6 Octobre 2012
J’ai lu à l’envers !
Non, n’essayez pas de vous faire des images de votre blogueur préféré (???) en train de lire dans des positions acrobatiques ou dans des endroits indignes de notre bienséance littéraire. Si j’ai lu à l’envers, c’est que j’ai commencé ma découverte de l’héroïne de Johanne Seymour par ce dernier roman «Eaux Fortes» et que, happé par l’histoire et les personnages, j’ai ensuite lu «Vanités», roman qui amorce l’histoire de cette enquête sur l’épouvantable «Artiste» !
Et j’avoue que ce ne fut pas désagréable de prendre ces deux romans à l’envers. Certains d’entre vous préféreront la méthode plus usuelle de les lire dans le bon ordre, d’autres ne liront que ce dernier. Mais ne vous privez pas du plaisir de rencontrer Kate McDougall de la façon dont vous désirez le faire. Dans l’ordre ou le désordre !
Quinze mois après les événements qui ont marqué profondément les membres de la Sûreté du Québec, nous retrouvons Kate McDougall à l’enterrement d’une victime de l’Artiste. Sauvé des griffes de ce tueur qui laissait des dessins au fusain sur les lieux du crime, son collègue Paul Trudel assiste à cette cérémonie, sans aucune émotion. L’agression dont il a été victime l’a laissé amnésique. Au fond de son cerveau, enseveli derrière les horreurs dont il a souffert, le visage de son agresseur, sa nouvelle identité se dissimule au plus profond de son abîme.
Malgré cette épée de Damoclès au-dessus de la tête de l’amnésique, la haute direction de la Sûreté du Québec décide de cesser la surveillance rapprochée de Paul Trudel. Il sera donc à la merci de son agresseur.
La découverte d’un corps momifié fait en sorte que toute l’enquête sur l’Artiste prend une nouvelle dimension. Très rapidement, on relie les événements et Kate se retrempe dans cette recherche incessante et lancinante de ce tueur artiste aux visées néo-nazies. Accaparée complètement par cette enquête, tourmentée par ses amours avec Sylvio et .... par son nouveau rôle de parent d’une adolescente pas facile, Kate se lance corps et âme dans la recherche de ce tueur infâme.
Et pendant tout ce temps, à quelques kilomètres de là, Simon Stein, l’Artiste, avec sa soeur Greta fourbissent leurs armes pour purifier la terre de toutes ses races inférieures. Mandaté par son père, Stein prendra tous les moyens pour réaliser cette Mission. Mais son esprit tordu, sa soif de violence, sa folie meurtrière parsèment son chemin vers cet objectif, d’insoutenables crimes.
Voilà donc le récit est bien amorcé, l’atmosphère est tendue. L’auteur nous balance des deux côtés de la clôture du crime et installe un rythme haletant en parsemant son récit de bouleversements et d’événements inattendus. La disparition soudaine de la fille adoptive de Kate, Élisabeth, vient encore plus complexifier l’enquête. Ses allers-retours entre son métier d’enquêteure et celui, tout nouveau, de mère d’adolescente se révèlent tout à fait intéressants. Et notre intérêt grandit quand nous arpentons les sombres corridors de l’organisation de l’ANDEV. Les événements se précipitent. Le lecteur est happé par l’intrigue. «Eaux Fortes» se transforme graduellement; d’une enquête policière classique doublée d’un drame familial, il se transforme en thriller haletant, marqué par des rebondissements parfois prévisibles mais aussi d’autres complètement inattendus.
Johanne Seymour nous offre dans ces «Eaux-Fortes», une histoire crédible et intéressante. Même si l’idée des groupes néo-nazis a largement été exploitée en littérature noire, elle a su y donner un souffle nouveau par l’ampleur et la profondeur du personnage de l’Artiste et par sa surprenante petite soeur.
Le style de Johanne Seymour est agréable, sans fioritures, direct. Rien ne vient altérer la puissance du récit. Son écriture est fluide, le lecteur se laisse emporter par le récit et ne s’ennuie jamais. J’ai particulièrement aimé les insertions du Manifeste de l’ANDEV qui viennent enrichir notre connaissance de ses leaders.
Lecteurs et lectrices de bonne littérature policière, vous recherchez un bon roman (peut-être deux en ajoutant «Vanités» à votre liste d’achats) ? Vous passerez sûrement un très bon moment avec cette histoire aussi effrayante que passionnante. Encore une fois, la littérature policière québécoise est capable d’assouvir vos besoins de lecture aussi bien que la majorité des romans étrangers.
Même si je vous conseille de commencer par «Vanités» avant de continuer avec «Eaux Fortes», ne boudez pas votre plaisir si comme moi, vous lisez les aventures de Kate McDougall à l’envers.
! erutcel ennoB
Quelques extraits:
«Pendant une fraction de seconde, elle songea qu’elle aurait préféré être raciste plutôt que vieille.»
«Le contact avec son corps fut comme une décharge électrique. Elle prolongea l’étreinte. Son parfum musqué, sa nuque puissante, ses larges épaules... Son corps entier l’appelait. Leurs embrasements passés remontaient comme des invitations au plaisir...:
«Elle ne pourrait pas survivre à la main qui lui broyait le coeur, à l’écrasante absence de sa fille. Il lui fallait agir pour ne pas succomber à l’anesthésie bienfaisante de l’alcool, qui l’appelait plus que jamais.»
Eaux Fortes
Johanne Seymour
Expression noire
Libre Expression
2012
340 pages
Le site de l’auteure: Chronique de la folle du logis
Sa carrière sur le site de son éditeur: Libre Expression
Le site des Printemps meurtriers de Knowlton
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