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Polar, noir et blanc

Un blogue qui parle de livres, de bons livres, dans tous les genres, juste pour le plaisir de lire et d'en parler.

Les silences d'Ogliano

Une chronique de Richard

Comme moi, Alexandre Dumas n'a jamais mis les pieds en Corse ! Et pourtant, jeune étudiant en Lettres françaises, il m'avait fait connaitre les charmes de l'Île de Beauté et les dessous des mots comme "vendetta", "vengeance" et "honneur", dans son roman "Les frères corses".

Depuis quelque temps, je découvre la Corse par ces jeunes auteures qui jettent un regard nouveau sur ses paysages et les peuples qui l'habitent, Jérôme Ferrari, Cecilia Castelli, Michèle Pedinielli, Anouk Langaney sont des auteurs.es qui chantent les beautés et les travers de cette Île qui fait rêver.

Mais ce matin, je voudrais vous parler d'Elena Piacentini. Elena est Corse jusqu'au bout des cheveux, mais vit à Lille dans le nord de la France. Depuis 2008, je suis un admirateur de cette excellente écrivaine de polars. Que je conseille à tous ! En particulier "Carrières noires". Vous serez séduits par son personnage principal, Pierre-Arsène Leoni, policier corse émigré dans le Nord en compagnie de sa grand-mère.

Toute une introduction, pour vous dire que je viens de terminer ma lecture de "Les silences d'Ogliano", premier roman non policier d'Elena. Une pure merveille!

Toutes les qualités que l'on retrouvait dans ses polars se retrouvent amplifiées dans ce roman envoutant. Une écriture toute en poésie, des personnages attachants, complexes, tout en nuances, une histoire belle à pleurer. Des paysages à couper le souffle, un village inventé, mais tellement réaliste, une nature inspirante, parfois dangereuse souvent protectrice, tous les ingrédients d'un bon moment de lecture. Et une histoire d'amour déchirante !

La fête est au village ! Dans la Villa Rose, on célèbre la réussite des études de Rafaelle, le fils de cette riche famille des Delezio. Tous les gens du village sont invités. Tessa la très jeune épouse du père Delezio trône au centre de la fête ! Libero, 18 ans, est secrètement amoureux de cette magnifique femme. César, l'ancien carabinier, joue le rôle du père auprès de Libero, père qu'il n'a pas connu, sa mère Argentina, refusant toujours de lui en parler. Et il y a le meilleur ami de Libero, Gianni, les inséparables.

Puis, il y a, dans un autre village, le clan des Carboni et leur chef Dario, véritable mafia 

Cette fête où les riches reçoivent les pauvres se termine abruptement par la mort d'un personnage bien spécial de ce village ! Mais ce n'est que le début ! Inéluctablement, le petit village prend des airs de tragédie grecque et les clans s'épient, s'affrontent, ceux qui n'ont rien veulent une part de bonheur et ceux qui ont tout, en veulent encore plus.

Dans ce village inventé par l'auteure se dessine une fresque où tous les personnages veulent faire leur place en combattant le silence et l'opacité. S'en sortir ! Avoir sa part de bonheur !


Elena Piacentini maitrise parfaitement les codes du roman noir, portrait d'une société qui souffre et des humains qui se battent pour leur survie. Romancière aguerrie, écrivaine de polars haletants, elle réussit à nous accrocher dès le début et nous restons suspendus aux lèvres de son histoire. Ses personnages sont beaux, épris de justice pour certains, pour d'autres, épris de pouvoirs, mais toujours profondément humains. Avec leurs forces et leurs faiblesses.

Dans ces chapitres les plus touchants, Elena Piacentini donne la parole à chaque intervenant de l'histoire et cela donne une force et une puissance extraordinaire au récit. Chaque incursion dans les pensées et les souvenirs de ces personnages donnent au lecteur un indice, une vision qui alimente le développement du récit. Mais surtout, elle nous fait découvrir chacun des personnages en peignant leur humanité aux couleurs de leur histoire, de leur rêve et de leurs ... faiblesses.

"Les silences d'Ogliano" est un excellent roman corse parce qu'il est écrit par une écrivaine corse qui adore son île et qui sait comment en parler pour nous charmer.

"Les silences d'Ogliano" est un excellent roman corse parce que dès le départ et sans m'en rendre compte, je l'ai moi-même situé en Corse. Mon cerveau de lecteur a traversé les vagues de la Méditerranée et a accosté sur la côte de l'Île de Beauté.

"Les silences d'Ogliano" est un excellent roman corse parce que, comme Québécois, la Corse a toujours eu des airs d'amitié avec le Québec. 

"Les silences d'Ogliano" est un excellent roman corse parce que c'est juste dans ces romans que les mules peuvent sourire !

Alors, Québécois.es, Français.es et Corses, n'hésitez pas à vous rendre dans "Les silences d'Ogliano" et lisez ce très beau roman d'Elena Piacentini. Il y a des auteurs.es qui ont l'art de faire parler les silences. Et ceux d'Ogliano parlent haut et fort !

 

Extrait:

"J'avais troqué ma peine contre de la haine. Je la couvais. Dans l'Argentu, c'est ainsi que les yeux des hommes restent secs et que les femmes pleurent pour deux."

Bonne lecture !

Portrait © Laurent Mayeux

 

Les silences d'Ogliano

Elen Piacentini

Actes Sud

2022

204 pages

 

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