11 Avril 2012
En allant en Juin 2011 au salon de Saint Maur des Fossés, dans la banlieue parisienne, j’ai fait une rare échappée en solitaire, m’éloignant de mon quotidien habituel. A vrai dire un peu stressée, seule et loin de ma vie de provinciale, je n’avais pas encore conscience que cette journée serait importante !
J’arrive à l’ouverture du salon. Seuls quelques auteurs commencent à s’installer, les derniers préparatifs des organisateurs… Je surmonte ma timidité et m’engage dans la première allée, où une seule auteure finit de s’installer.
C’est la toute première personne que j’aborde : Laura Sadowski. Je passe et sans rien dire je m’arrête. Et de suite Laura engage la conversation avec moi, chaleureuse, ouverte, généreuse. C’est moi qui vient à la rencontre d’auteurs et c’est elle qui m’interpelle, me pose des questions, illumine ce début de journée et m’accroche par son entrain et me présente son travail.
Je découvre que Laura Sadowski est avocate de métier et qu’elle est la première en France à revisiter le thriller judiciaire, à la française.
Enfin, du nouveau, français, travail basé sur un système judiciaire propre à notre pays, loin des stéréotypes américains que chacun de nous connait par l’intermédiaire d’une profusion de séries américaines envahissant notre espace audiovisuel.
Je venais en fait rencontrer pour mon tout premier salon du livre, un auteur français que j’admire, et qui m’a ouvert les yeux sur l’existence d’un réel potentiel en matière de polars et thrillers français : Frank Thilliez. Mais je découvre l’existence d’une pluralité d’auteurs sympathiques, dont Laura Sadowski.
Elle est auteure de 4 romans :
"L’affaire Clémence Lange"
"L’origine du sexe"
"La peur elle-même"
"La géométrie du tueur"
Je choisis de découvrir son tout premier roman «L’affaire Clémence Lange» et son dernier «La géométrie du tueur».
Je commence donc ma découverte du style Laura Sadowski par son premier roman «L’affaire Clémence Lange».
Je vous résume l’histoire :
Maître Nicolas Kléber, avocat d’affaire, doit quitter ses bureaux, le soir du réveillon du nouvel an, pour retrouver à Chamonix, la créature de rêve qui partage avec lui, une vie luxueuse sans failles et sans problème. Si, petit problème : déjà dans sa tête projeté dans le futur proche d’un moment de plaisirs et de luxe dans une station huppée, il doit se rendre à la prison de Fleury Mérogis, subir les embouteillages, pour une simple formalité. C’est une double contrainte pour lui. Lui, avocat d’affaires ne traite pas ce genre d’affaires ! Il ne fait que rendre service à son associée, se trouvant dans l’incapacité de s’y rendre. De plus il devra retarder le départ de l’hélicoptère pour Chamonix. Une de ses clientes, condamnée à 15 ans de réclusion pour le meurtre de son amant, passe en conseil de discipline (c’est la deuxième fois qu’il est sollicité pour cette cliente, car il a déjà dû la défendre pour son procès).
Simple formalité qui ne devrait le retarder que de quelques heures. Erreur, Monsieur l’avocat ! Clémence Lange qui se dit totalement innocente, pense que son avocat a traité son procès avec négligence, sans investissement, sans approfondissement de l’affaire, avec légèreté et désinvolture.
Elle compte bien régler ses comptes avec lui, et le séquestre au sein même de la prison. A vous de le découvrir, comme moi, par quel procédé !
Un bien long weekend de fête que devra subir son avocat, dans un climat d’oppression, qui va vous saisir complètement.
Impossible d’interrompre la lecture, captivée immédiatement, vous ressentez vous-même la pression de la séquestration.
En fait, c’est vous, lecteurs, que Laura Sadowski séquestre ! Vous vous retrouvez prisonnier du livre !
L’histoire se déroule sur 3 jours, un long weekend de la Saint Sylvestre. C’est exactement le temps que j’ai accordé à la lecture du roman. J’ai tout laissé tomber, captive de ma lecture, durant la confrontation entre les deux antagonistes. Je me suis octroyée des moments de pause, pour reprendre le cours de ma vie, et souffler un peu. Ce sont des moments très précis dans le déroulement de l’histoire. Durant les face à face entre l’accusé et l’avocat, vous retenez votre souffle, impossible d’interrompre la lecture. Clémence quitte régulièrement Maître Kléber pour retrouver son quotidien de prisonnière sans soulever le doute des geôliers. Elle laisse l’avocat face à lui-même et ses angoisses, la peur d’une issue fatale. Moments forts de remise en question pour Nicolas Kléber. J’en profitais aussi pour souffler un peu.
Mais vous lecteurs, vous êtes captifs !
Personnellement, je me sentais complètement dans l’histoire, dans cette cellule, en témoin invisible, prisonnière, et incapable d’intervenir ! Situation complètement oppressante !
Un véritable envoûtement !
Félicitations à l’auteure ! Un premier roman, qui ne fait qu’entrevoir, les qualités de Laura Sadowski.
J’ai trouvé dans ce roman un parfait équilibre sur toutes les dimensions : la taille du roman, la durée de l’histoire, le lieu et le temps, les personnages, le tout mené avec brio et intelligence, dans un style clair et limpide, empreint d’un certain classicisme, mais rondement mené.
Ce roman est un petit concentré d’outils pour explorer la complexité du cerveau humain, la fragilité et la force qui peuvent alterner en chacun de nous, dans un espace temps et lieu réduit. La capacité de rebondissement dans une problématique de situation peut mettre l’homme mis à mal, dans l’obligation de réagir et de s’adapter rapidement.
Certains lecteurs pourraient être déstabilisés dans un premier temps par la partie purement judiciaire. Pour ma part j’ai trouvé intéressant de découvrir le mécanisme de la lourde machine judiciaire, le pourquoi, le comment que nous ignorons et son labyrinthe de secrets. Cette partie permet d’assimiler tous les rouages de la mécanique complexe, et surtout de se défaire d’une image erronée de la justice. La banalisation journalistique et la médiatisation artificielle par l’intermédiaire des séries américaines, VOUS OUBLIEZ !
J’ai partagé le plaisir de cette découverte avec mon entourage proche. Chaque fois, la même sensation oppressante, le même sentiment de captivité. Parfois certains sont un peu déroutés par le côté très technique du langage purement judiciaire, mais on l’apprivoise rapidement et à la fin, tension jusqu’à la dernière page, et …un grand Wouahhh !
De soulagement ? L’effet d’une grande claque ? L’étonnement ?
Je ne dirai rien !
Allez vite découvrir «L’Affaire Clémence Lange» de Laura Sadowski.
Un petit avant goût ?
«Cette pièce est mon royaume, Maître, rétorqua-t-elle en désignant la pièce d’un geste large des bras. Ici, j’ai tous les droits. Je suis votre geôlière, votre juge, votre avocat, votre infirmière, votre pire ennemie ou votre meilleure amie. C’est à vous de décider.»
«Tant de sentiments le submergeaient en ce moment, le remords, la stupéfaction, la peur, la colère… C’était à peine s’il parvenait à respirer »
«C’était à présent l’épouvante qui dominait en lui, la terreur de devoir payer son incompétence. »
Cette chronique a été écrite par Christine Roy, fidèle lectrice de "Polar, noir et blanc".
L’affaire Clémence Lange
Laura Sadowski
Odile Jacob
286 pages
2009