6 Septembre 2010
Une chronique de Richard
Quel beau petit plaisir de lecture !
Trois heures et quelques minutes de pur plaisir, d’une douce poésie, d’une drôlerie tout en nuances et d’une belle histoire racontée avec brio.
Tout commence avec un vieux tourne-disques, lancé par une femme en colère, passant à travers une fenêtre et atterrissant sur le crâne d’un malheureux passant. Ce passant qui maintenant ne passe plus car il a passé l’arme à gauche (et oui !), était attendu par trois vieux révolutionnaires qu’il avait convoqué, pour un dernier tour de piste. Un dernier acte qui leur permettrait de ne plus être «L’ombre de ce que nous avons été».
Dans le décor de la ville de Santiago au Chili, ces trois compères accompagnés par celui à qui était destiné «le lancement du tourne-disques» , se remémoreront leur passé politique, leurs exploits révolutionnaires et trouveront enfin pourquoi ils devaient être réunis.
J’ai beaucoup aimé ce livre même si quelques référents me manquaient en ce qui concerne l’histoire du Chili. Tout le contenu est amené d’une façon joyeuse; même les policiers (l’inspecteur et son adjointe) font preuve d’une grande humanité.
Luis Sepulveda est un auteur prolifique dans la jeune soixantaine d’années; il est traduit dans plus de 50 pays. J’ai lu, il y a quelques années, «Le vieux qui lisait des romans d’amour» et j’avais autant apprécié ma lecture.
Voici quelques extraits qui vous donneront une bonne idée du style de Luis Sepulveda :
« ... certains tigres ne se soucient pas d’avoir une rayure de plus ou de moins.»
« ... tout doit changer pour que rien ne change.»
« ... l’anarchiste qui, d’après les archives, était mort d’une balle tirée de très près, probablement un suicide même si l’arme n’avait jamais été retrouvée.»
« ... il les a habillées en minijupes à vous donner un infarctus.»
Et je vous invite à savourer pleinement toute la scène du tourne-disques qui selon moi, démontre tout le génie inventif de l’auteur. En attendant, je vous laisse sur cet instant, ce moment de la rencontre qui a changé le cours de cette histoire:
« Il reçut le coup, s’arrêta, vacilla, sentit disparaître la pluie et la nuit de Santiago, s’adossa à un mur puis son corps vaincu, attiré par un appel urgent du sol, commença à s’affaisser, il porta les mains à la tête pour y chercher une réponse qui n’arriverait jamais et, finalement, tomba sur le côté. Son crâne montrait une ouverture qui laissait échapper des flots de sang et aussi l’intimité grisâtre cachée pendant soixante-cinq ans sous la calotte de calcium.»
Bonne lecture !
L’ombre de ce que nous avons été
Luis Sepulveda
Éditions Métailié
2009
150 pages