J’ai découvert Francisco Gonzalez Ledesma, grâce à son roman
La ville intemporelle ou Le vampire de Barcelone (texte précédent). À la veille d’un voyage en Espagne et surtout d’un séjour
d’une semaine dans la ville de Gaudi, je recherchais des lectures inspirantes pour découvrir, avant le voyage, cette ville qui me fascinait.
Et quelle découverte ! Oui j’ai découvert une ville fascinante, envoutante d’architecture, stimulante pour tous les sens. Mais j’ai aussi découvert un auteur, un grand auteur. Francisco Gonzalez
Ledesma est un auteur jeune de plus de 80 ans, son écriture moderne et son style crue et imagée, ne trahissent pas du tout son âge, au contraire. On en redemande ... et pour encore
longtemps.
Cinq femmes et demie
m’a permis de découvrir également, un policier très particulier, atypique et sympathique, Ricardo (beau prénom !!!) Mendez. Amoureux de sa ville, Barcelonais jusqu’à la moelle, apprécié par ses
habitants les plus démunis, dénigré par les autorités policières, avec la réputation de n’avoir jamais arrêté personne et de n’avoir jamais résolu un crime !!! Il ne boit que durant son service,
son bureau est jonché de papiers qui semblent inutiles et il apporte avec lui, dans ses poches, quelques livres « quitte à oublier de temps à autre son pistolet ». Dans sa jeunesse, il
a appartenu à la police franquiste mais il apportait des livres et des journaux aux « Rouges » qu’il avait arrêtés.
Comment ne pas aimer ce personnage !!!
L’intrigue du roman est un peu complexe : un viol perpétré par trois voyous, la construction d’un centre d’habitation pour gens riches sur un terrain d’une ancienne usine, six femmes
qui se réunissent dans un bar et en filigrane, les amours, pas toujours romanesques de tous ces personnages. Le roman débute par l’octroi de la mission de Mendez par son chef : assister aux
funérailles de la femme qui a été violée, pour représenter la police …
Voici donc la trame de ce roman : des femmes violées, battues et trompées, à qui la propension aux malheurs s’accroche et des hommes qui font tout pour les exploiter économiquement et en
prime … sexuellement.
Voici donc ces femmes :
Eva Ferrer, veuve désargentée depuis la mort de son mari, avocat honnête (une bonne raison pour être pauvre ????). Bien vêtue et distinguée, elle doit s’occuper de son fils autiste;
Anna Parra, la plus âgée. Elle s’occupe gratuitement des enfants des prostitués du quartier, en souvenir de sa fille unique, morte;
Patricia Cano, maîtresse « payante » de deux hommes riches, vit dans la peur de se faire assassiner par un tueur à gages qui la surveille et dont elle tombe amoureuse;
Sonia Verra, femme d’un entrepreneur vêreux;
Marta Pino, la sœur d’un riche promoteur immobilier qui semble fricoter avec la mafia …;
Emma la sœur jumelle de Palmira Canadell, la victime du viol;
Elena Bustos qui s’est suicidée pour ne pas voir sa fille remise dans les mains de son père.
Tous ces personnages gravitent dans un roman très bien écrit, dans un style parfois bien crue (Mendez étant un amateur de belles femmes … et de « beaux culs »), exprimant parfois des
attitudes et des comportements qui pourraient choquer certains. On oublie parfois que l’auteur a plus de 80 ans tant son écriture est moderne et l’intrigue bien contemporaine. Il ne faut pas
s’attendre à un roman avec des bouleversements à chaque page, à des rebondissements surprenants (malgré que … oui, quelques-uns !!!), bien souvent, l’auteur nous accroche par la réflexion de ses
personnages (surtout Patricia et son amour pour le tueur à gages), par la beauté de son écriture et par la poésie avec laquelle il nous décrit les rues et les ruelles de sa ville. Puis, sans
avertissement, un passage cru, un mot d’esprit plus ou moins subtil, une allusion qui nous fait sourire, une comparaison qui nous fait rire. Francisco Gonzalez Ledesma est un grand auteur qui
réussit à nous passionner par son style et sa capacité de nous raconter une ou de très bonnes histoires, avec une ville comme personnage central.
De plus, la rencontre du personnage principal, Ricardo Mendes, est tellement frappante, que l’on a le goût d’aller se procurer ses autres aventures. Une phrase qui caractérise vraiment le
personnage : « Mendes ne pouvait rien faire d’antiréglementaire, non, mais, fidèle à son habitude, c’est ce qu’il fit. »
Quelques phrases qui illustrent le style de l’auteur :
« … les cellules sentaient la soupe fermentée, le foutre séché, la punaise écrasée et la pisse de fonctionnaire. »
« …l’unique serveur semblait mûr pour écrire ses mémoires. »
Pour définir l’entrée d’une maison cossue : « Portes en chêne massif, lampe de Murano, toile de Renoir (peut-être authentique), deux vases chinois que Mao a sûrement peints de sa propre
main, divan noir de style Chesterfield recouvert de peau de juriste et tapis en soie de cachemire tissé avec des hymens de petites Indiennes. »
« … quand Conrado bouge ses capitaux, il gagne, et quand il bouge la bite, il triomphe. »
Cinq femmes et demie
Francisco Gonzalez Ledesma
L’Atalante. Insomniaques et ferroviaires
2006Francisco