21 Novembre 2011
Comme lecteur de polars et de romans noirs, on me demande souvent quelle est la différence entre ces deux genres. Et j’ai toujours une certaine difficulté à cerner les différences car les ressemblances sont souvent trompeuses. En apparence, je crois sincèrement que ces distinctions demeurent de la rhétorique et que le principal, c’est de chercher son plaisir ... de lire, là où il se trouve.
Cependant, à la lecture de la superbe bande dessinée «Le temps de vivre» de Séra et Piatzszek, vous allez retrouver tous les ingrédients pour bien cerner ce qu’est un roman noir. Jusqu’à la prochaine lecture, où vos certitudes sémantiques seront ébranlées par un autre roman ou une autre définition...
Toutefois, ceci n’est pas mon propos car je voudrais vous présenter une superbe bande dessinée, avec une histoire fort complexe, des personnages énigmatiques et une atmosphère glauque.
L’histoire est bonne, bien racontée et souvent, elle se cache dans l’illustration. Un dialogue minimaliste, peu de mots mais une image qui parle, qui crie, qui souffre et qui parfois, meurt.
Oui, la grande qualité de cet album, c’est le traitement de l’illustration. Mais le récit est fort, puissant, sans concession et même presqu’inhumain. Pas de sentimentalité, peu d’émotion mais une violence physique et psychologique qui traverse l’histoire et l’illustration.
L’action se passe dans un quartier où un caïd règne en roi et maitre sur les cabarets, les bordels et la rue. Boisson, drogue et prostitution font l’économie du quartier. Un autre caïd, plus jeune et peut-être plus violent, veut mettre la main (celle qui tient le fusil) sur ce territoire. Commence alors une guerre, une sale guerre de rue où la seule règle est de rester en vie. Au détriment de tout !
Mais le territoire n’est pas le seul enjeu. Une femme ! Ancienne prostituée maintenant tenancière de bar, d’un bar qui appartient à celui qui gagnera la guerre.
Est-ce que le rêve peut exister dans ces rues ? Peut-on encore croire à l’amour, à une vie, plus loin, là où il fait soleil ?
Vous vous doutez bien que j’ai aimé ma lecture. Et moi, qui est souvent dyslexique en lecture de bandes dessinées, je me suis vautré dans les illustrations ... à en oublier le texte. Les images parlent tellement que le texte devient presque superflu. Le dessin de Séra est tout à fait extraordinaire: peu de couleurs, des nuances qui donnent une ambiance incomparable et un réalisme, une teinte absolument envoutante. On reste figé à admirer chacune de ces cases. Le climat de chaque peinture (j’allais dire oeuvre ... bien ... je le dis !) nous hypnotise. Le portrait de Mona, à la page 20 est absolument fascinant. Messieurs vous serez envoutés!
Je vous recommande grandement cet album.
Mais pour terminer, j’aimerais vous laisser avec ce quatrain de Boris Vian que l’auteur a choisi pour amorcer l’album.
"Le temps de rire aux assassins
Le temps d’atteindre l’autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre."
Bonne lecture ... des mots et des images.
Le temps de vivre
Un récit de Piatzszek
Dessin et couleur de Séra
Futuropolis
2011
124 pages