7 Août 2011
Qu’est-ce que «La zygène de la filipendule» ? Voilà la première question que l’on se pose quand on tient cet objet dans nos
mains pour la première fois. Et je vous le dis franchement, après avoir lu l’objet, et bien on s’en fout royalement. On a sourit, on a rit, on s’est bidonné, on a eu des purs moments de plaisir
de lecture ... et on se rappelle vaguement, parce que l’auteur nous le révèle quelque part dans son roman, ce qu’est une zygène de la filipendule. N’allez pas dans le dictionnaire !! Non non !!
Laissez le plaisir vous envahir et en patientant un peu (vous verrez le temps passe à vite à lire ce roman), Ricardo Salvador vous fera lui-même cette révélation.
Vous connaissez Ricardo Salvador ? Moi, je ne le connaissais pas. Aujourd’hui, après ma lecture, j’aimerais
bien le rencontrer. Il me semble que partager une bonne bouteille avec ce poète du règne animal, cet iconoclaste du genre policier, ce romancier qui ne sait même pas qu’il existe des sentiers
battus, ça doit pas être désagréable.
Je vous invite donc à le rencontrer sur le site de sa maison d’édition où on nous le présente bien mieux
que je pourrais le faire. Et n’oubliez pas de revenir lire ma chronique ... !!! Promis !!! Si non, je ne vous donne pas l’adresse !!!
http://www.kykloseditions.com/ricardo_salvador.html
Bon normalement, à ce moment, le blogueur expérimenté que je suis, vous raconte, à sa façon, l’histoire, le
récit qu’il vient de lire. Mais après avoir lu un livre comme celui-ci, on ne peut pas faire quelque choses qui ressemble trop à des conventions écrites ou non. Alors, je vais vous présenter la
galerie de personnages.
Tout d’abord, puisque «La zygène ...» est un roman policier, voici donc «le»
policier: le commissaire Jules Maigret. Non non, pas le faux, inventé par un certain Georges Simenon. Ce Jules Maigret est le vrai. Il porte un drôle de chapeau, il fume la pipe et à chaque
lundi, sa douce moitié lui prépare son plat préféré, la blanquette de veau. Il possède un sens de la déduction à toute épreuve qu’il farcit d’un peu d’humour pour alléger les situations pouvant
être dramatiques.
«Le commissaire s’était toujours demandé comment son concurrent, l’autre là ... le Maigret des
romans policiers, le faux Maigret, avait pu s’arranger pour que sa femme lui fiche la paix et le laisse fumer la pipe chez lui. Invraisemblable. Impensable. Voilà ce qu’il reprochait en deux mots
aux polars, le manque de crédibilité.»
Son adjoint l’ineffable Lucas possède l’intelligence et la verve de son collègue sicilien, Catarella,
ci-devant fidèle collaborateur de Montalbano. Ses répliques et son esprit d’analyse font la joie ... des lecteurs. Maigret l’aime bien pour sa fidélité.
Albert-Albert est le personnage central de ce roman; il partage le haut de l’affiche avec le commissaire.
Intelligent, perspicace, amateur d’art, ayant un succès fou auprès des femmes, ce personnage «transcende» le roman ! Ah oui, j’oubliais, Albert-Albert est un orang-outan !
Nestor et Pollux sont jumeaux. Nestor est l’homme à tout faire dans ce jardin zoologique où se passe une
série de meurtres ... un peu bizarres. Pollux a une aversion viscérale ... le travail ! Pollux, genre athlétique, plaît aux femmes; Nestor, plus ordinaire et rondouillet, plaît aux animaux
(Attention aux esprits tortueux !!!).
La belle Nathalie qui avec son "décolleté abyssal ne laissait même plus la place aux
conjectures", amoureuse de Pollux, gère avec efficacité une galerie d'art très rentable.
Ginette, la caissière «momifiée dont l’âge avancé faisait passer Mathsalem pour un morveux à peine
déniaisé ...» et Joséphine Bontédivine, la femme de ménage adepte de culture vaudoo.
