10 Mai 2022
Une chronique de Sylvie Geoffrion
Vous le savez j'aime énormément Keigo Higashino. Pour moi c'est le maître de la subtilité, de la patience, de l'enquête au pas à pas et c'est ce que j'ai retrouvé dans "Les doigts rouges".
Une famille qui aurait pu être normale mais qui nous apparaît totalement dysfonctionnelle est au coeur de cette intrigue lorsqu'une petite fille de leur quartier est retrouvé morte dans leur jardin. Cette famille, composée du père qui comme beaucoup de japonais, est assez absent de la vie familiale, qui travaille beaucoup et surtout qui semble avoir peu d'intérêt pour les activités domestiques. Sa femme, détestable personnage, qui ne vit que pour son fils adolescent, qui serait prête à tout pour lui éviter l'opprobre et contribuer à sa réussite sociale mais surtout, qui ne semble plus être capable de faire la part des choses. Et ce fils, cet ado meurtrier de la petite fille (je ne divulgue rien car nous le savons dès la première page), véritable hikikomori en puissance, atteint de ce trouble de conduite qui l'isole et le retranche d'une vie normale. Et tout ce beau monde vit dans la maison de la grand-mère paternelle, avec la grand-mère qui semble perdre de ses facultés cognitives assez rapidement.
Avec "Les doigts rouges" on porte la réflexion aux limites du : Jusqu’où sommes-nous prêts à aller, que, qui , quoi serions-nous prêts à sacrifier pour sauver notre enfant meurtrier?
Plus qu'une enquête policière, Higashino nous livre une étude sociétale par le biais de ce portrait familial. Rien n'est laissé au hasard: les liens qui unissent les époux; les relations parentales avec les enfants; les problèmes engendrés par le vieillissement de la population; la filiation; la fratrie, la sénilité, l'acceptation, le respect. Tout y passe et tout nous est raconté avec ce ton sans jugement mais toujours avec l'oeil acéré de l'observateur avisé et intelligent.
J'ai lu "Les doigts rouges" avec beaucoup d'intérêt et ce titre ajoute encore à la réflexion sur toute la complexité des liens familiaux, thème fort s’il en est un.
Bonne lecture !
Les doigts rouges
Keigo Higashino
Éditions Actes Sud
Collection babel noir
2020