16 Mai 2012
Et voilà ! Un quatrième roman de R. J. Ellory en quatre ans! Encore une fois, cet auteur nous emporte dans un monde qui ne ressemble pas du tout aux trois premiers romans. Cependant, une constante s’y retrouve: R. J. Ellory est un véritable explorateur du cerveau humain.
Avec une précision de chirurgien, il manie le scalpel psychologique pour nous faire visiter les méandres du cerveau humain. Comme dans un vaisseau microscopique, il nous transporte au coeur même des hémisphères cérébraux pour y découvrir la genèse des comportements humains. À partir de quels synapses ou dans quelle partie de la matière grise, l’homme puise-t-il ses motivations pour dévier des voies normales ou devenir ce qu’il est, bon ou méchant.
Que ce soit le romancier vengeur de «Seul le silence», le kidnappeur maffieux de «Vendetta» ou l’espion international dans «Les anonymes», Ellory est passé maître de la description sordide du mauvais côté de la nature humaine; celui qui porte à dévier des voies légales, à faire le mal ou à tuer tout simplement, juste pour le plaisir.
«Les anges de New York» est une brigade spéciale des années 1980 qui a aidé à assainir le climat meurtrier de New York: une super police adulée, portée aux nues, chacun de ses membres étant des héros aux exploits presque mythiques. Pour tout le monde, sauf pour Frank, le fils d’un de ces policiers, John Parrish, un justicier sans peur et sans reproche. Sans reproche ? Frank Parrish est convaincu du contraire. Tous admire son père, mais pas lui.
Frank Parrish se voit confier l’enquête sur le meurtre d’une jeune adolescente. Certains indices l’amènent vers une horreur plus grande qu’il n’y parait à première vue: cette jeune fille semblait mener une vie exemplaire, toujours habillée sagement, jamais maquillée. Et là, on la retrouve morte, avec des vêtements extravagants, maquillée et avec du rouge sur les ongles.
À la recherche d’indices pouvant le mener aux éventuels meurtriers, il découvre que cette jeune adolescente a été adoptée. Une recherche dans les tiroirs des meurtres non résolus lui fait découvrir certains cas similaires de jeunes filles ayant passé par les services sociaux d’adoption. Commence alors une enquête que Frank Parrish conduira contre vents et marées, à l’encontre de toute logique et en se permettant tous les gestes, légaux ou ... illégaux.
Est-ce que le jugement et les intuitions de cet inspecteur l’amèneront vers la résolution de ces meurtres? Ou, peut-on se demander si les problèmes familiaux, avec sa fille, son ex-épouse et avec le fantôme de son père, ont pu altérer son jugement ? Pour un amateur de romans noirs, doublé d’un passionné du développement psychologique des personnages, les nombreuses séances de thérapie avec la psychiatre, sont des petits moments de jouissance littéraire (Les six pages du magnifique chapitre 62 en sont une preuve extraordinaire ...). Les relations évoluent, les personnages se complexifient, les situations s’alambiquent et, en bout de piste, le lecteur apprécie.
Frank Parrish est un personnage attachant, marqué par la vie et ayant beaucoup de problèmes au niveau relationnel. Alcoolique (ou presque), il fait le vide autour de lui par ses réactions hors de proportion et ses méthodes questionnables. Ses relations avec la bouteille ne sont pas plus réussies. « ... Frank se traîne lamentablement après trois jours à picoler. Trop de Bushmills et il est malade comme un chien. Pas assez de sang irlandais en lui pour résister à un tel assaut.»
Voilà la grande force d’Ellory ! Il réussit à nous mener en bateau durant plus de 500 pages en nous faisant une visite guidée dans les cerveaux de ses personnages, en nous dressant un tableau complet de leurs situations personnelles et familiales. Il ajoute a tout cela une enquête complexe, remplie d’interrogations et parfois de réponses. Puis finalement, il nous fait apprécier ses personnages, quel que soit le côté du miroir où ils se cachent.
Une seule réserve, malgré mon admiration pour R. J. Ellory ! J’aimerais une finale un peu plus explosive, moins simplette, plus à la mesure du talent de l’auteur. Mais je ne bouderais pas mon plaisir de lire à cause de cette petite faiblesse ... vite oubliée.
Inutile de vous dire que je vous le recommande !
Et même, je vous invite tous à venir le rencontrer aux Printemps meurtriers de Knowlton de la semaine prochaine (18, 19 et 20 mai) où il sera un invité d’honneur.
Voici quelques extraits à déguster avant de lire ce roman:
« Eh bien, c’est très simple. J’ai l’air d’un loser agressif, déglingué, alcoolique, avec une vingtaine d’années au compteur ... et vous pouvez ajouter à ce mélange explosif mon dangereux manque d’estime de soi et mon goût pour les femmes faciles et le whisky hors de prix, et vous vous retrouverez avec quelqu’un à qui vous ne voulez pas vous frotter. Et comme j’ai dit, même si ce n’est qu’une apparence, je crois que vous allez découvrir que c’est exactement qui je suis.»
« ... Ce qui signifie que les ex-junkies sont très rares. Quand ils sont ex, c’est généralement qu’ils sont morts.»
« Une fois de plus, Parrish traquait des ombres vagues et indistinctes, tentant de lire des signes quand il n’y en avait aucun.»
« Ne me prenez pas pour une conne, inspecteur ... Ne venez pas me pisser dessus en me disant qu’il pleut, OK?»
Et une dernière citation qui résume très bien le personnage de Frank Parrish.
«Ce n’est qu’en atteignant son appartement qu’il comprit ce qu’il ferait, pourquoi il le ferait, et ce qui se produirait s’il le faisait. Ou, plus précisément, ce qui se produirait s’il ne le faisait pas. Il ne serait plus capable de se regarder en face. Et vu qu’il vivait seul, il ne lui resterait pas grand monde à regarder.»
Bonne lecture !
Les anges de New York
R. J. Ellory
Sonatines
2012
551 pages
Le lien vers la programmation des Printemps meurtriers où vous pourrez rencontrer R. J. Ellory et faire dédicacer ses romans !!!
Pour lire la chronique de mon amie Morgane sur "Les anges de New York" sur Carnets Noirs