26 Avril 2011
Michael Koryta est un auteur au talent exceptionnel, reconnu par ses pairs comme la relève américaine du roman noir. J’avais lu «Et que justice soit faite»
et je fus accroché du début à la fin de cet extraordinaire roman. Quand j’ai vu que Calmann-Lévy faisait de «La rivière perdue» le premier roman de sa collection «Robert
Pépin présente», je trépignais d’impatience et j’avais hâte de lire le dernier roman de ce jeune auteur de 28 ans.
Et bien j’ai été déçu ! Malheureusement, les 300 premières pages de ce roman ont été très difficile à lire. Est-ce l’utilisation du fantastique qui
m’a surpris ? La lenteur évidente du développement de l’intrigue ? Le manque d’action ? Une intrigue mal ficelée ? Je ne sais pas mais ce qui est certain, c’est que je n’y ai pas cru ...
!
Allons donc voir l’histoire !
Éric Shaw est un vidéaste qui a déjà connu une relative notoriété comme cinéaste. Après quelques échecs, il gagne maintenant sa vie en faisant des
montages vidéo pour des enterrements, des mariages et des baptêmes. À la suite d’une projection particulièrement réussie, lors d’un enterrement, Alyssa Bradford l’engage pour faire une vidéo sur
la vie de son beau-père mourant. Éric doit se rendre dans une petite ville de l’Indiana pour amorcer des recherches car le petit village de French Lick est le village natal de Campbell Bradford,
le sujet de sa future production.
Étrangement, sa cliente lui remet une bouteille d’eau minérale, vieille de 80 ans, que le vieux Bradford a gardé jalousement toute sa vie. Armé de
sa caméra et de cette étrange bouteille, Éric Shaw part à la recherche des origines de ce vieil homme qui a fait fortune dans de multiples entreprises.
Alors, commence cette longue recherche marquée par des découvertes assez étranges, des apparitions, des hallucinations, des personnages
fantomatiques et une certaine forme d’addiction ...à l’eau. On découvre avec notre cinéaste, un village assez particulier et des habitants à l’avenant: un jeune noir faisant un doctorat sur cette
«ville perdue», un raté et son ami, deux «losers» qui cherchent à faire fortune grâce à de petits larcins et une vieille dame, passionnée de météorologie qui attend depuis des dizaines d’années
la tempête, l’orage, la tornade qui pourra la rendre utile aux yeux des autres. Et surtout, ces étranges et intrigantes bouteilles qui contiennent «l’eau de Pluton, le médicament de
l’Amérique».
On ne peut pas blâmer l’auteur pour l’imagination, pour la créativité, pour la qualité de ses personnages; tous ces ingrédients sont présents.
Cependant, en ce qui me concerne, la mayonnaise n’a pas pris. J’avoue qu’à plusieurs reprises, j’ai été tenté de laisser tomber ma lecture. mais le souvenir du talent de cet auteur m’a incité à
lui donner de multiples chances.
Et tout à coup, vers la page 289, au chapitre 43, apparaît le véritable Michael Koryta avec sa fougue et sa façon extraordinaire de ficeler et
déficeler une intrigue. Tout se met en place, l’action court à 200 à l’heure, l’action s’intensifie, on devient étourdi par la vitesse où tout se déroule. Et on entre, enfin, dans le roman, on
commence réellement à y croire. Des 300 premières pages lentes et un peu arides, on bascule dans un roman haletant, un tourne-page hallucinant, où les rebondissements nous arrivent comme des
coups de poing et où tout s’explique finalement ... sauf l’inexplicable.
Que j’ai aimé cette dernière partie du roman !!!
Mais la question se pose: est-ce que ça vaut la peine de subir les quelques 300 premières pages avec difficulté pour en arriver à ce plaisir de
retrouver l’auteur qui nous plaît ?
Je ne saurais répondre. Mais j’attendrai quand même le prochain roman de ce jeune romancier et surtout, le retour de son personnage, Lincoln Perry
que j’aime bien. Michael Koryta est tellement jeune qu’il lui reste encore des dizaines de romans à nous offrir dans son style et son imaginaire percutant.
J’avais peut-être des attentes trop grandes, j’espérais peut-être trop de ce dernier récit, mais Michael Koryta reste pour moi un auteur à suivre,
un auteur à lire. Et un auteur de talent capable d’écrire ce genre de phrases:
«Jusqu’au vent qui paraissait hésiter et conférait comme de la gêne à la façon dont dansaient et tournaient les
feuilles.»
« ... sa voix, tel un soupir de 100 kilos.»
« C’était une espèce d’influence en arrière-plan qu’on avait, celle qu’on se construit avec couilles et coup-de-poing américain, la seule
qui ait jamais respectée.»
« On ne sait jamais ce qui se cache derrière le vent.»
Bonne lecture !
La rivière perdue
Michael Koryta
Calmann-Lévy
2011
428 pages