Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.
9 Mars 2013
« Observer la naissance et la mort des êtres est comme observer les mouvements d'une danse »
Boudha
Pour la première fois de ma vie de lectrice, j'avais réservé LE livre,
Je voulais être sûre de pouvoir le lire, tout chaud sortie de l'impression.
C'est que les deux romans précédents de David VANN m'avait laissée entrevoir un écrivain marquant, puissant, un de ceux dont on attend avec impatience la nouvelle oeuvre parce qu'on sait qu'il s'agira forcément de littérature.
Il n'est pas de ceux qui règlent avec la précision d'une montre suisse la sortie de ses livres,
Il n'est pas de ceux dont on se dit sans surprise : « tiens vl'a le nouveau David Vann, à l'heure, comme le premier tiers provisionnel, les courses du samedi matin, le rhume des vacances, le soleil du lundi ».
Non, il n'est pas de cette race d'écrivain qui produisent des bouquins comme d'autres des tomates hors sol, dopées à l'eau améliorée d'engrais, injectée directement en perfusion dans la sève originelle, incolores, inodores et sans saveur.
Il n'est pas de ceux qui projettent, planifient, envisagent une oeuvre comme les chanteurs de hit parade programment leur carrière : un album rock, un peu de pop et puis bien sûr une ritournelle ou deux pour faire fondre la ménagère et/ou la midinette pré pubère.
Rien de tout ça chez David Vann, seulement l'exploration de ses obsessions, de ses névroses familiales de la noirceur des êtres, la sienne peut-être …
Une famille constituée d'êtres impurs, violents, malsains, vivant un huis clos infernal auquel aucun ne peut ou ne veut réellement échapper.
C'est un récit vénéneux dont on sait depuis la première ligne qu'il s'achèvera dans le sang, les larmes, la folie parce que dans les livres de David Vann, « la vie n'offre jamais de troisième porte ».
Parce que dans ses livres comme dans ceux de Christian BOBIN : « les grandes décisions se prennent dès l'enfance, celles qui orientent le cours des astres et l'allure des songes ». (le 8ème jour de la semaine).
Galen, 22 ans, est le seul élément masculin de cette famille infernale.
Il vit dans un univers régit par Suzy Q, sa mère, omnipotente depuis qu'elle a confisqué la fortune de sa mère, placée en maison de retraite parce qu'elle devient sénile.
Un univers où gravitent sa tante Hélène et sa fille Jennifer, adolescente nymphomane, perverse et vénale.
Et comme souvent, l'argent, rat crevé oublié sous un buffet, distille le poison qui pourrit l'atmosphère déjà lourde de violences et de non dits où évolue cette famille.
J'ai assisté en voyeuse médusée à la spirale infernale de la destruction de cette « mafia » matriarcale où chacun rumine ses défaites, ses obstacles, ses rancoeurs.
Dans cette famille depuis toujours, « le problème venait des hommes » : le grand père violent et sans doute … pire.
Puis, Galen : un gamin « gâté pourri » qui se prend pour un prophète et croit que « la clé pour traverser le monde est de trouver un moyen d'en oublier l'existence »
Galen a beau avoir lu et relu Siddhartha, il ne trouvera pas la Voie de l'Eveil pour se détacher de ce samsâra,
Peu à peu, il entrevoit le « chat » qui effraie tant les « souris » qui constituent sa famille : le chat de la vérité.
Et la vérité fait mal, rend fou.
Galen, fort de sa « seconde naissance » entre les cuisses de sa cousine va sombrer définitivement dans la folie, la noirceur, le délire, car « sa deuxième naissance était une déformation, un nouveau modelage de l'argile de (sa )première naissance, et ce (qu'il ) devenait alors était quelque chose qu'il (lui) fallait fuir pour le restant de (sa) vie ».
Et parce qu'elle est sa mère, Suzy Q était là aussi, pour cette seconde naissance.
Le regard de la bête s'est posé sur elle,
Le reste vous appartient, lecteurs avides de vérité.
Mais autant vous le dire tout de suite, la vérité je ne la connais toujours pas, parce que « Impurs », comme tous les grands livres, laissent le lecteur avec plus de questions que de réponses,
J'ai refermé le livre et je me suis retrouvée comme Galen « à la fin avec dans les mains, un tas de clé qui n'ouvraient rien »
Je sais seulement que j'ai assisté à une danse macabre d'une beauté douloureuse, violente, qui m'a laissée étourdie, et pourtant émerveillée devant tant de virtuosité, de vérités impénétrables, devant tant de talent tout simplement.
«A esprit libre, univers libre » Koan
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Impurs
David Vann
Gallmeister
2013
288 pages
Cette chronique a été rédigé par Attila, chroniqueure sur Polar, noir et blanc.