30 Juin 2011
Il y a à peine un mois, je ne connaissais pas «Le chat du rabbin» et pour vous le dire très franchement, je m’en fichais, un peu !!! Par contre, j’avais aimé
chaque illustration de Joann Sfar dans la série «Donjon», un véritable plaisir jubilatoire ! Puis, au détour d’un blogue (je m’excuse auprès de ce blogueur, j’ai oublié
sur quel site j’ai fait cette découverte), je me suis laissé tenter par les aventures de ce chat ... atypique.
(Et bien voilà, pendant la relecture de mon texte, je viens de me rappeler: c’est chez mon amie Constance que
j’ai eu la chance de lire une chronique fort élogieuse sur cette série ! Merci Constance ! Je vais donc mettre le lien vers son article à la fin de ma chronique.)
Je me suis procuré l’intégrale des cinq albums ( J’ai oublié le nom du blogue mais comme vous voyez, je lui faisais confiance ...) et je me suis
laissé emporter par ce chat impertinent, bavard, philosophe, fidèle et tout simplement adorable.
Il faut dire au départ que les cinq albums ont une histoire suivie ... Il faut donc les lire une à la suite de l’autre. Deuxièmement, si vous n’avez
jamais entendu parler de ce drôle de chat, je crois qu’on en parlera de plus en plus: un film d’animation est présentement sur les écrans européens (au Québec ?? Je ne le sais pas
!).
Allons donc pour un bref résumé de l’histoire. Le chat vit en toute quiétude (ou presque, si ce n’était de ce fichu perroquet qui parle tout le
temps ...et qui n’a rien à dire) dans la maison du Rabbin et il est en amour avec la fille du Rabbin, sa maîtresse Zlabya. Nous voilà donc dans la maison d’un Rabbin sympathique et un peu
rétrograde qui vit avec sa fille, dont le nom évoque une pâtisserie au miel, avec un perroquet qui parle pour ne rien dire et avec un chat qui a des tas de choses à raconter mais qui ne possède
que la faculté de penser ... et de miauler !
À bout de résistance, le chat mange le perroquet bavard et acquiert finalement le don de la parole ... mais au grand dam du Rabbin, il ne dit que
des mensonges ! Alors, commence son éducation: le chat se met à étudier la Torah, le Talmud, la Mishna, sous la férule du très pédagogue Rabbin. Ignorant s’il est un chat juif ou non, mentionnant
au passage qu’il n’est pas circoncis, le chat fait alors la grande demande à son gentil Rabbin: le chat du Rabbin veut faire sa bar-mitsva !
Et commence alors, une série d’aventures passionnantes, drôles et ma foi (!), très instructives qui mettent parfois en opposition le modernisme du
chat et les croyances dépassées de son Rabbin ! Et qui permettent au chat (serait-il parent avec le Chat d’un certain monsieur Philippe ?) de poser un regard philosophique sur le monde dans
lequel il vit.
Un bon matin, le Rabbin reçoit une lettre lui rappelant qu’il doit passer une dictée si’il veut conserver son poste de Rabbin. Alors, "aidé" de son
chat qui lui dicte les mots, il se dévoue à la pratique de cette dictée qui l’angoisse. Puis, un bon matin, un nouveau personnage arrive dans le quartier, un jeune Rabbin français fait son
apparition. Et ce nouveau-venu influencera grandement la vie de notre bon vieux Rabbin, de sa fille et de son chat !
Au fil des pages, vous vivrez donc un mariage, un voyage de noces assez particulier, la découverte de Paris et de ses coutumes (pour un Juif du
Maghreb ...); vous rencontrerez un conteur de légendes et son lion ... et finalement, un peintre russe à la recherche d’un village africain du nom de Jérusalem, habité par des Juifs de race
noire. Vous ferez également des rencontres assez surprenantes, des personnages qui viennent d’un autre imaginaire qui s’immiscent dans le récit pour notre plus grand plaisir: sourires garantis
!
Un pur délice !
J’ai adoré cette histoire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette bande dessinée est fort bien écrite et illustrée; mais surtout, elle transpire
l’intelligence, l’humour subtil et un propos tout en nuances. Le «chat» est un personnage extraordinaire: impertinent comme pas un mais avec une faculté de réflexion assez questionnante. D’une
phrase, il met en perspective une idée reçue ou un préjugé dérangeant. Il pose sur son monde un regard philosophique, en y mettant une touche d’humour mais toujours en confrontant l’humain avec
ses contradictions. Il a d’ailleurs, lui-même, ses propres contradictions ... mais elles sont tellement joyeuses ! Ses sorties nocturnes sont d’ailleurs l’occasion (presque toujours cachée ...)
de mises en pratique de ces curiosités bien humaines.
Le Rabbin, malgré un côté dogmatique, devient rapidement un personnage que l’on apprécie. L’amour de sa fille, son goût pour la bonne chair, ses
réflexions et surtout sa bonne bouille souriante, en font un personnage attachant. Le lecteur assiste avec plaisir à son évolution «forcée» et aux changements qu’il apporte dans sa vie. Il
est Rabbin mais il est aussi un humain ... et un père !
Finalement, la fille du Rabbin est un personnage tout en douceur. Un peu effacée au début, mais les "enseignements" de son chat et la découverte
d’un monde nouveau, feront de Zlabya une femme à la recherche d’elle-même et de sa liberté.
J’aime beaucoup le style de Joann Sfar, ses illustrations riches en couleurs, pleines de détails qui accrochent l’oeil et son humour, tout en
nuances. Au fil des pages, il réussit à nous accrocher un sourire et même, à nous faire rire. L’auteur donne à son chat toutes les permissions, tous les droits de nous révéler ses pensées sur la
vie, les religions, le modernisme, l’amour, l’amitié, la politique et tout ce qui peut enrichir son récit. On se laisse porter par l’histoire, on suit les personnages, leurs actions et leurs
pensées avec plaisir, on découvre un monde fascinant et surtout, on assiste à la réalisation des rêves de personnages attachants avec qui on aimerait être amis.
Il est très difficile de citer des extraits de bandes dessinées. Mais je me permets de rapporter la dernière phrase du 5e album, une très belle
phrase qui, selon moi, résume très bien la philosophie de création de Joann Sfar:
«Raconter les choses comme elles sont, c’est pas mon travail.»
Bonne lecture !
Le chat du Rabbin
L’intégrale des 5 albums
Texte et illustration: Joann Sfar
Dargaud
2010
288 pages
P. S. L’auteur nous laisse avec cette remarque à la fin du 5e tome: «Le félin et Zlabya reviendront bientôt dans une tragédie érotique
intitulée "Tu n’avais pas d’autre Dieu que moi."» Quelqu’un sait si cet album a été réalisé ?
Un petit tour sur le blogue de Constance: http://petiteslecturesentreamis.wordpress.com/2011/06/18/le-chat-du-rabbin-de-joann-sfar-lintegrale/
Le site de l'auteur: http://www.joann-sfar.com/