19 Novembre 2011
Je viens de découvrir une très bonne auteure de polar. Je connaissais déjà, l’excellente écrivaine qui offrait aux jeunes des romans intelligents, bien écrits, d’une sensibilité hors du commun et avec un très beau style d’écriture. «La troisième lettre» vient de me faire découvrir une auteure capable de mettre son lecteur au centre d’une histoire prenante, au milieu d'un suspense envahissant, de nous présenter des personnages complexes, attachants et crédibles et de nous faire vivre des moments d’émotion et de fébrilité grâce à une histoire finement racontée.
Inutile de vous dire que j’ai aimé «La troisième lettre» de Michèle Marineau et que je vais vous le recommander sans hésitation ! Ce polar psychologique, écrit par une auteure jeunesse reconnue et aimée, est à mettre dans les mains de tout lecteur en mal d’une bonne histoire. Bien racontée ! Bien écrite !
L’histoire n’est pas simple mais le talent de la romancière nous rend sa lecture facile et agréable. Agathe O’Reilly, une jeune et belle comédienne, reçoit des lettres de menaces anonymes. Faisant peu de cas de ces menaces qui parlent de trahison, de vengeance et de punition, elle s’inquiète quand même, voyant surgir quelques souvenirs de son passé. Puis un jour, elle se rend compte, qu’un étranger s’est introduit dans sa chambre et lui a laissé, dans son lit, une horreur qui lui fait imaginer le pire.
À qui va-t-elle se confier, vers qui va-t-elle se retourner pour l’aider à traverser cette peur sans trop éveiller les fantômes de sa jeunesse, sans trop brasser les souvenirs qu’elle voudrait bien occulter ? Se tournera-t-elle vers son vieil amant envahissant, vers une amie qui cherche à tout savoir ou vers ce nouvel ami, si gentil, si prévenant ? Michèle Marineau nous construit alors une intrigue, qui graduellement nous fait découvrir chacune des ficelles de cette écheveau complexe, qui mêle passé et présent et qui nous transporte vers une finale imprévisible et crédible.
Parallèlement, on suit l’enquête de Lysanne Thibodeau, «enquêteuse au poste 31 du Service de police de la Ville de Montréal» qui ne trouve pas drôle que son supérieur l’envoie enquêter sur une affaire d’animal assassiné dans un lit. Aux premiers abords, elle ne nous apparait pas très sympathique; un des personnages la surnomme même «face de crapaud».Est-ce qu’on la prend au sérieux pour la mettre sur ce genre d’affaire ? Et en plus, on lui affecte une jeune recrue sortie fraîchement de l’école de police.
Même si on ne peut qualifier ce roman de «thriller» haletant, le lecteur est accroché au récit, autant par les énigmes qui se nouent et se dénouent au fil des événements; mais en plus, la qualité d’écriture fluide et juste, le style simple mais efficace et les qualités des personnages, tous ces éléments font de ce roman, un plaisir de lecture assuré. De plus, de façon presque sardonique, l’auteure disperse au gré de son imaginaire, des bribes de souvenirs, des pensées vengeresses d’un personnage secret, des interventions en aparté qui viennent complexifier positivement l’histoire, susciter le doute dans l’esprit du lecteur et ajouter surtout, un mystère qui supporte le développement de l’histoire. En fait, quels sont les liens entre ce qui se passe d’aujourd’hui et les événements d’il y a seize ans, qu’Agathe veut garder secret ?
Puis, à certains moments, l’auteure nous surprend par un sens de l’humour assez dévastateur ... qui nous accroche un sourire, même dans les situations les plus tendues. « ... T’es pas la seule à faire des affaires bizarres en écoutant de la musique. Il y en a qui chantent à tue-tête, d’autres qui se mettent à danser, ou qui se branlent, ou qui se décrottent le nez ...»
À tout prendre, Agathe préférait pleurer.»
Je ne connais pas personnellement madame Marineau mais j’avoue qu’elle a l’air très sérieuse sur les photos que j’ai vues d’elle; cela a rendu ces moments encore plus distrayants. Et que dire de la dernière phrase du roman ? Et bien, vous n’avez qu’à le lire ... Je n’en dirai pas plus.
Agathe O’Reilly est un personnage sympathique et attachant, paradoxalement faible et forte, toujours en questionnement par rapport à sa vie amoureuse, à ses besoins personnels et à son métier.
Et je suis convaincu que vous adorerez Hubert, le sympathique voisin, oncle du jeune Bruno qui vient en aide à Agathe sans ménager ses efforts.
Et vous vous permettrez sûrement de trouver antipathique, Laurent Bouvier, l’amant d’Agathe, vieux comédien encore populaire mais un peu abject, qui essaie par tous les moyens de conserver sa femme et sa maîtresse ... à son service.
Un autre point intéressant de ce roman, l’auteure nous plonge continuellement dans une atmosphère musicale: chansons américaines, répertoire québécois, chansonnettes françaises ou folklore irlandais. Ce choix musical pertinent, parfois joyeux mais souvent triste, s’harmonise doucement avec la musicalité de l’écriture de madame Marineau. En exemple? Agathe qui écoute une chanson lui rappelant son enfance: «Elle a chaud, elle a le coeur qui fait le fou dans sa poitrine, elle ne sait plus où elle est, ni même qui elle est, tout en étant exagérément consciente d’émotions et de sensations qui menacent de la noyer, de l’étouffer, de la faire éclater.»
Trois extraits, juste pour le plaisir:
«Une femme, une petite fille, des cheveux fous, une odeur d’enfance ... Des rires, des chansons, des secrets ... Agathe, son soleil. Et puis ces jours sombres d’automne. Les cris, les accusations.»
«L’homme est peut-être trempé, mais son ton est l’incarnation même de la sécheresse.»
«Avec des chandelles et un fond musical qui vient vous chatouiller les sens, ce n’est plus juste du luxe, c’est de la luxuriance, de la presque luxure ...»
Alors, je terminerai cette chronique avec un message à madame Michèle Marineau. Comme amateur de polars et de romans policiers et au détriment de mon amour sans borne pour la littérature jeunesse, j’espère grandement que vous écrirez d’autres polars pour adultes. L’amour de la lecture que vous avez inculqué à ces jeunes qui ont lu vos romans, aux adolescents et adolescentes qui ont grandi en suivant les tourments et les joies de Cassiopée, et bien madame Marineau, tous ces jeunes attendent encore vos livres. Et leurs parents aussi ! Au grand plaisir de vous lire.
Bonne lecture !
La troisième lettre *
Michèle Marineau
Québec Amérique
2011
460 pages
* Une précision: ce roman est une réédition, en livre de format poche. L'édition originale a été publiée en 2007.
Pour mes lecteurs européens, le roman est disponible à la librairie du Québec à Paris.