13 Octobre 2022
Une chronique de Sylvie Geoffrion
C'est le dernier été de Libero, son dernier de jeune adulte et il nous raconte. Cet été là, sur les hauteurs de l'Argentu entourant son village d'Ogliano, Libero ne verra plus les grottes, les hauts plateaux de la même manière, n'entendra plus le chant des oiseaux comme lorsqu'il était petit, ne sentira plus cette chaleur d'été aussi intensément, il fut un temps où Libero aimait Ogliano. Mais, c'est la fin d'un monde, la fin d'une vie. Plus rien ne sera jamais pareil.
Libero vit seul avec sa mère, il ne connait pas son père, il croit que celui-ci est mort. Demande parfois à sa mère de lui révéler qui était son père mais toujours le silence. Le silence sur ses origines comme sur bien d'autres choses dans ce village. C'est encore et toujours le règne de l'omerta.
Cet été là, le riche du village célèbre la fin des études de son fils Raffaele et tout le village est convié à une fête sans commune mesure. Libero ira, Tessa la belle et jeune épouse du riche du village éblouira comme d'habitude, César carabinier à la retraite et qui est une espèce de père pour Libero seront de la fêtes bien sûr d'autres aussi. C'est une belle fête jusqu'à ce que...
Et là, dès le matin, Libero, accompagné de son fidèle chien rescapé, suivra dans la montagne une drôle de caravane: deux mules, deux hommes et un corps entravé sur une des mules. Les événements, tragiques, se succèderont et certains n'en reviendront pas.
Petit récit intrigant (déjà, la couverture du livre m'a séduite) que l'on pourrait croire situé au coeur d'une société féodale, il nous raconte la douleur des hommes dans le silence. La douleur et les injustices. Ces injustices qui gardent le pauvre dans la pauvreté, soumis aux codes des riches. Que faire "quand on ne peut se fier ni aux lois ni aux hommes censés les servir" (P. 129) ? Alors dans le village et dans la vie de chacun c'est "chacun pour soi et les miens contre les tiens" (P.129). Il semble que ce soit comme ça depuis le début des temps. Les choses restent en l'état, rien ne bouge et on continue de servir les intérêts de quelques-uns. C'est aussi une société muette, pleine de secrets de famille. Être né dans un clan plutôt que dans un autre et traîner ce passif toute une vie sans jamais rien dénoncer, sans que rien ne change.
Elena Piacentini, avec élégance, poésie et finesse, a su recréer une atmosphère de tragédie grecque. En lisant ce titre, j'ai pensé au roman de Laurent Gaudé, "Le soleil des Scorta" pour lequel j'avais succombé. Pareil ici. Certains diront qu'Elena Piacentini n'a fait qu'un exercice de style, je passe outre et je vous avoue que j'ai passé un très très agréable moment de lecture. Lecture qui m'a transportée dans un monde qui pourrait être aujourd'hui ou il y a deux mille ans, dans un lieu d'une beauté indescriptible, dans un tout petit village isolé. Lecture qui m'a parlé de la jeunesse qui sera toujours la même partout et des conflits qui n'en finissent plus et de ces pères que l’on peut détester.
Les amateurs de littérature italienne du Sud seront, je crois, ravis. Quelques jours d'été racontés comme une tragédie grecque.
Bonne lecture !
Les silences d'Ogliano
Elena Piacentini
Actes sud
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Les silences d'Ogliano - Polar, noir et blanc
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