14 Mai 2010
J’ai attendu un peu avant de me procurer ce dernier roman d’Indridason. Un peu déçu par ses dernières productions, je commençais à me demander si «La cité de jarres» et
«La femme en vert» étaient des accidents de parcours ou des oeuvres nées de la chance du débutant !!! J’avais un peu aimé «La voix» et je me suis carrément
ennuyé pendant ma lecture de «L’homme du lac» et «Hiver arctique».
Heureusement, «Hypothermie» m’a réconcilié
avec l’auteur et j’y ai retrouvé ce qui m’avait plu dans les deux premiers ... et en mieux !!!! «Hypothermie» est probablement le meilleur roman d’Arnaldur
Indridason.
J’ai retrouvé dans ce roman toute la profondeur du personnage du commissaire Erlendur (« ... ce policier un peu lourdaud...»), marqué par la disparition de son frère (disparu depuis très
longtemps mais si présent dans les pensées d’Erlendur !!!) et envahi par les nombreux problèmes familiaux qui ont marqué sa vie personnelle.
Et en prime, le portrait d’une société islandaise, meurtrie, isolée et tellement particulière. Aurons-nous, dans un prochain roman, les impacts de l’éruption du volcan «Eyjafjallajökull»
... Très content de n’avoir qu’à l’écrire ... Merci à la fonction copier-coller !!! (Et dites-moi, comment faire comprendre à mon logiciel de correction, que ce mot est écrit correctement ???).
Plus sérieusement, je me suis régalé de l’explication de l’attribution des prénoms et des noms en Islande !!! Courez vite à la page 181 avant même de commencer votre lecture, vous y apprendrez
une particularité intéressante de la généalogie islandaise !!!!
Voici donc l’histoire.
Maria se pend dans son chalet ! Une amie la découvre mais elle doute grandement de la possibilité que Maria se soit suicidée. Elle donne au commissaire l’enregistrement d’une séance chez un
médium; cette rencontre devait lui permettre d’entrer en contact, dans l’au-delà, avec sa mère récemment décédée. La mère avait conclu un accord avec Maria ... elle lui enverrait un signe ... de
l’autre monde.
Le commissaire commence alors une enquête bien particulière, à l’insu de ses supérieurs et de ses collaborateurs; comme à son habitude, graduellement, pas à pas, rencontre par rencontre, Erlendur
découvrira la vérité. Il nous plongera dans les incertitudes de la vie après la mort, dans les possibles mensonges des médiums et dans les croyances souvent farfelues des signes de l’autre vie.
Tout en dénouant cette intrigue complexe, étoffée mais accessible.
De plus, et selon moi, c’est la force de ce livre, le commissaire revient sur des enquêtes de disparition (son obsession !!!!) qui semblent avoir quelques liens avec la première affaire. Et
aussi, Erlendur oblige, nous assistons aux tribulations familiales de notre bon commissaire, toujours aussi malhabile dans ses relations familiales, avec sa fille, son fils, sa compagne et son
ex-épouse.
Tous les ingrédients d’un bon, d’un excellent Indridason sont donc en place !!!
Évidemment, il ne faut pas chercher, ici, un style et une écriture littéraire. Indridason joue dans l’efficacité de la langue, dans le long et progressif développement de l’intrigue, dans une écriture «presque journalistique» et dans les dialogues vigoureux. La lecture coule comme un ruisseau au printemps vers le lac Thingvellir (lieu bien important de l’intrigue !!!). L'auteur nous passionne graduellement, sans revirements excessifs, sans situations spectaculaires et sans esbrouffes inutiles; il nous raconte une bonne histoire, avec son lot de bonnes idées, dans un style efficace et une intrigue soutenue. Avec la patience d'une grand-mère besogneuse, Indridason nous tricote patiemment un vêtement réconfortant, maille par maille, dans lequel le lecteur se laisse tranquillement glisser, pour son plus grand plaisir.
Les personnages sont bien campés; malgré la difficulté des noms, on s’y retrouve facilement. Le commissaire Erlendur assure une présence constante dans ce roman; comme il la joue en dehors
des règles, les personnages secondaires du commissariat sont peu présents. Erlendur travaille sur une enquête mais aussi sur son propre passé, de père ... et de frère !!!
Pour ma part, j’aime beaucoup Erlendur. Au firmament des personnages de polars, il fait partie des Wallander, Rebus, Montalbano, Mendez, Brunetti et Jobin qui, livre après livre, nous dévoilent,
peu à peu, leur passé, leur personnalité, leurs nombreux travers et leur humanité si attachante. Une grande partie du plaisir réside dans les retrouvailles avec ces personnages, comme si ils
étaient des amis que l’on revoit avec plaisir et qui nous racontent leur dernière histoire !!! On en vient presque à oublier l’auteur qui se cache derrière eux !!!
Même si le style n’est pas sa principale force, voici quelques phrases qui ont retenu mon attention:
« ... un décès discret, une mort presque polie.»
«Non, un suicide n’est pas un crime, sauf peut-être envers ceux qui restent, nota Erlendur.»
«Cet homme ne semblait jamais sombrer dans la précipitation ...»
«Erlendur hocha la tête, et le vide à l’intérieur avec ...»
Je vous recommande grandement la lecture de ce livre. Si vous ne connaissez pas Indridason, il faut débuter par ses deux premiers romans publiés au Points, en livre de poche. Puis ensuite, vous
pourriez rendre visite au commissaire Erlendur dans «La voix» et dans «Hypothermie».
Entrez dans le monde du commissaire Erlendur, rencontrez un grand auteur, n’ayez pas peur de la complexité des noms et surtout, visitez cette Islande si éloignée.
Un choix que vous ne regretterez pas !!!
Aux plaisirs de la lecture !!!!
Hypothermie
Arnaldur Indridason
Métailié Noir
2010
296 pages