9 Février 2011
Le monde de la littérature est un domaine fascinant et les auteurs qui le peuplent possèdent le pouvoir extraordinaire de nous surprendre par leur créativité
et leur imaginaire. Et j’imagine, parce que cela m’arrive souvent devant cette page blanche qui revient si souvent, j’imagine qu’il devient de plus en plus difficile de désarçonner le
lecteur, de lui donner autre chose qu’un récit mille fois remâché avec une structure tout aussi connue que la recette de l’eau bouillante.
José Noce (voir sa biographie sur le site de la maison d’édition) :
a réussi le défi ! «Le monde est un bousillage» n’est pas un roman typique et il plaira à tous ceux qui ne recherchent pas
une recette connue, qui aiment sortir des sentiers battus et qui acceptent l’originalité et l’imagination déconcertante de l’auteur.
Le roman commence par un prologue. Attention, très déconcertant !
Des souvenirs ! Des mots ! De la poésie ! Quelques incohérences ! Et des phrases «coup de poing» qui donnent le ton au roman:
Le personnage principal était «enseigneur de français moderne».
Il réside depuis quelques temps dans un asile : «Ici c’est le pavillon des débiles.»
On lui a remis des lectures ... «Voilà cahier c’est le vrai début ici. C’est quand je reviens vers moi doucement.»
«À la fin, maintenant, je dirais que j’ai été mort. Parce que je crois que j’ai un peu tué des gens peut-être.»
« Dans ses yeux je vois du chagrin content.»
Et voilà, la table est mise pour une lecture qui va vous chambouler et vous séduire en même temps.
Ludo Tana est professeur de français et a la malheureuse tendance à tomber facilement en amour. Une étudiante le hante, il succombe ... presque et
retrouve sur son chemin, l’oncle de la belle, Raymond Lopes, flic de son état et membre d’une secte particulière, la C.C.S.M. qui élimine de la terre les personnes qui ne méritent pas de vivre.
Pour se faire pardonner, Ludo devra éliminer sept personnes, sept crapules que la Justice a laissé en liberté.
Placé en institution après ce périple meurtrier, il a perdu la mémoire de sa vie, des événements et des mots pour le dire.
Et alors, en alternant les chapitres, on découvre chacun des actes de son mandat de justicier et son travail pour retrouver la mémoire à travers ses
propres écrits et ses conversations avec «l’asticot», «le monsieur qui me parle parfois dans ma tête».
Je vous avoue franchement qu’à la lecture du prologue, j’ai presque mis en pratique la règle numéro 3 des droits du lecteur de Daniel Pennac: le droit de ne pas finir un livre.
Mais attention, lecteur, la suite de ce prologue est tout simplement fascinant. Je vous le dis, quelques pages de persévérance et par la suite,
quand vous aurez terminé le livre, à bout de souffle, vous reviendrez à ce fameux chapitre, ce très énigmatigue prologue et vous le relirez avec un plaisir coupable.
Je ne connaissais pas José Noce mais je vais sûrement me procurer un de ses premiers romans ... Et en plus, il semble apprécier le Québec; il cite
Gaston Miron, il situe un de ses actes de justicier à Montréal et en parle sans cliché ... (à part un sacre !!!).
Chers lecteurs et lectrices, vous savez combien j’apprécie les auteurs qui ont du style. Et bien, j’ai été servi avec cet écrivain. Voici quelques
exemples de cette poésie crue et dure mais tellement belle:
« ... une effigie vivante du raffinement libidinal.»
«Je suis dans la rata à cinq balles, j’y pige que dalle ... je ressens comme un vide sidéral.»
«Sur des machineries sadiques qui vous propulsent en postures kamasoutresques dézennisées à la limite des possibles.»
Et la superbe: «La mer, en contrebas, absolvait à coups de langue opalescente les fessées jaune paille de la massue
solaire.»
Quelques références culturelles:
«Le Massacre du printemps»
« ... tout est calme, luxe et volubilité.»
Et un petit clin d’oeil à l’auteur de ce blogue? (là, je prends mes désirs pour des réalités ...) : « ... je me retrouve avec un énorme
flingue en pogne, comme dans les polars en noir et blanc d’antan.»
Alors, n’hésitez pas à vous procurer «Le monde est un bousillage».
Tout d’abord parce que c’est un excellent roman et ensuite, parce que la maison d’édition Krakoen mérite grandement d’être encouragée pour
l’intrépidité et l’audace de ses publications. Sortir des sentiers battus n’est jamais le chemin le plus facile. Mais il est souvent le plus valorisant.
Votre librairie ne propose pas les titres, alors insistez ! Vous ne le regretterez pas ... et lui, non plus.
Une petite visite sur le site personnel de Joé Noce vous en apprendra plus sur cet auteur qui est
aussi un artiste de talent
Au plaisir de la lecture.
Le monde est un bousillage
José Noce
Éditions Krakoen
2010
255 pages