12 Septembre 2010
Quand Robert Soulières (ami de longue date ...) m’a envoyé ce petit livre, il ne m’a même pas demandé d’en faire une chronique. Comme il me l’avait écrit sur un
petit post-it, «Juste pour le plaisir».
Et bien du plaisir de lire, j’en ai eu. Des émotions aussi. Surtout, de grandes émotions. Une agréable surprise et une découverte fascinante. «La vie en
rouge» est un pur moment de bonheur littéraire et une histoire bouleversante qui m’a jeté par terre (et à 100 kilos, il faut le faire !). Et voilà, je devais vous en parler, vous
faire connaître ce tout petit roman, ce concentré du drame d’une vie, ce texte générateur d’émotions à fleur de peau.
Je ne connais pas du tout la genèse de ce livre, comment il s’est retrouvé, publié dans une maison québécoise (peut-être que l’éditeur m’en fera part, me racontera
cette histoire ...et je vous la raconterai sûrement !). Vincent Ouattara est né et vit toujours au Burkina Faso. Présentement, il enseigne à l’Université libre du Burkina. Après son roman
«Aurore des accusés et des accusateurs» et la publication de quelques essais sur l’Afrique, il écrit ce premier texte pour la jeunesse où il donne la parole à une
femme.
L’histoire est troublante. Une vieille (?) femme africaine (55 ans ...) rencontre un homme pour lui «lire le livre de ma mémoire». Elle n’a
qu’un but c’est que «l’homme de plume» raconte ses souffrances. «Apprends au monde mes déboires de femme pour que je sois comprise et aimée, pour que mes soeurs ne
connaissent pas la vie que j’ai vécue. Je veux aussi que Dieu m’entende.»
Son récit est touchant, passionnant. De sa naissance jusqu’à son arrivée à l’âge vénérable, elle nous raconte avec intensité, tous les événements qui ont fait
d’elle ce qu’elle est, aujourd’hui et qui marquent encore, certaines parties de l’Afrique contemporaine. Enfance heureuse puis cérémonie de l’excision qui marque son entrée (souffrante) dans le
monde des adultes, apprentissage de la soumission, mariage forcé, amour réprimé, relations sexuelles à sens unique, bref un survol fascinant et effrayant de la vie quotidienne d’une
Africaine.
Et tout au long de cette vie, elle sera la victime de ce combat quotidien entre les règles de sa société archaïque, son attachement à sa famille et son désir
de vivre sa vie de femme libre et autonome. «Je menais une lutte intérieure avec les deux êtres invisibles qui guident notre vie: l’Être de révolte et l’Être de
soumission.»
Même si chacun de ces événements nous ont maintes fois été racontés, l’intensité dramatique du récit nous accroche, nous émeut et nous questionne. L’auteur a su
exprimer toute la sensibilité, tout le désarroi, toute la souffrance de ce personnage. Heureusement, à certains moments, malgré les horreurs vécues, il réussit à faire pointer l’espoir
d’une vie meilleure, d’un monde où l’amour prime sur les traditions, où la femme a droit au contrôle de son corps, de son coeur, de son âme et de toute sa vie.
Ce roman a été écrit pour les jeunes de 15 ans et plus. Et bien, quel que soit l’âge que vous avez ou que vous avouez, si vous avez plus de 15 ans, il faut vous
procurer ce livre et vous en abreuver. Vous y retrouverez un personnage extraordinaire qui vous fera vivre des moments d’émotions et de sensibilité, moments qui donnent tout son sens au mot
«lecture», ce contact privilégié entre une histoire, un personnage et un lecteur.
Juste un petit mot pour souligner la très belle couverture de ce livre. Ce regard, surplombant ce paysage africain exprime la douleur mais aussi l'espoir, comme un
lever de soleil au-dessus de ces montagnes qui vient éclairer ces plaines arides.
Quelques extraits pour vous tremper dans l’atmosphère envoutante de ce roman:
«Je vais te lire le livre de ma mémoire, parce que j’ai décidé de rompre avec le silence dans lequel on m’a enfermée pendant longtemps.»
«D’ailleurs, peu importait ce que je pensais. J’étais née pour me soumettre aux hommes et aux règles de ma société. J’étais née pour être victime de ma
soumission.»
«Nous ressemblions tous les deux à des fleurs de tournesol saluant le soleil levant et venues les retirer de leur long sommeil cauchemardesque durant une
nuit ténébreuse.»
«C’est bien de s’en remettre parfois à Dieu pour se consoler, mais n’oublions pas que Dieu nous a donné des bras, des jambes et une tête, pour ne pas
l’accuser tout le temps de nous avoir abandonnés.»
Bonne lecture ! Et surtout, bonne réflexion !
La vie en rouge
Vincent Ouattara
Soulières éditeur
2008
156 pages