1 Avril 2010
La Turquie, un pays inconnu ou presque. Le génocide arménien, le massacre d’un peuple si peu connu (j’avais lu il y a quelques années un roman passionnant sur cette triste page d’histoire, Un été sans aube : roman / Agop J. Hacikyan, Jean-Yves Soucy. Publication, [Paris] : Presses de la cité, 1992).
« La bâtarde d’Istanbul » est un roman magnifique, un beau prétexte pour apprendre, pour s’émouvoir, pour comprendre. Elif Sharaf nous transporte de l’Arizona jusqu’à Istanbul, en passant par San Francisco pour nous faire découvrir toute la douleur qu’à laisser l’histoire de ce peuple arménien. En même temps, elle nous plonge dans le conflit moral entre les exigences de la religion et le modernisme de ces pratiquants ainsi qu'au coeur de la rébellion de ceux qui la renient.
Le roman nous fait partager le vie de deux familles qui cachent, chacun dans leur placard, des histoires que l’on doit peut-être occultées à jamais. Une famille turque vivant à Istanbul (avec quelques membres ayant émigrés en Amérique) et une famille arménienne émigrée aux Etats-Unis au début du XX e siècle.
Les deux clans se verront réunis par le biais de leur fille respective, toutes deux, à la recherche de leurs origines.
Ce roman est tout à fait adorable. On découvre ces cultures, à travers tous les sens. Et surtout, la culture gastronomique (ce qui n'est rien pour me déplaire ...) qui occupe une grande place dans cette œuvre. Tous les chapitres portent le nom d’un aliment, d’une épice, d’un fruit, etc. C’est une grande partie savoureuse de découvertes culinaires.
Ce roman est également historique. Madame Shafak nous raconte, par bribes, les horreurs de ce génocide qui a tant marqué certains personnages. Une scène de clavardage entre des jeunes arméniens vivant aux USA et une jeune turque à Istanbul, est chargée de toute une gamme d’émotions qui nous font vibrer. Cette scène est un petit bijou d’écriture et de passion.
« La bâtarde d’Istanbul » est aussi un roman psychologique. La qualité des personnages, leur réaction, les interactions, leurs façons de traiter des sujets un peu « tabous » (comme les filles-mères, l’avortement, le traitement de l’Histoire, etc), tout cela nous permet de découvrir des personnages surprenants, attachants, typiques … Et malgré tout, malgré l’écart de culture, on peut facilement faire des rapprochements avec la société québécoise et les membres de nos familles, accomodements raisonnables ou non !!!
La bâtarde d’Istanbul » est un bon moment de lecture et d’apprentissage.
De plus, pour le plaisir de vos porte-monnaie, il est maintenant publié en livre de poche !!!
Elif Shafak est définitivement une auteure à surveiller. Deux nouveaux romans sont sortis depuis ce temps: Bonbon Palace et Lait noir, tous deux publiés chez Phebus.
La bâtarde d’Istanbul
Elif Shafak
Phébus
2007
320 pages