Pour gérer ce jardin zoologoque (communément appelé le zoo) deux personnages:
monsieur Laventure, gestionnaire centré sur la mission et la boisson et son adjoint monsieur Laigle,
administrateur chevronné prônant la «rétro-gestion humaine», théorie économique bien particulier: couper les salaires de moitié pour voir quels sont les employés vraiment motivés.
Voici avec sa valise remplie d’instruments sophistiqués, le docteur Égoïne (??), évidemment, médecin
légiste.
Et tout autour de ce zoo animal ... et humain, une série de personnages politiquement impliqués dans un
projet de développement impliquant la mort du zoo:
Et voilà, avec cette galerie de personnages, la table est mise pour une joyeuse visite dans l’univers
déjanté de Ricardo Salvador où non seulement les humains sont suspectés mais aussi certains animaux ... qui pourraient être assez intelligents pour se défendre ???
Et là, nous prenons plaisir à suivre le bon commissaire Maigret dans ses réflexions, ses interrogatoires
plus ou moins serrées, ses déductions qui étonnent et ses questions, parfois un peu hors contexte. Malgré cette apparente inefficacité, au fur et à mesure de l’enquête, on sent son expérience,
son savoir-faire et son intelligence logique. Quel plaisir de suivre ce personnage aussi sympathique que son célèbre homonyme !!!
Je l’avoue, j’ai été séduit par le style festif de l’auteur. Malgré la loufoquerie de certaines situations,
malgré certaines incongruités, on se laisse porter par l’histoire, on y croit et on apprécie. Et chaque page nous apporte son lot de sourires et de rires qui fait que le temps de lecture passe
aussi vite que la course du très rapide «Geococcyx californianus», bien connu sous le nom de Grand Géocoucou !
Sans vous révéler le dénouement de cette enquête rocambolesque, je me permets de mentionner que la fin est
toute aussi folle que le reste du roman. Je vous avertis amicalement, dès votre arrivée aux dernières pages du roman, munissez-vous d’un masque pour cacher l’air niais de douce béatitude qui
devrait envahir votre visage de lecteur comblé.
Et pour vous faire plaisir et surtout pour me permettre de relire certains passages (quel égoïsme !), je
vous laisse avec quelques extraits :
« À côté de lui, Hannibal Lecter fait figure d’aimable plaisantin et Jack l’éventreur passerait
pour un désoeuvré dépressif.»
« C’est la première fois que je vois des religieux habillés en kaki, armés de Kalachnikov, et avec
des cheveux aussi longs, mais je dois avouer que leurs prêches y gagnent beaucoup en efficacité.»
« Vous connaissez le dicton du quai des Orfèvres: «Faute de grives coupables on se tape des merles
innocents».»
« Vous vous répétez, Sigisbert. Ceci dit, c’est ce que vous faites de mieux ... Surtout quand vous
ne dites rien.»
Et un dialogue ... savoureux ... :
«- Bah ! je viens de lire un rapport d’un confrère américain, ils viennent de coincer un tueur en
série qui cuisinait les parties intimes au court-bouillon...
Au court-bouillon ?
Oui ! Avec thym, laurier, estragon ...
L’air dégouté, le commissaire fit un geste pour faire taire Égoïne.
C’est écoeurant !
Je vous l’accorde, moi, je n’aurais pas mis d’estragon, à mon avis un oignon piqué au clou de
girofle aurait été mieux adapté.
Vous êtes vraiment un type répugnant, toubib !
je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de répugnant à préférer l’oignon à l’estragon,
commissaire.»
Et une petite dernière, pour vous graisser le gosier: « ... et la virginité est devenue une notion
n’ayant guère plus cours que chez les fabricants d’huile d’olive.»
«La zygène de la filipendule» est un gentil remède qui adoucit la morosité
actuelle.
Bonne lecture !
La zygène de la filipendule
Ricardo Salvador
Kyklos Éditions
2011
490 pages
S. Ah oui !! «La zygène de la filipendule» ... ? Et bien soyez patients,
l’auteur en parle à la page 199 !!!!
La 4e de couverture animée: