31 Janvier 2010
Dany Laferrière
Boréal
2009
286 pages
Prix Médicis 2009, L'énigme du retour est un
roman très intriguant. Un retour sous forme de “road novel”, un retour dans le pays qui nous a vu naître, un voyage à travers le temps: trois heures d’avion mais deux mondes différents, des siècles
différents. Dany Laferrière nous fait découvrir Haïti, les Haïtiens actuels et ceux qui l’étaient mais qui le sont toujours …
Une structure assez déstabilisante à mon premier contact avec le roman; même qu’elle a dérangé ma lecture jusqu’à me dire que j’arrêterais … Mais non, la chaleur du texte, l’émotion de celui qui
revient, les images de sa jeunesse, vues par ceux qui l’ont connu et qui ont connu son père.
Inconnu dans New-York, demeurant dans un appartement infect, héros dans son île qu’il a dû quitter pour protéger sa famille, le père, personnage central du livre, mort mais présent comme un million
de vivants, vit à travers les yeux de ceux qui sont restés et de la mère, révolutionnaire endormie par le temps et l’usure qui l’accompagne.
Autre personnage énigmatique, le peuple haïtien, aux extrêmes de la bonté et de la méchanceté, souvenirs des Duvalier, teintant leur pensée et leurs actions. Peuple accueillant, partageant le rien
qu’il possède, heureux dans cette pauvreté qui nous fait peur, nous, les gens du froid !!!!
Roman passionnant, éprouvant, superbement bien écrit, on en sort un peu ébranlé par les sacrifices que ce peuple a vécus, les souffrances de la solitude, du départ ou de la torture.
Quelques images inoubliables:
“Sous mes paupières ces images brulées par le soleil de l’enfance”
Près de la tombe de son père, assis à l’église, regardant de coté … “Un astre trop aveuglant pour qu’on puisse le regarder de face. C’est cela un père mort”
La valise laissé en héritage que l’on ne peut ouvrir et qu’on laisse dans le tiroir de la voute de la banque.
“J’avoue qu’il est plus facile d’apprendre que de réapprendre. Mais le plus dur encore, c’est de désapprendre”
L’auto, tellement vieille, le plancher plein de trous: “On dirait une décapotable à l’envers”
“Le didactateur m’avait jeté à la porte de mon pays. Pour y retourner, je suis passé par la fenêtre du roman”
“… humble comme je suisqui ne suis rien qui vaille …”
Après avoir un jus de fruit “local” pensant être encore un véritable enfant du pays: “Le nationalisme peut abuser mon esprit, mais pas mes intestins”
Sa mère qui donne des noms de ses frères et soeurs morts aux lézards pour éviter de les oubler
La définition d’un roman-opéra … Frankétienne qui dit que le chauffeur est le premier a lui demandé ce que c’est, les autres font semblant de comprendre … Il ne peut pas l’explique mais quand il
l’aura écrit, il lui dira ce que c’est …
Aux yeux des paysans, “un cochon vaut peut-être moins que la famille mais assurément plus que la parole d’un ministre de l’Agriculture”