10 Août 2011
La bande dessinée, un art mineur ?
Oh que non !!!
Je viens de me replonger dans une lecture qui m’a transporté quelque part à la fin de mon adolescence
où, dans le cursus de mon programme en littérature française, apparaissait (sans jeu de mots) l’introduction à l’art de la nouvelle.
Un monde inconnu s’ouvrait à moi !
Arpentant les couloirs du collège (devenu depuis un immeuble à condominiums) que je fréquentais, avec une
liste comprenant les plus grands nouvellistes francophones (aucun Québécois, of course !!!!), dès mes premiers pas, je fus attiré par un étrange titre : «Passe-muraille et autres
nouvelles». Au moment où j’ai touché à ce livre et que j’ai lu la première histoire, j’ai ressenti un choc éclectique, un tsunami littéraire, un vent de folie, pour cet auteur que
je ne connaissais pas et qui m’avait, d’un seul coup de chute, converti aux plaisirs jubilatoires de la nouvelle.
Que d’heures j’ai passé avec cet auteur qui m’a fait rire, m’a surpris, ou encore plus, charmé par ces
petites histoires envoutantes. Malheureusement, dans un tourbillon romanesque, on laisse toujours un peu tomber ce genre littéraire pourtant si agréable à lire. (En passant, je dis bonjour à une
excellente nouvelliste québécoise, Suzanne Myre, qui pourrait être la digne descendante de l’auteur des «Contes du chat perché»).
Et voilà, toute une digression littéraire pleine de beaux souvenirs de lecture, pour vous parler d’une bande
dessinée qui m’a replongé dans ce monde étrange et fantaisiste de Marcel Aymé.
«La belle image» est une histoire de l’apparence, de l’impact du paraitre sur la
vie des personnes.
Raoul Cérusier, courtier en publicité, fait la queue dans un quelconque ministère pour obtenir un permis. Il
présente les deux photos requises par la structure bureaucratique; le gente dame lui répond que les photos ne sont pas les siennes. Discussion, consultation avec d’autres collègues,
questionnement aux autres clients, tous confirment que le visage sur les photos n’est pas celui de monsieur Cérusier. Étonné, il s’en retourne, marche vers un prochain rendez-vous, quand il
remarque que les femmes se retournent sur son passage. Jamais, ça ne lui était arrivé !
Finalement, il entrevoit son reflet dans la vitrine d’une boutique située sous les arcades. Stupéfaction !!!
Il a changé de visage.
Devenu un inconnu pour sa famille, ses amis et ses relations d’affaires, il devra se construire une nouvelle
vie avec le projet de reconquérir sa femme. Mais au fur et à mesure de son expérience, il connaitra les avantages de la beauté et surtout, il se laissera tenter par le regard charmeur et
pénétrant de la belle Sarrazine.
Le voilà donc pris dans une course insensée entre l’amour trop rapidement déclaré de sa femme et l’attirance
évidente de la belle Sarrazine. Comment cela se terminera ? Et bien, à la manière de Marcel Aymé. Il vous suffit de le lire !
Avec un peu de nostalgie et beaucoup de paresse, j’aime bien me retremper dans mes classiques par le biais de
la bande dessiné. La bande dessinée devient alors l’occasion de revoir et de revivre des bonheurs de lecture et ce, en y consacrant un temps moins long qu’une relecture d’un roman. Il faut
cependant que l’auteur, de même que l’illustrateur, déploie tout son talent pour ne pas dénaturer l’oeuvre de base. Il doit devenir le complice de l’auteur et donner une deuxième vie au
roman tout en lui donnant une perspective personnelle.
Tout un défi !!
Je peux vous dire que Cyril Bonin a grandement réussi son pari. On retrouve dans son dessin toute la
subtilité de l’atmosphère des écrits de Marcel Aymé. Le choix des couleurs met l’emphase sur cette ambiance étrange où Marcel Aymé aimait transposer ses personnages, un univers mi-réaliste
teinté d’une touche de fantastique ... tout en convainquant le lecteur que nous sommes dans le monde du possible, du réel, du vraisemblable.
Les illustrations sont superbes, les décors sont teintés d’un réalisme vibrant et les personnages
vivent pleinement l’expression de leurs sentiments. «La belle image» est un bel album !!
Je ne sais pas si la maison d’édition a l’intention de poursuivre dans cette veine mais je pense qu’une série
faisant le tour de l’imaginaire de Marcel Aymé pourrait être fort intéressante. Je me vois déjà, assis confortablement dans ma chaise de lecture, me régaler de l’album
«Passe-Muraille» en attendant de découvrir Le village de «La jument verte».
Au plaisir de la lecture.
La belle image
Texte et illustrations: Cyril Bonin
D’après le texte de Marcel Aymé
Futuropolis
2011
78 pages