10 Décembre 2010
Après une absence passagère, me voilà enfin de retour.
Plusieurs circonstances ont fait en sorte que je n’ai pas beaucoup écrit sur mon blogue. Mais en général, on peut résumer la situation par cette phrase qui ne passera sûrement pas à l’histoire:
un rapprochement avec les livres et la lecture m’a empêché de lire.
Mystérieux ! Pas vraiment ! Mais bientôt, je vous parlerai de ma nouvelle expérience de ... travail, celle qui me rapproche des livres ... et qui aura, je le pense, contribué à alimenter ma
passion pour tout ce qui entoure la lecture, les livres et les auteurs.
Alors, pour l’instant, je reprends avec plaisir le clavier pour vous parler d’un livre que j’ai bien aimé et surtout pour vous présenter un personnage que j’adore.
Connaissez-vous le commissaire Kostas Charitos ? Personnage principal des romans policiers de Petros Markaris, Charitos est commissaire à Athènes. Râleur, impatient, irascible, têtu mais combien
attachant, le commissaire est un homme de famille qui a bien de la difficulté à accepter les commentaires de sa femme et les décisions de sa fille. Et son mauvais caractère est exacerbé par la
chaleur humide de sa ville, les problèmes de circulation et les aléas mécaniques de sa vieille auto qu’il adore. Amant de sa langue, le commissaire se retire souvent (surtout après une dispute
avec sa «douce» moitié) pour lire ses dictionnaires. Et comme ses collègues Montalbano, Wallander et Carvalho, il adore bien manger. Markaris a déjà expliqué la naissance de ce personnage
extraordinaire:
« Un beau jour, en écrivant le scénario pour la série de télévision « Anatomie d’un crime », apparaît clairement devant moi une famille grecque, typique, simple de
petits-bourgeois. Ma première réaction a été de l’envoyer au diable. Dans tous les genres littéraires que ce soit le théâtre ou le cinéma, il y a partout des histoires de petits-bourgeois. Par
conséquent, qu’écrire de plus là-dessus? Alors, je me suis dit, laisse tomber… Mais ce personnage était extrêmement têtu; insistant même. Il ne me quittait pas. Dès que je me mettais à écrire, il
était toujours là, assis face à moi en me regardant. Le supplice a persisté jusqu’au moment où je me suis dit que, pour qu’il me torture ainsi, il ne pouvait être que flic ou dentiste. Quoi
d’autre ? Les dentistes sont peut-être des gens sympathiques mais comme ils ne présentent aucun intérêt dramatique, j’en ai conclus qu’il s’agissait plutôt d’un flic. C’est ainsi que Kostas
Charitos est né. » (Petros Markaris dans le documentaire « Meurtre à l’Agora »)
Et voilà, dans ce petit paragraphe, vous pouvez découvrir l’imaginaire de Petros Markaris, son humour irrésistible et son style bien à lui.
«L’empoisonneuse d’Istanbul» est le 5e roman de cette série et probablement un de ses meilleurs.
Le premier «Journal de la nuit» était très bon. le deuxième, «Une défense béton» était assez moyen. Le troisième «Le Che s’est suicidé» est selon moi, son meilleur.
Son quatrième, «Actionnaire principal» était passionnant. Évidemment la lecture par ordre chronologique est souhaitable mais pas essentiel; et puis, ne pas lire
«Une défense béton» ne vous empêchera pas d’apprécier les quatre autres.
Mais, revenons à notre empoisonneuse ... Le commissaire Charitos est en vacances à Istanbul avec sa femme, Adriani. Le mariage civil de leur fille (quelle honte, selon madame Charitos !) a été
l’élément qui a déclenché l’organisation de ce petit voyage en amoureux. Pour ne rien manquer de cette ville mythique, le couple a acheté un forfait, un voyage organisé en groupe. Et voilà une
première source de frustration pour notre commissaire à la mèche courte. Certains passages sont tout à fait hilarants et pourraient vous rappeler certains souvenirs de voyage.
Et puis, le séjour de notre couple en goguette est troublé par la découverte du corps du frère de la vieille Maria, nonagénaire de son état mais encore très lucide et assez intelligente pour
devancer les policiers de quelques longueurs avant chaque meurtre vengeur de fautes anciennes. Notre inspecteur se met donc à la poursuite de cette gériatrique tueuse en série en arpentant les
rues et les ruelles de la ville historique de Constantinople.
Toute une partie du récit nous plonge dans l’univers des «Roums», la diaspora grecque qui a résisté à l’imposition d’un impôt abusif des Turcs, impôt qui avait provoqué le départ d’une grande
partie de cette communauté. Sans être didactique, ce contexte ajoute à l’intérêt du roman et m’a appris une partie de cette triste histoire d’intégration mal vécue.
J’ai suivi avec intérêt le parcours de cette enquête qui comme toujours est truffée de l’humour de Petros Markaris, agrémentée d’une écriture agréable et de dialogues souvent délicieux.
«- Quoi qu’il ait fait, nous autres, on l’a pendu !
- Et après, vous n’avez rien trouvé de mieux que de donner son nom à un boulevard.
- C’est pour mieux le piétiner ! dit-il en riant aux éclats.»
Chaque partie de l’enquête, chaque personne rencontrée, toutes les petites découvertes qui se transforment en indices, chaque comparaison savoureuse, tout cela fait en sorte que l’on
ressort de ce roman avec le sourire aux lèvres. Et ce, en savourant un dénouement tout à fait «markarissien» !
Je vous encourage grandement à découvrir cet auteur si peu connu. Je sais par expérience que les deux premiers romans sont très difficiles à trouver ( Merci mille
fois à Suzanne, mon amie directrice d’école, qui a découvert pour moi «Une défense béton» dans l’endroit le plus insolite ... !). Mais que cela ne vous empêche pas de commencer avec le
troisième ouvrage de cet auteur qui vous fera partager la chaleur, les odeurs, la gastronomie, la circulation et l’envoutement de la Grèce moderne.
En guise d’apéritif, je vous laisse donc avec la description du mariage de Katérina, la fille de Charitos et de Phanis, son médecin de mari:
«C’est ainsi que le mariage à la mairie s’est déroulé dans l’allégresse d’une oraison funèbre, avec nous d’un côté, aussi amers qu’un café noir, et les parents de Phanis de l’autre,
tirant des mines d’enterrement.»
Bienvenue à Athènes !
Au plaisir de la lecture.
L’empoisonneuse d’Istanbul
Petros Markaris
Seuils Policiers
2010
289 pages