10 Octobre 2012
Attention, coup de coeur !
Et quand je dis «coup de coeur», il faut le prendre dans tous les sens de l’expression. Coup de coeur de lecture ! Coup de coeur de sentiments! Coup de coeur de sensibilité ! Coup de coeur pour cette belle histoire d’amour ! Et enfin coup de coeur pour un polar !
Et oui, si je ne vous le disais pas, vous n’auriez pas su que j’avais écrit pour terminer le paragraphe précédent : « Coup de coeur pour un polar qui n’en est pas un ...! » Je l’ai effacée car la phrase était fausse. Ce que j’ai le goût d’écrire à la place, c’est ceci:
Geneviève Lefebvre donne avec «La vie comme avec toi» une certaine noblesse au polar. Geneviève Lefebvre mêle habilement sentiments, amours et polar pour donner à ses lecteurs, une sensation bien particulière, le sentiment d’avoir vécu un moment de lecture sur le seuil de l’émotion.
En ce qui me concerne, j’ai été ému et touché. Et comme première rencontre avec cette auteure, je peux affirmer sans crainte que c’est le début de quelque chose ... qui devrait durer ... !
Première rencontre également avec son personnage, Antoine Gravel, personnage central de son premier roman «Je compte les morts» et de retour dans ce deuxième livre. Ceux qui ont lu le premier roman, retrouveront sûrement avec plaisir, l’entourage de ce personnage: Lucie, la femme qui partage maintenant sa vie; Laurie, l’adolescente et Tony, le sympathique cochon, animal domestique de la maison.
«La vie comme avec toi» commence à Montréal où Antoine Gravel reçoit la visite de son ami, ex-policier, Martin Desmarais. Desmarais vient d’apprendre qu’il a un fils de 14 ans qui vit en Colombie Britannique et dont la mère, sa maîtresse d’un soir, vient d’être assassinée. Sauvagement ! Antoine Gravel, vivant une situation familiale assez stressante, décide donc de l’accompagner à l’autre bout du pays. Pour supporter son ami ? Ou plutôt pour fuir la maison ?
Pendant ce temps, dans les îles qui longent la côte, une série de meurtres de jeunes Amérindiennes laisse la police de cette province canadienne presqu’indifférente. Le meurtre d’Angie Miller, la mère de Jacob, serait-il lié à cette série de victimes ? Antoine et Martin Desmarais seront donc placés «au coeur» (on ne s’en sort pas ...!) de cette enquête, voulant comprendre comment Angie a été assassiné !
L’enquête se révélera intéressante mais le lecteur est vite happé par l’autre «quête», celle où deux hommes apprennent à la dure leur nouveau métier de père. Cette recherche donne au récit une profondeur émotive et des moments intenses qui ne peuvent que marquer le lecteur. Geneviève Lefebvre a un talent fou pour exprimer les sentiments, faire vibrer ses personnages et choisir les mots, les phrases qui déclineront toutes les gammes des sentiments humains. Tout au long du récit, l’auteure nous présente, avec une certaine forme de rage, le développement de la fibre paternelle de nos deux apprentis.
Enfin, le dénouement de cette histoire, imprévisible et crédible, sait répondre aux attentes des lecteurs les plus exigeants, tout en laissant assez de place pour le questionnement moral et la réflexion personnelle. J’adore cette finale, à la hauteur du récit !
Et ce qui ajoute à la valeur de l’histoire: l’auteure possède une écriture et un style tout à fait particulier. Sa plume, trempée directement à l’encre rouge de ses veines d’écrivaine, nous dessine des images fortes avec des mots aussi crus que l’indécence littéraire le permette. Maintes fois, je suis resté décontenancé par ses mots; j’ai pris quelques jours avant d’écrire cette chronique, avant de dire combien j’ai aimé son écriture ciselée, punchée, crue et tellement belle. J’oserais même dire, surprenante. J’ai aimé cette poésie équarrie à la hache, dure parfois, mais souvent douce, toujours émouvante, comme un sentiment d’un euphorique mal-être.
Les quelques extraits que je vous ferai découvrir, illustreront bien, je l’espère, le talent et le style de Geneviève Lefebvre.
Inutile de vous dire que je vous recommande grandement «La vie comme avec toi». Vous remarquerez comme moi, toute la poésie de ce titre ... Amateurs de polars, de roman procédural ou de thriller haletant, soyez charmés par cette enquête toute en nuances et surtout, par l’expression brute et rêche des sentiments humains. Amateurs de romans psychologiques, ce deuxième roman de Geneviève Lefebvre pourrait être une belle porte d’entrée dans le merveilleux monde du polar.
«La vie comme avec toi» est le roman de la tendresse implicite.
Voici quelques extraits:
« L’ex-enquêteur croit aux faits, le scénariste, au pouvoir de la fiction. Les deux sont en quête de vérité.»
«Angie habite dans une ancestrale roulotte d’aluminium, squattant un carré de plaine défrichée au bout d’une route défoncée qui commence dans l’opulence et se termine dans la déchéance. La seule lumière au bout du tunnel est alimentée par l’essence toujours trop chère d’une génératrice qui produit plus de pollution que d’électricité.»
«Une histoire de cul, c’est comme une femme: si t’as besoin de taper dessus pour prouver que c’est toi le plus fort, c’est que tu n’en étais pas digne.»
«Une histoire, c’est un truc plein de trous, un filet de pêche qui ramasse les évidences, parfois une belle prise, mais jamais toute l’histoire. Jamais.»
«Une lueur d’incompréhension dans ses yeux. Elle est jeune. Elle va être mère et elle ne sait pas encore qu’un enfant qui n’est pas aimé a besoin de coups pour exister. Tout plutôt que l’indifférence.»
« Antoine, c’est pas les coups qui font mal, c’est les caresses que t’as pas eues.»
Bonne lecture !
La vie comme avec toi
Geneviève Lefebvre
Expression noire
Libre Expression
2012
295 pages
Le blogue de Geneviève Lefebvre: "Chroniques blondes"
Sur le site de Libre Expression
Pour bien connaitre Geneviève Lefebvre: un portrait sur «L’avenue du Mont-Royal»
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