la «paix économique» en Amérique du Sud. Intrigues politiques, trafic de drogues, meurtres font partie de son quotidien. Mais quelle est son implication dans ces histoires de meurtres en série ?
R. J. Ellory nous présente en alternance, l’enquête de l’inspecteur Miller et l’apprentissage de ce personnage de son rôle de protecteur de la pensée américaine en Amérique du Sud. J’avoue bien honnêtement que dans les premiers chapitres, j’ai trouvé ces incursions un peu lassantes; je les lisais même en hâtant ma lecture pour retourner à l’enquête. Mais, petit à petit, cette toile tissée par l’auteur m’a accroché et de confuse et débridée, elle est devenue passionnante et instructive. Instructive ? Et bien oui, car on apprend beaucoup dans les livres de cet auteur. En ce qui me concerne, je connaissais l’implication des USA au Nicaragua ... mais leur implication dans le trafic de cocaïne, pour financer les Contras ... afin de combattre les sandinistes, plus proches du régime soviétique.
Comme il nous a habitués avec ses deux autres romans, Ellory nous passionne en surpassant la simple enquête policière, en mettant en scène des personnages plus vrais que nature et en nous présentant une analyse psychologique des acteurs, fouillée, crédible et prenante. L’étau se resserre de plus en plus et nous, pauvres lecteurs, sommes condamnés à payer notre plaisir par quelques heures de veille tardive et de lendemains au lever difficile. Mais quel plaisir !
J’ai adoré ce personnage de Robert Miller. Je sais que ce n’est pas le style d’Ellory de suivre un personnage récurrent mais personnellement, j’aimerais bien suivre, encore, une enquête ou deux de ce policier taciturne. Et pourquoi pas, aussi, suivre les développements amoureux possibles avec la belle légiste Marilyn Hemmings. L’homme est attachant et en plus, il démontre, malgré l’énormité de ses problèmes, un sens de l’humour caustique et décapant. En réplique à l’un de ses policiers qui s’informe si il est rentré chez lui, la veille, il répond: «J’ai simplement envoyé mon corps. Je suis resté ici pour essayer d’y comprendre quelque chose et j’ai envoyé mon corps à la maison, sans moi.»
Quelques phrases clés pour illustrer le style direct et tranchant comme une lame aiguisée de R. J. Ellory !
«Parmi toutes les organisations internationales, l’Église catholique est la plus riche et la CIA, la plus puissante. Quant à savoir laquelle, des deux, est la plus corrompue, le débat reste toujours ouvert.»
«C’est à partir de là que tout est devenu personnel: alors qu’avant je pouvais laisser les morts là où ils étaient tombés, après cette nuit-là ils ont commencé à me suivre partout.»
«Une gamine de 9 ans passée directement de pas grand chose à rien du tout.»
«Je les ai vus, leurs pères: tous des hommes puissants avec des yeux qui ont trop vu mais pas assez compris.»
«Les Anonymes» répond aux attentes que commencent à manifester les amateurs de plus en plus nombreux de Ellory. «Seul le silence» nous a révélé un auteur extraordinaire, «Vendetta» nous l’avait confirmé et «Les Anonymes» continuent cette lignée d’excellents polars.
Il ne me reste qu’une question:
Comment fera-t-il maintenant, pour nous surprendre et nous captiver dans son prochain roman ? Aura-t-il le souffle nécessaire pour soutenir notre intérêt ?
Personnellement, j’espère que oui. Et je nous le souhaite grandement !
Bonne lecture !
Les Anonymes
R. J. Ellory
Livre de poche
2012
732 pages