22 Avril 2012
Jean Lemieux évoque pour moi les paysages spectaculaires des Îles-de-la-Madeleine, des plages exceptionnelles, le vent qui frappe les dunes, l’odeur du varech et la lumière des pieds-de-vent que les Madelinots ont su, par la magie de leur terroir, transformer en fromage.
«L’homme du jeudi» est la troisième enquête du sergent détective André Surprenant. Comme annoncé dans son deuxième roman, Surprenant travaille maintenant dans les bureaux de la Sureté du Québec du Lac-Beauport.
On retrouve donc, André Surprenant, déménagé à Québec avec sa Geneviève, son ancienne collègue et nouvelle conjointe. Ils vivent leur installation sur la «Grand’terre». Au travail, le policier apprend à connaître ses collègues ... et aussi son patron.
Le récit débute en octobre 2003. On retrouve le cadavre d’un jeune garçon sur le bord de la rivière Jacques-Cartier. Ce corps est celui du jeune Jonathan Gagnon, disparu, il y a trois jours.
L’enquête débute et on découvre que le petit Jonathan a été frappé par une auto quand il roulait à bicyclette sur la route de Fossambeault. Le conducteur pourrait probablement être le meurtrier qui, pour effacer les traces de son méfait, a transporté le corps du petit dans la rivière.
Quand Surprenant annonce la triste nouvelle à la mère, une sympathie particulière commence à se développer entre les deux personnes.
Finalement, faute d’indices, faute de preuves concluantes, faute de témoins, l’enquête est suspendue, fermée. Ce crime restera impuni.
Deux ans plus tard, un événement anodin met le sergent Surprenant sur une nouvelle piste. Le nouvel amant (un cardiologue) de Diane, la mère de Jonathan, roule dans une automobile semblable à celle qui a frappé le petit. Pour tous, ce n’est qu’une coïncidence; pour Surprenant, c’est presqu’une évidence.
Commence alors une nouvelle enquête; tout d’abord, en solo pour Surprenant, contre vents et marées ... puis après un revirement inattendu, il est rejoint par l’ensemble du corps policier. L’enquête devient alors passionnante, une tension s’installe, le lecteur devient le témoin de scènes terrifiantes, dans un climat de tension insoutenable.
Dans cette troisième aventure du sergent André Surprenant, Jean Lemieux maîtrise bien les ficelles de l’enquête, surtout dans la deuxième partie du roman, plus tassée, mieux aboutie. La trame romanesque est bien menée. Le revirement, imprévu et ma foi, assez peu prévisible, relance une intrigue qui commençait à s’essouffler, dans un crescendo qui nous tient en haleine. Le lecteur est happé par ce qui se passe au fond de cette forêt.
Ce qui est surprenant (sans jeu de mots) dans ce roman, c’est que le lecteur s’attache à l’ensemble des personnages, et ce, à des degrés divers et pour des raisons différentes. Le sergent Surprenant perd un peu de sa poésie, loin des rivages du Golfe du Saint-Laurent mais il est quand même toujours aussi attachant. Mais là où le roman est particulièrement bien réussi, c’est dans la construction des deux personnages qui s’opposent, dans un climat d’amour et de vengeance. Jean Lemieux réussit à merveille à nous attacher à ce couple singulier, des personnages bien campés qui parsèment l’intrigue de cailloux pour nous amener au fond de cette forêt où tout le drame se joue.
En ce qui me concerne, j’aime le style d’écriture de Jean Lemieux. Une écriture fluide, des phrases dépouillées de tout lyrisme inutile mais qui transportent les émotions et les sensations des personnages et des situations dans lesquelles ils se trouvent.
«L’homme du jeudi» n’est pas un roman qui va transcender le genre. Mais à sa lecture, vous passerez un très bon moment, un plaisir de lecture. Sans rien enlever à la qualité du roman, j’ai quand même eu une petite nostalgie des Îles-de-la-Madeleine.
Quelques extraits:
« Surprenant se laissait guider par ses intuitions et cherchait chez tout suspect la faille, le défaut dans l’armure qui lui permettrait, en plus de résoudre son affaire, d’approfondir sa connaissance de l’âme humaine et, accessoirement, de combattre ses propres démons.»
« Il pleuvait. Il avait gardé son ciré, comme un bâbordais qu’un grain pouvait convoquer sur le pont.»
Et comme l’auteur a truffé son texte d’extraits de chansons, je ne peux faire autrement que de citer un extrait de la chanson de Beau Dommage, 23 décembre:
«J’ai dans la tête un vieux sapin, une crèche en dessous
Un saint Joseph avec une canne en caoutchouc.»
Personnellement, j’adore ces romans où l’auteur nous parle de la musique qui accompagne les personnages.
Et un paragraphe que j’ai beaucoup aimé :
«Elle improvisa une sauce aux tomates. Après un repas funéraire, ils s’assirent côte à côte sur le vieux divan, face aux fenêtres où se reflétait la lueur de la lampe à l’huile. Il lui demanda d’éteindre la lampe. La carabine reposait sur la tablette supérieure d’un vaisselier aux carreaux ternis. La lune apparut brièvement entre les nuages. À l’intérieur, les portes vitrées du poêle laissaient filtrer des lueurs orangées.»
Je vous recommande donc "L'homme du jeudi" mais vous pourriez peut-être commencer par les deux premiers romans de la série ... "On finit toujours par payer" et "La mort du chemin des Arsène" . Les trois romans sont édités à La Courte Échelle.
Bonne lecture !
L’homme du jeudi
Jean Lemieux
La Courte Échelle
2012
293 pages
L'avis de mon amie Morgane sur Carnets Noirs
Et le site de l'auteur: Jean Lemieux